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Birmanie, du sud au centre - Janvier-février 2020

Etape 94 - Lakana - Un village Karen loin des luttes de l'autonomie

Mercredi 29 janvier 2020. C'est à pur moment de grâce auquel je vais assister ce matin. Un peu à l'écart du village, au milieu d'une forêt clairsemée où quelques vaches prennent le frais, je tombe par hasard sur une jeune fille et celui que je suppose être son frère.

Le jeune fille se prélasse tranquillement au fond de son hamac et affiche une telle joie de vivre naïve que j'en suis bouleversé, faisant soudain écho à ce que j'ai toujours pensé, que le bonheur est par nature simple, dénué d'artifices, de possessions inutiles, d'envies ravageuses ou stupides. Rien de tout cela en effet. Juste un hamac, un compagnon de jeu et quelques vaches. Le bonheur ne tient à rien d'autre.

A deux pas de là, les quelques biquettes qui patientent elles aussi, attachées à un arbre, profitent également de ce moment pour se rafraîchir. Car c'est aussi cela le bonheur, s'accorder pleinement avec la nature, son environnement immédiat, s'accorder avec le temps et la saison. Prendre simplement ce que la terre a à vous donner.

Longtemps, très longtemps encore je le sais, je me souviendrai de ce doux moment de bonheur que je suis allé découvrir au fin fond de la Birmanie, dans un endroit improbable, dans un moment tout aussi inattendu et dans une simplicité qui, aujourd'hui encore, me désarme. La jeune fille me sourit. Je lui adresse quelques mots qu'elle ne comprend pas, mais elle me répond par un sourire, par la simplicité de son bonheur. J'en reste bouleversé.

Un peu plus loin, c'est une autre famille qui m'accueille très gentiment dans leur maison. Et toujours ce même sourire désintéressé, cette même simplicité à vivre et à s'acorder avec ce que la nature a à offrir. Le bonheur simple de vivre et d'exister. Le bonheur d'aimer ses proches et de leur venir en aide. Rien de plus.

C'est en faisant encore le tour du village, en faisant le tour du petit troupeau de vaches qui s'abritent de la chaleur de midi à l'ombre de cette forêt, en échangeant encore quelques mots avec cette jeune fille et son frère que je me replonge encore dans l'histoire pourtant si mouvementée, et tragique, de cette minorité Karen.

Au moment de la colonisation anglaise, les Karens voient dans l'envahisseur anglais un tuteur qui pourrait les aider à se libérer du joug de leurs ennemis birmans. Ils se convertissent au christiannisme dès 1826 sous l'impulsion des missionnaires baptistes britanniques et adhèrent à l'administration anglaise.

Mais lorsque les Anglais se replient en Inde après le début de l'invasion japonaise, 2.000 soldats karens les rejoignent. En janvier 1948, l'indépendance de la Birmanie est signée et les territoires des minorités sont intégrés dans l'Union Birmane.

Mais les Karens, qui souhaitent leur propre Etat indépendant, sont quelques-uns à prendre les armes dès 1948. L'insurrection fait tâche d'huile dès l'année suivante, la révolte karen se structure, occupe une grande partie de l'est du pays.

Face à cette révolte, le pouvoir birman riposte et l'armée reprend le terrain perdu et devient maître de l'Etat Karen en 1954. Et cette situation va alors perdurer jusqu'au début des années 1970.

L'année 1976 voit la création du Front démocratique national (FDN), avec à la tête le général Bo Mya. Il est rejoint par de nombreux opposants au régime. Puis avec la répression sanglante de 1988, les organisations des étudiants et des moines de l'opposition rejoignent le FDN pour fonder le mouvement politique ADB ou Alliance démocratique de la Birmanie. Le tout dirigé par Bo Mya.

La lutte armée est alimentée par le trafic de teck et d'antimoine avec la Thaïlande. Avec ses 25.000 combattants, le FDN contrôle la quasi totalité des frontières. Cependant, le FDN et les Karens en particulier ne bénéficient pas du soutien de l'Etranger.

En 1995, le quartier général Karen tombe aux mains de la Tatmadaw, l'armée de la junte militaire au pouvoir. De 1993 à 1995, des groupes armés dont celui du trafiquant d'opium Khun Sa, signent leur rédittion. Mais les Karens du KNU refusent de le faire.

En 1997, la junte lance une offensive de 100.000 hommes dans les régions du Dooplaya et de Mergui-Tatoy, réduisant ainsi les zones controlées par le KNU.

Selon certaines sources, les sociétés Total et Unocal auraient largement financé les militaires pour protéger les installations d'un gazoduc qui traversait le territoire karen... Mais les deux compagnies et la junte ont démenti.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

 
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