Etape
59 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord
Jeudi 14 mars 2019. A quelques
jours de ce nouveau printemps, je monte une nouvelle fois à
Paris pour continuer mon exploration pas à pas du musée
du Louvre. Et cette fois-ci, je vais m'attacher aux sublimes collections
d'Europe du Nord.
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Pour commencer,
honneur à Rubens et à son magnifique Thomyris,
reine des Messagêtes, fait plonger la tête de
Cyrus le Grand dans un vase rempli de sang, pour venger son
fils, peint vers 1620 - 1625 dans la manière
baroque adoucie de l'artiste. |
Le sujet,
tiré d'Hérodote, exalte l'héroïsme
féminin et maternel. L'agrandissement, réalisé
avant 1683, a été respecté pour des raisons
historiques.

Voici une des oeuvres majeures de Rubens
: le demi-dieu Hercule et Omphale, reine de Lydie (1606-1607).
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Hercule et
Omphale sont représentés dénudés,
la reine, dominant la scène, debout à droite
sur le socle d'un sarcophage, portant la peau de lion, s'appuyant
sur la massue du héros qui, portant un fichu de femme,
est assis sur un siège aux pieds zoomorphes par-dessus
le manteau rouge de la reine, au centre de la composition,
portant la quenouille d'une main, le fil dans l'autre. |
La
reine lui pince l'oreille pendant qu'un esclave, habillé
également en femme, est placé derrière lui
à gauche, filant la laine comme d'autres esclaves jeunes
placés à genoux sur la gauche, le regard porté
vers la scène de la domination de la reine sur le héros.
Un chien blanc (symbole de fidélité) est placé
à droite des pieds croisés de la reine.

D'après Jan I Bruegel,
la Terre ou Le Paradis terrestre (1607-1608), qui provient
d'une série de tableaux consacrés aux quatre éléments.
Le premier de la série des Quatre Éléments
commandée à partir de 1607 par le cardinal-archevêque
de Milan, Federico Borromeo. Dans le fond, Dieu
le Père désigne à Adam et à Eve l'arbre
du Bien et du Mal.

De Jan I Bruegel, L'Eau (1625).
Copie du tableau de Milan appartenant à
la série des Quatre Éléments.

L'oeuvre originale est exposée
à Milan, à la pinacothèque Ambrosienne.

De Rubens encore, Joseph, Marie et
l'Enfant Jésus fuyant pour échapper au massacre des
Innocents (1613-1614).

Cette oeuvre est sans doute
le travail d'un copiste ou d'un imitateur d'une toile perdue de
Rubens.

Toujours de Jan I Brueghel,
et faisant partie de cette série des Quatre éléments,
voici le Feu, sans doute la plus belle toile de
la série.

Jan Brueghel, surnommé
Brueghel de Velours en raison de la facture veloutée de ses
œuvres, appartient à une dynastie de peintres, dont
le plus célèbre est son père, Pieter dit l’Ancien
(vers 1525 - Bruxelles, 1569).

Initié à l’art
de la miniature et de l’aquarelle par sa grand-mère,
Jan Brueghel se forme à la peinture à l’huile
dans l’atelier du peintre anversois Pieter Goetkint.
Vers 1590, il voyage en Italie où il noue des relations avec
le cardinal Federico Borromeo, fondateur de la bibliothèque
Ambrosienne à Milan. Ce dernier devient son fidèle
mécène. De retour en 1596, Jan Brueghel s’établit
à Anvers où il connaît un succès européen.

Toujours de Jan I Brueghel,
et faisant encore partie de cette série des Quatre
éléments, voici L'air ou L'optique
(1621).

De retour à Anvers en 1596,
il poursuit sa formation et épouse la fille de Gérard
de Jode, dont il a deux enfants, Jan Brueghel le Jeune
et Paschasia qui épouse plus tard Hieronymus van Kessel,
père du peintre Jan van Kessel. À Prague,
il découvre des dessins de Dürer en 1604 dont il s'inspirera.

Beau-père de David Teniers le
Jeune, Jan Brueghel a eu des élèves tels que Abraham
Govaerts et Daniel Seghers. On lui doit de nombreux tableaux
de fleurs, genre dans lequel il excellait, ainsi que des compositions
bibliques, des allégories, des scènes mythologiques,
des paysages et plusieurs tableaux sur le Paradis terrestre, œuvres
souvent peintes sur cuivre.

