Etape
64 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord (suite
V)
Jeudi 14 mars 2019. Je continue
ma visite des collections hollandaises par cet extraordinaire toile
de l'atelier de Gillis Moastaert, La Charette de foin, allégorie
(vanité du monde, péchés capitaux).

Dans le domaine des allégories
et paraboles, Mostaert suit la voie ouverte par Jérôme
Bosh. C'est à lui qu'il emprunte son « chariot de foin
», allégorie sur les abus de l'église, dont
il produit diverses versions.

La bataille pour le foin représente
la cupidité qui mène aux conflits, à
la misère, à la mort et à la destruction.
Ce n'est pas sans raison que Mostaert place les moines et
les dignitaires de l'Église au plus près du foin.

À partir de 1550, Gillis Mostaert
étudie la peinture de paysage avec Jan Mandijn. Il
aurait également travaillé dans l'atelier de Frans
Floris. En 1554, il est fait membre de la Guilde anversoise de Saint-Luc.

Mostaert dirige à Anvers un
atelier prospère et ses œuvres atteignent rapidement
des prix élevés. Les inventaires des plus
importants collectionneurs de la fin du XVIe et du début
du XVIIe siècle répertorient de nombreuses peintures
de lui.

Parmi ces mécènes, on
trouve l'archiduc Ernest d'Autriche (1553-1595) et l'archiduc
Léopold Guillaume d'Autriche. Le plus grand collectionneur
d'art d'Anvers, Filips van Valckenisse, chef de la milice anversoise,
acquiert plus de 50 tableaux de Mostaert.

Très peu d'œuvres peuvent
lui être attribuées avec certitude. Il semble avoir
travaillé principalement pour des clients privés à
qui il fournit des images dans un large éventail de sujets
: scènes de marchés et de foires de villages,
allégories et paraboles, sujets religieux, paysages hivernaux
et enneigés, scènes de guerre, maisons en flammes…

A ne pas manquer, cette magnifique
copie de Pieter Bruegel le Vieux, la Parabole des Aveugles,
peinte autour de 1570-1600.

L'aveuglement évoqué
ici sous le couvert de la parabole est d'ordre spirituel
(atteintes à la foi chrétienne, hérésie,
poids du mal et du péché). Cette copie (de bonne qualité)
du tableau du grand Bruegel (Pieter I) conservé au musée
de Naples (1568), est due à un peintre flamand non identifié
de la fin du XVIe siècle. Elle a été parfois
donnée (à tort) au fils de Pieter I, soit Pieter II
(1564 - 1638).

Poignant également, ce Portrait
d'homme tenant deux oeillets, exécuté par
un peintre anonyme autour de 1540.
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On ne connait
ni l'auteur ni le sujet de ce portrait de cet inconnu
peint à mi-corps et de trois-quarts, coiffé
d'un chapeau sur un fond de paysage (feuillu, maison). On
sait juste qu'il est l'oeuvre d'un maître hollandais
du milieu du XVIe siècle. |
A voir également,
ce magnifique Sacrifice d'Isaac, peint par le Monogrammiste
de Brunswick, actif à Anvers dans le second quart
du XVIe siècle.
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Le Monogrammiste
de Brunswick doit son nom au tableau le Repas
des conviés conservé au musée
Herzog Anton Ulrich de Brunswick1. Il serait né
à Amsterdam, vers 1500 et mort à Anvers, vers
1542 ou 1550. |
Sa peinture
religieuse constitue une étape importante dans l'essor
du genre du paysage.

Il
excelle en particulier dans la composition de scènes de foule
en extérieur. Révélant un réel
intérêt pour la beauté du paysage, il ouvre
ainsi la voie à Pieter Brueghel l'Ancien.

Tout aussi étonnant, Loth
et ses filles, exécuté par un peintre
anonyme, actif à Anvers vers 1520-1530. Le tableau
illustre une scène du chapitre 19 de la Genèse où
Loth fait l'objet de séduction de la part de ses
propres filles, tandis que la colère divine s'abat sur la
ville corrompue de Sodome. On voit donc Loth qui se penche sur une
de ses filles, tandis que la deuxième remplit une cruche
pour enivrer leur père. Elles agissent ainsi, préférant
porter les enfants de leur père plutôt que de païens.
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Au loin, sur
le bord droit du tableau, on aperçoit la femme
de Loth transformée en statue de sel pour avoir désobéi
à la consigne de ne pas regarder derrière elle.
La richesse des costumes fait contraste avec la désolation
de l'arrière-plan. |
Ce tableau
a longtemps été attribué au peintre
Lucas van Leyden. Ce genre amorce une tendance durable
où des peintres représenteront des scènes
apocalyptiques.

D'une extrême délicatesse,
voici Un Frère de l'ordre des Dominicains offrant
son coeur à la Vierge à l'enfant, de Jos Van Cleve,
peint entre 1515 et 1518.

