Etape 80 - Bolivie
- Sur la route de la ciudad de Potosi
Mercredi 26 juin 2019.
Ce matin, après une bonne nuit de sommeil réparatrice
à notre hôtel à Uyuni, nous reprenons
la route pour rejoindre la ville qui a fait la fortune (et le malheur
pour une majorité d'indiens) de la Bolivie : Potosi***.

J'en arrive à ce point crucial
où la géographie, la géologie et l'histoire
viennent s'entremêler pour mieux comprendre la Bolivie d'aujourd'hui.
Car je vais profiter de ces trois heures de route qui nous séparent
de Potosi pour aborder sans doute un des pans de l'histoire le plus
sombre de ce pays.

Car il est impossible d'évoquer
le pillage des Amériques par le royaume d'Espagne sans évoquer
le sort de Potosi...

Quand les Espagnols arrivent dans l'empire
Inca, le Pérou n'est plus le pays de cocagne tant rêvé
de l'autre côté de l'Atlantique... Les gisements
d'or et d'argent, pillés par les premiers conquistators,
se sont vite épuisés. C'est dons dans le haut Pérou
(la Bolivie actuelle) que les Espagnols vont toucher le gros lot...
Et ce, pour plusieurs siècles de prospérité
économique.

Il leur faudra donc traverser ces vastes
étendues désertiques que nous voyons passer derrière
la vitre de notre bus pour arriver, en 1545, devant le Cerro
Rico, une montagne culminant à 4.700 m d'altitude, qui deviendra
le plus grand gisement d'argent de l'histoire de l'humanité
!

Au pied de la montagne d'argent naît
aussitôt la ville de Potosi où s'écriront les
pages les plus importantes de la conquête espagnole dans les
Amériques.

Les mines d'argents commencent à
être exploitées dès 1546 selon une adaptation
maison du système de la mita inca. Alors
que les fils du Soleil étaient censés travailler pendant
deux ou trois ans pour l'Inca, les Espagnols organisent
de gigantesques transferts de population en provenance des communautés
quechuas et aymaras des vallées de l'Altiplano.

Les paysans sont reconvertis de force
en mineurs et des millions d'entre eux meurent d'épuisement
dans les galeries de la montagne d'argent. Si la plupart
sont des esclaves, certains, libres, travaillent moyennant un paiement
en nature.

D'autres sont autorisés à
exploiter des filons qu'ils ont découverts ou à les
mettre en location, à condition de vers le quint
à la Couronne d'Espagne.

Mais très vite, les
populations locales sont décimées par ce travail forcé,
et du coup, les Espagnols font venir des esclaves d'Afrique.
Le commerce triangulaire bat son plein. Une flopée
de bateaux de toutes les nations de l'Europe fait la navette entre
les trois continents.

Très vite, toute l'économie
de la région s'organise autour de Potosi. Buenos
Aires et Lima se développent comme des villes-ports destinés
à réguler le flux d'argent et de marchandises.

Potosi devient au XVIIIe siècle
la plus grande ville des Amériques avec 160.000 habitants.
Au début du XIXe, c'est encore de Potosi que provient plus
de la moitié de la production mondiale d'argent.

L'argent des mines de Potosi fait la
grandeur de l'Espagne, de ses fabuleux palais et surtout de la ville
de Séville où se trouve la Casa de Contratacion qui
gère cette grande coulée d'argent qui déferle
sur l'Europe depuis les Amériques.

Mais c'est aussi cet argent, ce déferlement
de richesse, qui causera la perte de l'Espagne sur le vieux
continent : le pays dépense sans compter, puis s'endette
auprès des voisins du nord de l'Europe, qui l'approvisionnent
en produits manufacturés.





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