Etape
40 - Cité de Mystra - Le monastère de Pantanassa
Mercredi 7 juillet 2021. Avant
de quitter cette incroyable cité franque et byzantine, je
ne voulais pas manquer de grimper jusqu'au monastère
de Pantanassa, l'un des monuments les plus emblématiques
du site.

Le monastère de la Pantanassa
est accroché au versant est de la colline, à
un endroit où la pente est abrupte.

Il est le bâtiment le
mieux préservé de Mistra et également le seul
toujours habité de nos jours, par une demi-douzaine de religieuses.

Le monastère fut fondé
par Jean Frangopoulos, ministre sous les derniers Paléologue,
en 1428.

On trouve son nom et son titre peint
sur les arches de la façade ouest et sur une inscription
gravée dans le chapiteau d'une colonne mentionnant : «
Le fondateur Jean Frangoupoulos, protostrator et katholikos mésazon
».

Les Frangopoulos sont une famille
importante de Mistra, d'origine latine, mais hellénisée
avec le temps.

Le nom de la famille n'est d'ailleurs
pas sans rappeler ses origines, puisque Frango signifie
Franc.

Jean Frangopoulos, d'abord régent,
devint par la suite protostrator (ou premier ministre) et
fidèle conseiller du jeune Théodore II, puis de Constantin.
Ce monastère est le dernier grand bâtiment de l'époque
byzantine construit à Mistra.

La pente de la colline à cet
endroit a obligé les architectes de l'édifice
à l'orienter sur un axe nord-sud.

L'église, réalisée
sur le modèle de l'Hodégétria, est
une basilique à trois nefs au premier niveau, et une église
en croix inscrite et à cinq dômes à l'étage.

Comme son modèle, elle
possède des absides très hautes, mais nettement plus
riches et plus décorées.

Leurs façades sont divisées
en zones et alors que l'Hodégétria possède
peu d'ouvertures sur l'extérieur, le monastère
de la Pantanassa possède deux rangées de fenêtres
sur l'ensemble de ses absides, plus larges au niveau supérieur,
et plus étroites, mais plus nombreuses dans la partie inférieure.

Des arches d'influence gothique
entourent chaque fenêtre du premier niveau.

L'influence franque est d'autant plus
présente au niveau du clocher : ses fenêtres
trilobées sont encadrées par des arcs gothiques et
quatre petites tours viennent flanquer le dôme au sommet de
la tour.

Le monastère de la Pantanassa
est le bâtiment de Mistra où l'influence franque
se fait le plus sentir.

C'est un bel exemple de l'architecture
de Mistra au début du XVe siècle avec l'assimilation
de trois traditions architecturales : locale, byzantine et franque.

Voilà pour le monastère
de Pantanassa. Mais avant de quitter Mistra, je veux évoquer
avec vous le long déclin de la cité franque avant
le grand incendie turque qui la détruisit au XIXe siècle.

La présence vénitienne
à Mistra est de courte durée. Dès 1714,
les Turcs, en paix avec leurs autres voisins et ayant le soutien
diplomatique de la France, dont les marchands espèrent développer
leurs activités en Orient aux dépens de Venise, se
préparent à prendre leur revanche. Ils peuvent
aussi compter sur le manque de soutien de la population grecque
aux Vénitiens.

Au début de l'année 1715,
une armée forte de 100 000 hommes traverse l'isthme de Corinthe,
alors qu'une flotte traverse la Mer Égée, capturant
au passage l'île de Tinos, possession vénitienne depuis
trois siècles. Les Vénitiens privilégient
la défense des forteresses situées sur la côte.
Ainsi, Corinthe se rend après un bombardement de
cinq jours.

Il semble que les Turcs soient accueillis
favorablement par les Grecs, à la fois dans les villes et
les campagnes. Ils retrouvent entre autres, avec les Ottomans,
une imposition plus faible. Le pacha du Péloponnèse
fait à nouveau de Mistra la capitale de la province et la
population de la ville aurait, à cette époque, de
nouveau atteint le chiffre de 40 000 habitants.

Cependant, le retour ottoman marque
une régression dans certains domaines. On note un
retour à un gouvernement arbitraire et corrompu, ainsi qu'un
déclin en matière d'éducation. Sous
les Vénitiens, une génération de jeunes
Grecs avait pu avoir accès aux écoles de Venise et
de Padoue, ainsi qu'aux nombreuses écoles ouvertes par les
religieux latins. Les Turcs, s'ils ne s'opposent pas à
ces écoles chrétiennes, ne les encouragent pas pour
autant.

En 1768, l'empire ottoman entre
en guerre contre la Russie de l'impératrice Catherine II.
Après quelques jours de résistance, les Turcs
offrent leur reddition en échange du droit d'emmener leurs
familles. Une fois la ville livrée, on assiste à un
massacre des Turcs. Le métropolite et les prêtres
de la ville interviennent afin de protéger les vaincus et
en viennent à menacer d'excommunication toute personne portant
atteinte à un Turc.

La flotte russe quitte Ítylo
dès le mois de juin 1770 et anéantit la flotte ottomane
le 7 juillet 1770, au large de Chios. Mais Mistra se retrouve
désormais seule face aux représailles ottomanes.
Une armée de musulmans albanais est rassemblée dans
le nord du Péloponnèse et marche sur la ville. Il
s'ensuit un nouveau sac ; les maisons sont pillées avant
d'être brûlées. Les Albanais ne font
pas de distinction entre Grecs et Turcs, et de nombreuses maisons
turques subissent le même sort. Les églises sont systématiquement
pillées.

Après le départ des Russes,
de nombreux autres Grecs sont tués et de nombreux
enfants vendus comme esclaves. En moins de dix ans, la population
de Mistra tombe à moins de 8 000 habitants. En 1821,
éclate la guerre d'indépendance grecque. Dans toute
la péninsule, on assiste à des soulèvements
de la population grecque. Les Turcs se réfugient dans les
cités fortifiées. Il semble inévitable
qu'à Mistra les Grecs se soulèvent également.

En 1824, de peur de perdre le Péloponnèse,
le sultan fait appel à son vassal Méhémet Ali,
pacha d'Égypte, pour mater la révolte. Il nomme Ibrahim,
le fils de ce dernier, pacha de Morée. L'armée
d'Ibrahim s'avance facilement dans le Péloponnèse,
brûlant les villages et massacrant la population. Mistra est
détruite par l'armée d'Ibrahim, le 14 septembre 1825.
Cette fois, Mistra ne se relève pas de ses cendres. Les destructions
subies sont trop importantes.


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