Etape 154 - Bagan
- Derniers feux sur la plaine dorée
Lundi 3 février 2020.
Longtemps je crois, ces moments passés au sommet de cette
butte quand le soleil se couchait sur la plaine incendiée
de Bagan resteront gravés dans ma mémoire. Rarament
dans ma vie, il m'a été donné d'assister à
un tel spectacle.

Car Bagan est un rêve, Bagan
est unique. Un lieu si magique que les mots manquant presque
pour le décrire.

Contemplé depuis la terrasse
d'un temple, ou de cette simple butte, au coucher du soleil,
alors que la lumière vient incendier ses milliers de temples
est un moment presque irréel, comme sorti d'un songe.

Avec ses horizons aux couleurs
changeantes selon l'heure, on est tout simplement face à
un immense choc esthétique, une émotion inoubliable.

Des 4.000 pagodes, temples
et stûpas construits entre le XIe et le XIIIe siècle,
2.217, toutes tailles et formes confondues, tiennent encore debout.

Et ces 2.217 monuments constituent
un patrimoine architectural fabuleux, un musée à
ciel ouvert.

Mais emplier les superlatifs ne suffirait
pas à expliquer ce que procure une balade à
scooter électrique comme j'ai pu le faire entre les briques
et les stucs des monuments ou une journée en calèche
le long des rives de l'Irrawaddy, entouré de beautés
monumentales émergeant à chaque détour du sentier.

Ici, étrangement, pas encore
d'effets du tourisme de masse. Et pour cause, le site est
si étendu qu'il suffit de serrer plus fort la poignée
de l'accélérateur pour se laisser haper en solitaire
par ce paysage fabuleux.

Au total, 55 rois ont régné
sur Bagan. Mais seuls les derniers ont laissé une
trace tangible dans l'histoire.

L'historie de Bagan commence dès
le IIIe siècle avant J.-C., avec la civilisation Pyu de l'Irrawaddy
nourrie d'influences chinoises, puis la civilisation Mon de Thaton,
influencée par le Ceylan et l'Inde.

La première apporte le
bouddhisme Theravada, et la seconde l'architecture particulière
des Sikhara, tours aus formes ogivales qui dominent les édifices.

Viennent ensuite les Birmans,
Mongols de l'Himalaya, qui envahissent le territoire Mon aux VIIIe
et IXe siècle, s'emparent de Bagan en 849, puis de Thaton,
la capitale des Môns, en 1057.

Lors de la prise de cette vile, le
roi Anawratha emporte de nombreuses oeuvres d'art, mais surtout
des textes sacrés (Tripitaka) que le roi Môn Manuha
avait eu l'outrecuidance de lui refuser, capturant au passage sa
famille royale et les membres de sa cour, soit près de 30.000
personnes, et laissant derrière lui environ 3.000 morts...

Captifs et butin sont alors emmenés
à Bagan, une trentaine d'éléphants
assurant le transport. C'est cette prise de Thaton qui donne à
Bagan son véritable essor.

13.000 ? 4.000 seulement ? Si
les plus romantiques penchent pour le haut de la fourchette, d'autres
archéologues limitent l'addition à 4.000 temples.
Etendu sur 42 km2, le site n'offrait pas assez d'espace pour en
contenir le triple...

Le roi Anawratha, 4e monarque
de Bagan (1044-1077), est le véritable unificateur du royaume
Birman. Il arrête l'invasion khmère et rapporte de
ses campagnes militaires de nombreuses reliques du Bouddha
auxquelles il convient de donner un cadre digne de leur sainteté.

C'est ainsi que débute
le prodigeux programme de construction de temples, pagodes et sanctuaires
divers que l'on voit encore de nos jours. A la veille du XIIIe sècle,
le chantier est terminé. Fabuleux.

Quant à la question du choix
du site, celui-ci reste un mystère. Pourquoi dans
cette plaine trop sèche pour cultiver le riz à grande
échelle ?

On peut tout juste supposer que
des millions de briques cuites pour les besoins de ce chantier pharaonique
sont à l'origine de la disparition des forêts...

A cette même époque,
l'empire mongol est pris d'un élan expansionniste et, naturellement,
les riches terres du royaume birman intéresse fortement l'empereur
Qubilaï Khan, petit-fils de Gengis Khan et fondateur de la
dynastie des Yuan.

Bagan est prise en 1287. La
plupart des habitants ayant déjà fui, la ville subit
peu de combats.

Et contrairement à nombre d'envahisseurs,
Qubilaï Khan préserve Bagan qui tombe ensuite dans une
léthargie totale...

Finalement, les seules dégradations
et destructions seront causées par les intempéries
et les catastrophes naturelles : tremblements de terre et
surtout, débordements du fleuve Irrawaddy qui ravageront
et détruiront près d'un tiers des temples existants.











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