Etape 183 - Mandalay
- Dans les coulisses du monastère Shwenandaw Kyaung
Jeudi 6 février 2020.
Je profite de ce dernier chapître sur ce fabuleux
monastère Shwenandaw Kyaung*** pour revenir un instant
sur l'histoire de Mandalay.

Mandalay fut la dernière capitale
royale, entre 1860 et 1885, sous la dynastie Konbaung. On
la surnommait alors la « cité des joyaux », pour
son jade réputé.

Elle a été détruite
par des incendies successifs dans les années 1980.
Partout en ville, on entend parler mandarin.

Et pour cause... La ville comprend
30, voire 40 % de Chinois. Pour la plupart, il s'agit d'émigrés
qui, dans les années 1990, ont commencé à déferler
depuis le Yunnan voisin. Ils viennent consolider la minorité
locale sino-birmane, installée là depuis le XVIIe
siècle.

La ville s'étend le
long de la faille transformante de Sagaing, qui fait la limite entre
la plaque tectonique indienne et la plaque eurasienne. Elle
est donc exposée aux tremblements de terre.

Le plus important des séismes
recensé a eu lieu en 1956. Il a atteint une magnitude
de 72 et a fait de très gros dégâts à
Sagaing, ce qui lui a valu le nom de « Grand Tremblement de
terre de Sagaing ».

La ville prend son nom de Mandalay
Hill (la colline de Mandalay, située juste au nord). Ce nom
est probablement dérivé d'un terme pâli ou sanskrit.
Il y a plusieurs hypothèses : Mandala (qui
signifie "cercle", ou "plaine"), Mandare (qui
voudrait dire "terre favorable"), ou Mandara
(une montagne de la mythologie hindouiste).

Au moment de sa fondation en 1857,
la ville royale fut officiellement nommée Yadanabon,
version birmane de son nom pâli Ratanapura, signifiant "la
Cité des joyaux". Elle était aussi nommée
Lay Kyun Aung Myei (Pays victorieux des quatre îles)
et le palais royal Mya Nan San Kyaw (Fameux palais royal
d'émeraude).

Comme la plupart des capitales birmanes,
Mandalay fut créé sur ordre du maître
de l'époque. Le 13 février 1857, le roi Mindon fonda
sa nouvelle capitale royale au pied de Mandalay Hill, afin d'accomplir
une prophétie concernant la fondation d'une métropole
du bouddhisme en cet endroit pour le 2400e anniversaire
de cette religion.

Le site de la nouvelle capitale faisait
66 km2 et était entouré par 4 rivières.
Le plan prévoyait 144 blocs carrés, centrés
sur les 16 blocs du palais royal près de Mandalay Hill.

Le palais royal de 413 hectares était
entouré par 4 remparts de 2.032 m de long et des
douves de 64 m de large et 4,57 m de profondeur.

Tous les 169 m se dressaient des
tours de garde surmontées de toitures dorées. Chaque
rempart avait trois portes et cinq ponts au-dessus des douves (soit
12 portes et 5 ponts au total).

Le roi fit aussi construire la
pagode Kuthodaw, le Pahtan-haw Shwe Thein (salle de l'upasampada,
ou ordination complète), les Thudhamma Zayats (salles destinées
au repos et à l'enseignement) et une bibliothèque
pour le canon bouddhique.

En juin 1857, le palais royal
d'Amarapura fut démonté et transporté à
dos d'éléphants au pied de Mandalay Hill.
La construction de l'ensemble palatial ne fut officiellement terminée
que deux ans plus tard, le lundi 23 mai 1859.

Après sa chute devant les Britanniques
et le départ en exil de ses derniers souverains (Thibaw
Min et Supayalat) le 25 novembre 1885, la ville perdit beaucoup
de son importance au profit de Rangoon, bien qu'elle restât
la capitale de la Haute-Birmanie.

Les Britanniques la développèrent,
comme le reste de la Birmanie, essentiellement dans l'optique de
leur commerce : les chemins de fer y arrivèrent dès
1889, mais le premier établissement d'enseignement supérieur,
Mandalay College, ne fut pas établi avant 1925.

Les Britanniques pillèrent
le palais royal, dont certains objets se trouvent encore exposés
aujourd'hui au Victoria and Albert Museum, le renommèrent
Fort Dufferin (d'après le vice-roi des Indes Frederick Temple
Hamilton-Temple-Blackwood) et y cantonnèrent des troupes.

Durant cette période,
Mandalay resta le centre de la culture birmane et de l'enseignement
bouddhiste birman, et fut considérée par
les Birmans comme un symbole de leur identité.

Dans l'entre-deux-guerres, elle fut
le point focal en Haute-Birmanie d'une série de mouvements
de protestation nationaux contre la domination britannique.

Pendant la campagne de Birmanie, la
ville subit d'importants dommages. Elle fut occupée par les
Japonais du 1er mai 1942 à mars 1945.

Le palais royal, transformé
en base logistique, puis en camp de retranchement jusqu'à
sa prise le 20 mars 1945 fut bombardé par les Alliés
et brûla, à l'exception de l'atelier de fabrication
de monnaie et de la tour d'observation (une réplique
du palais fut construite dans les années 1990.)

Après l'indépendance
du pays en 1948, Mandalay resta le point d'attraction principal
de la Haute-Birmanie. Jusque dans les années 1990, elle en
était le centre universitaire : avant 1991, l'Université
de Mandalay et l'Université de médecine de Mandalay
étaient les seules de la Haute-Birmanie.

Seules quelques autres villes avaient
des établissements associés à l'Université
de Mandalay, et qui ne couvraient qu'un nombre limité de
matières.

Aujourd'hui, le régime
exige que les étudiants fréquentent leurs universités
locales et Mandalay n'en attire plus qu'une fraction.

Les années 1950 furent
le sommet de l'influence culturelle de la ville, particulièrement
en musique. En novembre 1959, Mandalay fêta son centenaire
au pied de Mandalay Hill. Des timbres commémoratifs furent
émis à cette occasion.

Durant le « règne
» isolationniste du général Ne Win (1962-1988),
les infrastructures de la ville, déjà faibles sous
la domination britannique, se dégradèrent encore plus.

Au début des années 1980,
la seconde plus grande ville de Birmanie restait une grande
ville aux bâtiments bas et aux rues poussiéreuses principalement
remplies de bicyclettes.

Peu après, elle subit deux incendies
majeurs : en mai 1981, plus de 6.000 maisons et bâtiments
publics furent rasés, laissant plus de 36.000 sans-abri ;
le 24 mars 1984, un second incendie détruisit 2.700 bâtiments
de plus et fit 23.000 sans-abri.

Les incendies des années 1980
débouchèrent sur des changements significatifs de
l'aspect architectural et ethnique de la ville.

Les terrains dévastés
furent surtout achetés par les sino-birmans, refoulant
les Birmans vers les banlieues.

De nombreux immigrants chinois
(principalement du Yunnan, mais aussi du Sichuan) s'infiltrèrent
en Haute-Birmanie dans les années 1990, beaucoup
terminant à Mandalay. Aujourd'hui, ils représenteraient
entre 30 et 40 % de la population et seraient responsables du doublement
de celle-ci d'environ 500.000 en 1980 à environ un million
en 2008.

Avec l'extension de ses banlieues,
Mandalay atteint maintenant Amarapura, la ville même que Mindon
Min avait quittée il y a 150 ans.


|