Etape
71 - Sainte-Chapelle - Un écrin pour les reliques du Christ
Jeudi 14 mars 2019. La Sainte Chapelle
à sa construction doit répondre à une quadruple
vocation : écrin pour la conservation des reliques
permettant également leur vénération ; chapelle
palatine ; siège d'un collège de chanoines ; et lieu
de culte pour le personnel du château.

L'on pense que c'est la volonté
de Louis IX de disposer d'un lieu de prière tranquille
qui motive ce parti, et non le désir du roi de réserver
les reliques à la famille royale et son entourage, ce qui
cadre moins bien avec la personnalité de saint Louis.
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Aussi, la chapelle
ne dispose-t-elle pas d'une tribune royale, car les
jours ordinaires, seulement le clergé, la famille royale
et ses invités ont accès à la chapelle. |
Elle est reliée
au palais par la galerie des Merciers, qui délimite à
l'ouest la cour de Mai et dessert les appartements privés
du roi. Dans la chapelle, le roi dispose d'un oratoire qui
est juste une niche ménagée dans le mur de la quatrième
travée, au sud.

La chapelle ne contient initialement
pas de stalles : l'assistance, y compris les chanoines,
prennent place sur les bancs de pierre qui courent tout autour.
Un jubé n'est installé que postérieurement,
un peu à l'est de la limite entre la seconde et la troisième
travée.

Les travaux commencent entre
l'automne 1241, date de l'arrivée des reliques à Paris,
et mai 1244, date à laquelle une bulle pontificale évoque
pour la première fois les travaux. Dès 1246,
Saint-Louis fonde un collège de cinq maîtres-chapelains
chargé de garder les reliques, entretenir les vitraux
et luminaires, et célébrer le culte dans la chapelle.

L'édifice est officiellement
consacré le 26 avril 1248, le légat
du pape Eudes de Châteauroux consacrant la chapelle haute
dédiée à la Sainte-Croix, et l'archevêque
de Bourges Philippe Berruyer consacrant la chapelle basse dédiée
à la Vierge le même jour. La durée des
travaux est donc comprise entre quatre et six ans, pour un coût
total de 40.000 livres tournois.

La rapidité avec laquelle est
menée le chantier illustre la santé financière
du royaume, dont le trésor peut réunir de grosses
sommes en très peu de temps. Saint Louis
est un roi bâtisseur, qui fait édifier des édifices
militaires, tels que les remparts d'Aigues-Mortes et de Jaffa ;
des bâtiments civils tels que le château de Tours, l'hospice
des Quinze-Vingts et les hôtels-Dieu de Compiègne et
de Pontoise ; et surtout de nombreux établissements
religieux, tels que l'abbaye de Maubuisson fondée par sa
mère en 1236, et l'abbaye de Royaumont, dont il est lui-même
le fondateur.

L'on sait qu'il visite personnellement
les chantiers pour contrôler leur déroulement, prend
une part active dans l'ordonnancement des édifices et aide
parfois les ouvriers. Ainsi, il est à peu près
certain qu'il conçoit la Sainte-Chapelle en étroite
collaboration avec le maître d'œuvre.

Si le Palais de la Cité
est abandonné comme résidence royale par Charles V,
la Sainte-Chapelle est honorée par toutes les dynasties qui
se succèdent, et même quand Paris est gouverné
par le duc de Bedford après la Bataille d'Azincourt en 1415,
celui-ci tient à respecter les usages. Cependant,
des mariages royaux et sacres ne sont plus célébrés
dans la Sainte-Chapelle depuis la fin du XIVe siècle.

La valeur inestimable des reliques
de la Passion n'empêche pas les souverains successifs
d'en prélever des parcelles afin de les offrir à des
communautés monastiques et des évêques en France
et à l'étranger, car le partage des reliques
ne diminue pas leur sainteté. Louis IX lui-même
instaure cette pratique dès 1248, quand il offre des parcelles
à l'évêque de Tolède. Ainsi
les reliques se multiplient, et pour ne prendre que l'exemple de
la Vraie Croix, huit reliquaires en ont été créés
en province.

Ce chef-d'œuvre de l'architecture
gothique rayonnant répond à un plan d'une
grande simplicité sans collatéraux, ni transept, ni
déambulatoire, ce qui fait l'une des deux principales caractéristiques
des Saintes-Chapelles, l'autre étant une élévation
à un seul niveau, sans grandes arcades, ce qui découle
de l'absence de collatéraux, ni triforium.

Régulièrement orientée,
la chapelle comporte deux étages, ce qui donne deux
chapelles superposées, dites la chapelle basse et la chapelle
haute.