D'après Rubens, voici
Le Christ et le denier de César. Il s'agit d'une
bonne copie ancienne disposée dans le même
sens que l'original exécuté vers 1614 (musée
de San Francisco) qui, diffusé en outre par la gravure, connut
un immense succès attesté par d'innombrables copies.

Illustration, avec toute l'éloquence
sculpturale - formes très lisibles - et la brillance
polychrome chère au Rubens des années 1610 - 1620,
de la célèbre formulation évangélique
«Rendez à César ce qui appartient à César
et à Dieu ce qui appartient à Dieu».

Le Christ-Dieu, s'adressant
aux Pharisiens qui voulaient le gêner, fonde la distinction
entre le pouvoir temporel (l'État) et le pouvoir spirituel
(l'Église) - et leur autonomie réciproque -,
formulation promise à tant d'avenir.

Et voici un des chefs-d'oeuvre du Louvre,
Réunion de fumeurs et de buveurs, de Simon de Vos.
Ce triple portrait, peint en 1626 par Simon de Vos, représente
le peintre entouré de ses deux amis Jan Cossiers et Johan
Geerlof. Les trois artistes avaient séjourné
ensemble à Aix-en-Provence. L'iconographie (scène
de tabagie) et la composition (personnages en clair-obscur vus à
mi-corps) sont directement inspirées des Caravagesques
d'Utrecht, et peut-être même de certaines oeuvres de
jeunesse du Caravage, que de Vos aurait admirées
lors d'un voyage présumé à Rome.

Trois jeunes hommes, représentés
en buste, se sont réunis pour boire et fumer la pipe.
Le style des personnages est caractéristique des
oeuvres de jeunesse de Simon de Vos avec ses visages aux traits
épais et aux yeux écartés. Il pourrait s'agir
d'une de ces aimables scènes de genre si prisées au
XVIIe siècle. Cependant le tableau porte une inscription
un peu énigmatique, de la main de Simon de Vos, qui nous
garde d'une trop simple interprétation : Fecit Simon Cossiers
Geerlof Anno 1626. Il est difficile de traduire exactement cette
expression, qui n'est peut-être pas exempte de jeux de mots.
On pense qu'il s'agit d'un hommage de Simon de Vos à
deux de ses amis artistes, Jan Cossiers, et Johan Geerlof, entre
lesquels il se serait peint.

La composition du tableau, au cadrage
resserré sur des personnages à mi-corps, est fortement
influencée par l'oeuvre des Caravagesques d'Utrecht. Ces
peintres, comme Baburen ou ter Brugghen, ont diffusé dans
le Nord la leçon du Caravage apprise à Rome, multipliant
les scènes de musiciens, buveurs ou fumeurs, dans un clair-obscur
caractéristique. Simon de Vos utilise cette formule
à la mode pour ce triple portrait, peint dans une palette
sombre relevée par les blancs éclatants des cols en
dentelle. Les visages des artistes, sculptés par la lumière
qui vient de la gauche du tableau, se détachent sur un fond
neutre. Il n'est pas exclu que l'oeuvre ait été
directement inspirée d'oeuvres de jeunesse du Caravage lui-même,
admirées lors d'un voyage présumé de Simon
de Vos à Rome. En effet, le Caravage, qui a beaucoup
réfléchi sur son image, avait déjà introduit
son autoportrait au milieu des personnages de certaines de ses scènes
de genre. Il se dégage de cette oeuvre un sentiment
à la fois grave et plaisant, déclinant ces trois visages,
de trois-quarts, de face et de profil, comme trois facettes d'une
même amitié.

Cette hypothèse du triple portrait
se fonde sur divers recoupements entre les carrières des
trois artistes. Simon de Vos et Jan Cossiers avaient tous deux été
formés dans l'atelier de Cornelis de Vos où ils étaient
devenus amis. On sait que, par la suite, ils s'étaient
tous deux fixés à Aix-en-Provence, où séjournaient
différents artistes des Pays-Bas, dont Johan Geerlof, peintre
de paysage originaire de Zélande. Ainsi il s'agirait bien
d'un triple portrait d'artistes partageant amicalement une
coupe de vin. Simon de Vos, dont on connaît le portrait par
Abraham de Vries (1635, Anvers, musée royal des Beaux-Arts),
est peint au centre. On ne conserve pas de portrait de
ses deux amis, mais sans doute sont-ils représentés
dans l'ordre de la dédicace : Jan Cossiers à
gauche et Johan Geerlof à droite.


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