Etape
94 - Acropole d'Athènes - De la forteresse au sanctuaire
Dimanche 11 juillet 2021. Je profite
de faire un tour des cariatides de l'Érechthéion
pour admirer de près ces magnifiques copies des originales
qui se trouvent au musée. Et j'évoque à
présent l'époque archaïque : le glissement
de la forteresse au sanctuaire.

L'Acropole d'Athènes fut le
théâtre du premier événement
politique enregistré de l'histoire de la cité.
L'Eupatride Cylon, célèbre vainqueur olympique
tenta à une date indéterminée de la seconde
moitié du viie siècle av. J.-C. de prendre le pouvoir
à Athènes en instaurant une tyrannie.

Il s'empara de la forteresse,
l'acropole, croyant contrôler la cité. Il y fut, avec
ses partisans, assiégé, principalement par les Athéniens
des campagnes. Vaincus par la faim et la soif, les
conjurés se placèrent sous la protection de la divinité
Athéna Polias en s'asseyant sur son autel.

Afin de conserver cette protection
hors du sanctuaire, ils nouèrent un fil à
la statue de la déesse. Sur le chemin du tribunal, la corde
cassa. La foule interpréta cela comme le signe que la déesse
ne souhaitait pas leur accorder sa protection et les massacra.

Cet épisode est surtout la preuve
du double usage de l'Acropole à l'époque archaïque
: elle est encore une forteresse et déjà un sanctuaire.

Elle est suffisamment forteresse
pour être intéressante à contrôler ; mais
pas encore totalement un sanctuaire qui n'aurait aucun intérêt
stratégique et surtout qui placerait les insurgés
en état de sacrilège immédiat.

D'ailleurs, les autres coups d'État
tentés par des aspirants à la tyrannie, jusqu'aux
réformes clisthéniennes visèrent l'Acropole.
Il est possible d'envisager que jusqu'à cette fin
du VIe siècle av. J.-C., les extrémités est
et ouest du plateau étaient encore zones militaires tandis
que le centre était dédié aux cultes, comme
l'atteste la mention d'un autel et d'une statue dans l'histoire
de Cylon.

L'instauration de la démocratie
athénienne aurait alors passé par la démilitarisation
du rocher avec la destruction des murs cyclopéens
sud et la disparition de citernesà partir de 480 av. J.-C.

Au cours du VIe siècle
av. J.-C., se développa un nouveau centre civique, autour
de la future agora.

Cette création est le plus souvent
attribuée à Solon, dans le cadre de ses réformes,
mais l'historiographie récente a de plus en plus tendance
à lui donner une date plus tardive dans le siècle.

Cette création eut pour
effet de diminuer le poids politique de l'acropole et par contrecoup
d'en augmenter le poids religieux.

Malgré tout, la première
tentative de prise du pouvoir par Pisistrate en 561 av. J.-C. passait
encore par un contrôle de la place forte.

Ensuite, par contre, les Pisistratides
ne résidèrent pas sur l'Acropole. Hippias fut même
assiégé avec ses partisans, quelque part en contrebas,
dans l'enceinte du Pélargicon ; peut-être
parce que là, il y avait un point d'eau, utile dans un camp
retranché.

Le rocher joua une dernière
fois un rôle politique quand Isagoras profita de la
fuite d'Hippias pour tenter de prendre le pouvoir vers 508 av. J.-C.

Avec l'aide du roi de Sparte
Cléomène Ier, il s'empara de l'Acropole.
Selon Hérodote, la déesse se serait adressé
depuis son temple à Cléomène lui disant que
les Doriens étaient interdits d'y entrer.

Cette dernière tentative de
coup d'État fut peut-être la raison pour laquelle
le plateau devint ensuite définitivement et dans son intégralité
un sanctuaire.

Il reste peu de traces du sanctuaire
avant le milieu du VIe siècle av. J.-C. : quelques
fondations de bâtiments, dont potentiellement un temple
du VIIIe ou VIIe siècle av. J.-C. et des offrandes en marbre
du VIIe siècle av. J.-C. marquant l'arrivée
de ce matériau qui remplaça peu à peu le bois
et la terre cuite.

L'autel à Athéna
Polias devait déjà se trouver à l'emplacement
qu'on lui connaît ensuite. Par contre, la statue,
un xoanon de bois, fragile, devait déjà être
protégée.

Les hypothèses varient à
ce sujet. Elle pouvait être abritée par un
simple baldaquin ou déjà par un bâtiment, bien
que ce dernier ne soit pas mentionné dans les sources évoquant
la tentative de Cylon. Cependant, les deux colonnes
de pôros du Pirée à l'angle sud-est de la tribune
des cariatides pourraient être celles d'un petit
temple.

De plus, divers éléments
de décor (antéfixe ornée et plaque
de bronze décorée d'une gorgone) pourraient provenir
d'un temple à Athéna, dont l'égide
était décorée d'un Gorgonéion.

Le sanctuaire de la fin de
l'époque archaïque est un peu mieux connu.
Si l'ensemble architectural reste encore pratiquement un
mystère, en raison des destructions des guerres médiques
puis des grandes transformations du Ve siècle av. J.-C.,
les offrandes sont mieux connues, en grande partie parce
qu'elles ont été utilisées dans les travaux
de remblai (le « Perserschutt ») : elles ont donc été
préservées, contrairement à celles qui leur
ont succédé.

Au VIe siècle av. J.-C., les
offrandes sur l'Acropole furent de plus en plus abondantes et magnifiques,
signe d'une prospérité de la cité,
mais aussi d'une évolution de la société et
de la pratique religieuse, les dédicants désirant
en effet que la mémoire de leur offrande fût conservée.

Les trésors se multiplièrent
alors, même s'il est difficile pour ceux de cette
époque de déterminer leur emplacement, leur plan et
leur donateur.

Les inscriptions conservées
renseignent un peu : la cité en tant qu'entité
était peu présente ; ses magistrats faisaient une
offrande souvent pour commémorer la fin de leur carrière...

Les aristocrates étaient
aussi minoritaires face à un nombre de plus en plus
important d'artisans (et parmi eux les plus nombreux étaient
les céramistes à leur patronne Athéna Ergané).
Cet état de fait pourrait refléter la montée
en puissance de la « bourgeoisie ».



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