L'ambiance sombre de la chapelle basse
et ses proportions évoquent une crypte, mais la finesse
des supports contraste avec cette impression, et le décor
montre la même élégance que dans la chapelle
haute.

Afin que la chapelle basse
puisse supporter le poids de la chapelle haute, chacun des piliers
est dédoublé par une colonne isolée, placé
à peu de distance à l'intérieur de la nef et
de l'abside. Il en résulte des faux bas-côtés
et un pseudo-déambulatoire.

Les faux bas-côtés
et le pseudo-déambulatoire sont voûtés d'ogives
indépendamment, et leurs voûtes sont si étroites
que les arcades séparant leurs travées sont presque
invisibles entre les voûtains.

La polychromie architecturale
avec ses teints très intenses marque profondément
la Sainte-Chapelle. Elle est destinée à mettre
en valeur les vitraux, qui dans la chapelle basse ont tous
été arrachés en 1691 et remplacés par
du verre blanc.

La multitude et l'intensité
des couleurs marquent le plus l'ambiance de la chapelle haute, ainsi
que son élégance et sa hauteur, qui équivaut
à presque deux fois sa largeur.

Bien que lumineuse, la chapelle
haute n'est généralement pas inondée de lumière,
car les vitraux du xiiie siècle sont semi-opaques.

L'élévation est beaucoup
plus simple et plus clairement structurée que dans la chapelle
basse, et toute l'architecture de la Sainte-Chapelle a été
pensée pour permettre ce grand espace unique encombré
par aucun pilier libre, qui met en exergue la verticalité
des parois presque entièrement évidées.

Comme la présage l'agencement
extérieur, aucun intervalle ne reste entre les colonnettes
des fenêtres et celles des supports de la voûte.
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C'est sans
doute pour renforcer l'effet de dématérialisation
que le maître d'œuvre n'a fait aucune concession
à l'esthétique de l'extérieur de la chapelle,
et n'a pas poussé les vitraux vers l'extérieur
pour faire apparaître les contreforts moins saillants.
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Il n'y a donc
pas de coursière en bas des fenêtres, et leur
réseau n'est pas dédoublé comme à Saint-Germain-en-Laye,
ce qui aurait donné un effet de profondeur qui n'était
apparemment pas voulu. Ce parti peut passer pour conservateur pour
les années 1240, mais c'est la simplicité
qui a été recherchée, et non la multiplication
des perspectives en fonction de la position qu'adopte le spectateur,
caractéristique de la plupart des grands édifices
gothiques.

Certaines astuces ont néanmoins
été utilisées pour faire paraître le
vaisseau plus long : les deux pans droits de l'abside sont
de 35 cm plus étroits que les autres et ne se découvrent
qu'en approchant, et les fenêtres de l'abside sont
moins hautes que les autres : elles mesurent 13,45 m au lieu de
15,35 m.
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Le chevet paraît
donc plus éloignée du portail occidental qu'il
ne l'est réellement. En même temps, l'étroitesse
des pans de l'abside et le rapprochement des voûtains
fortement saillants, agissant comme des abat-jour, auraient
fait perdre de vue les sommets des fenêtres si celles-ci
étaient plus hautes. La différence
de hauteur des fenêtres ne se voit pas facilement. |
Au milieu de
l'abside, s'élève la tribune des reliques,
qui avait été entièrement démontée
à la Révolution. Le baldaquin de pierre qui
surmontait la châsse avait été transporté
à Saint-Denis, et l'un des escaliers en bois et des fragments
des arcatures étaient restés au couvent des Petits-Augustins
après la suppression du Musée des monuments français.

Ces restes ont été récupérés
par Duban et Lassus, et installé de nouveau à
leur emplacement authentique, où les parties manquantes ont
été refaites dans un long et patient travail qui a
duré de 1843 à 1850. Ce long délai
s'explique par la difficulté de définir tous les détails.

Concernant les six anges sur les écoinçons
des arcades qui la supportent, ils ne figurent pas sur les
représentations anciennes, et l'on n'est pas certain s'ils
correspondent à des vestiges lapidaires retrouvés,
où s'ils sont une fantaisie des restaurateurs. Ce
sont en tout cas des œuvres d'une qualité incontestable.
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Ainsi,
le baldaquin, symbole du pouvoir royal, n'a jamais retrouvé
sa fonction, et le programme symbolique de la décoration,
dont font partie les vitraux, les Apôtres et les scènes
de martyres des médaillons, reste incomplet sans les
bas-reliefs de la grande châsse : avec les
scènes de la Crucifixion, de la Flagellation et de
la Résurrection du Christ, ils marquaient son aboutissement. |


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