Etape 93 - Hpa-An
- Lakana, un village Karen au milieu de la jungle
Mercredi 29 janvier 2020.
Après ma longue visite des grootes de la veille, j'ai encore
toute une journée devant moi pour visiter les environs
de Hpa-An. En effet, mon car qui doit m'emmener
vers le lac Inle ne part pas avant 19 h 30, ce soir. Mais
surtout pas question de le manquer. Il est le seul bus de nuit qui
fait le trajet jusqu'à la région du lac. Du coup,
après en avoir discuté avec l'hôtel, je m'en
vais ce matin visiter un village Karen, l'une des des nombreuses
ethnies minoritaires que comptent la Birmanie. Cette visite
va me permettre d'aborder l'épineux problème
des minorité au Myanmar.

A une vingtaine de minutes de Hpa-An,
au milieu de la forêt épaisse qui recouvre les environs,
voici donc le petit village de Lakana où vivent quelques
membres de l'ethnie Karen. Un minuscule petit village à
vrai dire puisqu'il ne rassemble qu'une trentaine d'habitants.

Les Birmans descendent des
Mongols et forment aujourd'hui la majorité ethnique du pays
(presque 70% de la population). Ils sont essentiellementinstallés
le long du fleuve Irrawaddy, sur près de 60% du territoire,
là où se trouvent les terres les plus riches.

Les cinq principales minorité
qui peuplent le rest du pays sont : les Shans à
l'est, les Karens au sud-est, les Môns au
sud, les Kachin au nord-est et les Rakhines à
l'ouest.

A l'entrée du village, j'ai
ainsi le privilège de pouvoir pénétrer
à l'intérieur de quelques maisons traditionnelles
karen, toutes montées sur pilotis pour éviter les
ravages des crues au moment de la mousson. Une femme m'accueille
très gentiment et me montre comment elle fabrique
les feuilles tressées qui recouvrent les habitations du village.

Si chacune des grandes minorités
possède son Etat dans le cadre de l'Union du Myanmar, la
plupart ne se reconnaissent rien de commun avec les Birmans contre
lesquels ils luttent depuis très longtemps. En 1947,
les accords de Panglong sont signés entre les dirigeants
birmans et ceux des autres minorités.

Ces accords jettent les bases
du fédéralisme tout en garantissant un droit de secession
après 10 ans. Ils ne seront jamais respectés.
Aung San, le dirigeant birman qui les a signés est d'ailleurs
assassiné la même année...

Sur une quinzaine de mouvements
armés de libération, seuls ceux des Karens, des Shans
et des Was ont réellement menacé le pouvoir central
pendant de nombreuses années. En représailles,
ces minorités ont subi - et subissent toujours - de
nombreuses persécutions, attaques et déplacements
de population. Du coup, des centaines de milliers
de réfugiés ont fui vers les pays voisins (Inde et
Thaïlande)... Et certains ont hélas été
renvoyés dans leur pays d'origine avec les conséquences
que l'on imagine.

Aujourd'hui, le réglement
des conflits entre les différentes minorités constitue
le principal défi dont le gouvernement civil compte s'emparer.
Aung San Suu Kyi, qui n'est autre que la fille de Aung San, en 2016,
a lancé la nouvelle conférence de Panglong qui a réuni
autour de la table 18 des 21 minorités... Un premier
pas vers une réconcilliation nationale ?

Les minorités demandent
à ne plus être considérées comme des
citoyens de seconde zone et veulent obtenir une meilleure reconnaissance
de leur spécificité culturelle et linguistique, ainsi
qu'un accès plus équitable aux ressources.
L'objectif serait d'aboutir à un fédéralisme
procurant un degré d'autonomie qui répondent aux attentes
de chacun.

Me voici donc à Lakana,
dans un de ces nombreux petits villages de la région peuplés
de Karens. Cette tribu, originaire d'Asie mineure
et du désert de Gobi, rassemble environ 4,8 millions d'habitants
en Birmanie.

Ces tribus sont descendues
du Yunnan (sud de la Chine), ont suivi le fleuve Irrawaddy avant
de s'installer en 700 av. J.-C. dans le sud-est du Myanmar, le long
de la frontière avec la Thaïlande. D'autres
ethnies (dont les Birmans) suivront exactement la même route.
Pendant des millénaires, toutes les migrations de
population se sont en effet effectuées le long des fleuves.

Lorsque le roi Birman de Bagan
Anawratha décida d'agrandir son royaume (autour de 1050),
il lança son "éléphanterie" vers
tous les peuples environnants. C'est ainsi que les Karens
devinrent membres du royaume birman.






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