Joos van Cleve, né Joos van
der Beke, est un peintre flamand de l'École d'Anvers
présumé originaire de Clèves ou des environs
de cette ville allemande située au bord du Rhin.
Sa date de naissance est inconnue. Il est décédé
en 1540 ou 1541 à Anvers.

Son nom apparaît pour la première
fois à Anvers en 1511 dans le registre de la guilde
de Saint-Luc à Anvers, où il est inscrit comme maître.
Il en sera d'ailleurs par trois fois le doyen, en 1519 (l'année
de son mariage avec Anna Vydts), 1520 et 15258. Il compte plusieurs
élèves, parmi lesquels son fils Cornelis van Cleve.

Sublime lui aussi de délicatesse,
cette Sainte Madeleine lisant, exécuté
par un peintre anonyme, sans doute identifié comme le
Maître des demi-figures, actif vers 1500-1535.
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Sainte Madeleine,
reconnaissable à son attribut, le vase de parfum, est
figurée dans un contexte domestique qui la
rapproche de l'art du portrait. |
Son
costume suit la mode des années 1520, et l'horloge
suspendue au mur, allusion au temps qui passe, double le sujet d'une
allégorie de la vanité.

Eblouissant de lumière,
La Vierge et l'enfant entourés de Sainte Catherine et Sainte
Barbe, par Ambrosius Benson, exécuté vers 1530-1532.
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La grappe de
raisins tenue par l'Enfant Jésus, fils de Dieu, annonce
le sacrifice du Christ perpétué dans l'Eucharistie.
L'une des oeuvres majeures de l'artiste, fortement influencée
par Gheeraert David. |
La
Vierge et l’Enfant sont entourés de sainte
Catherine d’Alexandrie à gauche et sainte Barbe à
droite. Catherine d’Alexandrie, dont l’historicité
semble douteuse, était issue d’une famille
noble d’Alexandrie. Son refus de se marier avec l’empereur,
en raison de son mariage mystique avec le Christ, la condamnait
à être déchirée par une roue garnie de
pointes, qui se brisera sous l’effet d’un miracle. Elle
finira décapitée. La roue et l’épée
de son martyre, ses attributs habituels, sont figurées dans
son diadème.

Figurant parmi les chefs-d’œuvre
de cet artiste flamand né en Italie, ce tableau a
toutefois longtemps porté une attribution à Gérard
David. Ce dernier, dont notre peintre avait fréquenté
l’atelier, a en effet exercé sur lui une influence
considérable, notamment dans la construction de l’espace
et la recherche de monumentalité par la simplification des
figures et de la composition. Les trois figures féminines
forment une pyramide, assez stricte, dans laquelle s’inscrit
l’Enfant, schéma inspiré des modèles
venus d’Italie. Comme souvent, la scène ouvre
à gauche sur un vaste paysage qui se perd dans l’horizon.
Ce point de fuite permet de contrebalancer l’aspect imposant
des figures et d’aérer la composition. Benson
prolonge, à sa manière, l’art de Gérard
David en lui empruntant nombre de compositions religieuses comme
en témoigne cette Sainte Conversation.

A voir également, la Vision
de Saint Bernard, de Joos Van Cleve. Iconographie très
expressive - et fort répandue en Europe du Nord à
la fin du XVe siècle - témoignant de l'intense
mysticisme marial de saint Bernard (le lait de la Vierge, nourriture
spirituelle via l'Enfant Jésus ; la Vierge Marie, mère
de l'humanité). Oeuvre de jeunesse de l'artiste,
vers 1505/1510, sous l'influence de Memling et de l'Ecole de Cologne.

Absolument prodigieux, cette Sainte
Madeleine, de Quentin Metsys, exécuté vers
1520-1525.
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L'ouverture
du vase et l'expression de réflexion du visage symbolisent
le renoncement de Madeleine à la vie mondaine pour
la pénitence, évoquée sur la droite. |
La Circoncision
figurée sur le vase illustre la même idée de
purification. Le sujet, mis à la mode vers 1517-20
par un débat théologique sur l'identification des
trois Maries, autorise une datation vers 1520-1525, près
des portraits dynamiques sur fond de paysage (Vienne, Edimbourg,
et Francfort).

Les historiens distinguent communément
trois catégories dans la peinture de Metsys : les
œuvres religieuses, les œuvres moralisatrices et les portraits.

Metsys tira des œuvres
de van der Weyden la rigueur des contours et le soin pour le détail.
De Van Eyck et de Memling, Metsys reprit les techniques
basées sur la richesse des pigments transparents ainsi que
les effets d'optique. Dans Le Prêteur et sa femme,
il place un miroir semblable à celui des Époux
Arnolfini de Van Eyck.

On retrouve également tout le
talent de Metsys, dans cette magnifique Pieta,
exécutée autour de 1515, à Louvain. Schéma
d'ensemble dérivé de Bouts et paysage à
la Patinir (peut-être même est-il de ce dernier).



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