Etape 166 - Amarapura
- Nuit magique au pied du pont U Bein
Mercredi 5 février 2020.
Le crépuscule tombe au pied du pont U Bein. Une petite
brume nocturne commence à se lever.

A la proue du bateau, on distingue
la silhouette des derniers pêcheurs à pied qui s'activent
sur les berges du fleuve.

Devant nous, les derniers feux
du soleil repeignent la brume noctune d'une magnifique teinte orangée.

Au loin, je zoome pour tenter d'apercevoir
les derniers attardés qui patientent au bord de la berge.

En mai 2007, la junte birmane a signé
un accord avec China Power Investment Corporation pour la
construction de sept barrages hydroélectriques sur le haut-cours
de l'Irrawaddy, la Mali et N'Mai dans l'État de Kachin.

La production totale de ces barrages
doit être de 13 360 mégawatts, ce qui en fait
le plus grand projet hydroélectrique du pays, devant les
7100 mégawatts du barrage de TaSang prévu sur la Salouen
dans l'État Shan.

L'électricité est destinée
aux autres pays de la région, principalement la Chine
populaire, mais aussi peut-être la Thaïlande, l'Inde
et le Bangladesh.

Le barrage de Myitsone, le plus grand
des sept, se trouve au confluent de la Mali et de la N'mai,
à la source de l'Irrawaddy. China Power Investment
Corporation est à la tête du projet, d'autres entreprises
y participant, notamment du côté birman Asia World
Company, Suntac Technologies et l'entreprise publique Myanmar Electrical
Power Enterprise.

Le barrage de Myitsone a soulevé
de sérieuses questions écologiques et sociales, en
raison de sa taille et de sa situation. Selon l'étude
de l'Irrawaddy Myitsone Dam Multipurpose Water Utilizing Project,
la hauteur maximale du lac de barrage sera de 290 mètres,
ce qui inondera 766 km2, faisant disparaître 47 villages.

Les autres conséquences de l'inondation
seront la perte de terres cultivables et la diminution des
poissons, puisqu'ils ne pourront plus remonter le fleuve.

Le Kachin Development Networking Group,
un réseau de groupes de la société civile et
d'organisations de l'État de Kachin avertit que cela
appauvrira certainement les pêcheurs. Il rapporte que les
habitants sont aussi hostiles à l'engloutissement de leurs
sites culturels.

Comme les autres grands barrages, celui
de Myitsone modifiera les caractéristiques hydrologiques
du fleuve, empêchant les riches alluvions himalayennes d'atteindre
les régions de plaines en aval, qui leur doivent une grande
partie de leur productivité agricole.

Cela pourrait avoir un impact
jusque dans le delta du fleuve, la principale région productrice
de riz de la Birmanie.

Les questions écologiques concernent
surtout l'inondation d'une zone considérée
comme la limite entre le point chaud de biodiversité Indo-birman
et celui des Montagnes de la Chine Occidentale.

La confluence de la Mali et de la N'mai
se trouve dans les forêts pluviales Mizoram-Manipur-Kachin,
ajoutées par le World Wide Fund for Nature à sa liste
des régions à la biodiversité exceptionnelle.

L'emplacement du barrage de Myitsone,
à moins de 100 km de la faille entre les plaques
tectoniques eurasienne et indienne suscite aussi des questions sur
sa résistance aux séismes.

Certains survenus récemment
dans la région, comme celui du 20 août 2008
près de la frontière sino-birmane (d'une magnitude
de 5.3 sur l'échelle de Richter) ont incité Naw Lar,
coordinateur du KDNG dam research project, à demander à
la junte de renoncer à ses projets.

La nouvelle équipe au pouvoir
reste très handicapée par des décisions prises
par la junte encore très présente, avec parfois
des soupçons de corruption, avec un partenaire chinois dont
la proximité et la puissance incitent à la prudence
en l'absence de soutien international clair.








|