Etape
57 - Musée du Louvre - Le siècle d'or de la peinture
hollandaise
Mercredi 3 avril 2019. Après
cette grosse parenthèse Rembrandt, je retourne rapidement
vers la peinture de genre du Siècle d'or qui ne cessera jamais,
je crois, de m'émerveiller. A commencer par Le Bouffon
au luth (1624), de Frans Hals. Cette oeuvre, qui peut être
datée de 1624-1626, au début de la brillante
période utrechto-caravagesque de l'artiste, est une allusion
au monde du théâtre (costume à l'ancienne) et
une possible allégorie de l'ouïe ou de la vanité
(vanité de la musique et des plaisirs). Il en existe
une copie longtemps célèbre mais d'une réputation
usurpée, au Rijksmuseum d'Amsterdam.
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Un jeune homme,
représenté à mi-corps sur un fond neutre,
est en train de jouer du luth. Hals utilise pour le
représenter un cadrage très serré qui
semble faire sortir la figure du cadre de l'oeuvre. Il accentue
ainsi l'impression de mouvement du luthiste, soulignée
par les torsions inverses de la tête et du buste. L'identité
du personnage reste incertaine. S'agit-il d'un simple
musicien en représentation ? Tient-il le rôle
d'un bouffon comme a pu le faire croire son extrême
jovialité ? Ou bien est-il une figure de théâtre
comme l'indiquerait son élégant et archaïsant
costume de fantaisie (du XVIe siècle) ? |
La physionomie
du luthiste est traitée avec une grande vivacité.
Un ample sourire malicieux, peut-être ironique, anime
l'ensemble du visage. La spontanéité naturelle qui
émane du tableau s'inspire incontestablement de l'étude
d'un homme bien réel, modèle que l'on retrouve d'ailleurs
dans plusieurs autres oeuvres du maître. Cependant
il ne s'agit pas ici d'un portrait à proprement parler, genre
dans lequel Hals s'est aussi beaucoup illustré. La
commande de portrait était en effet réservée
aux classes supérieures de la société, à
la noblesse, à la bourgeoisie ou encore aux lettrés
qui se faisaient peindre dans des poses conventionnelles un peu
statiques. La mise en scène de personnages du "petit
peuple", paysans, joyeux buveurs ou filles de joie,
n'avait évidemment pas du tout le même but de reconnaissance
sociale. En fait ces tableaux, qui appartiennent à ce que
l'on nomme le portrait de genre, étaient bien souvent le
support d'une réflexion morale sur les plaisirs des sens
et leurs dangers. Ainsi ce luthiste pourrait-il être
une allégorie de l'ouïe ou bien encore une leçon
sur la vanité de la musique, éphémère
par essence.

Toujours de Frans Hals, Portrait
de Catarina Both ven der Eem, épouse de Paulus van Beresteyn
(1620). Cette peinture est considérée comme
un pendant au portrait au Portrait de Paulus van Beresteyn,
dans le même musée.
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Semblable au
Portrait d'une Femme debout du même peintre,
à Chatsworth House, cette femme est vêtue d'une
bague de mariage à sa main droite, une figure à
col en huit et un poignet avec des colliers en dentelle et
des bracelets en or. Son corsage est richement brodé
et elle porte un corselet, et une lourde chaîne d'or
drapée. Le tableau fut acheté 100.000
francs à Haarlem en 1884 pour le musée du Louvre. |
Portrait
de Charles-Louis et de son frère Robert de la Principauté
du Palatinat, dit Les Princes Palatins (1637), d'Antoon Van Dyck.
À gauche, Charles-Louis (1617 - 1680), portant le
médaillon de l'ordre de Saint-Georges, et à droite,
Robert (1619 - 1682), tous deux en cuirasses car devant partir à
la guerre en Allemagne pour recouvrer les possessions paternelles
(fils de l'Électeur palatin, Frédéric V de
Palatinat, mort en 1632, roi éphémère de Bohème,
et neveux de Charles Ier, roi d'Angleterre, ils résidaient
en exil à Londres).

Charles-Louis redeviendra prince
Électeur du Palatinat en 1648 ; Robert était un artiste
(graveur), dont la mélancolie distinguée a plu à
Van Dyck. Voir au Louvre des portraits des autres frères
Maurice et Édouard, par Honthorst (salle 27).

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Epoustouflant
de maîtrise, de couleurs et d'habileté, je ne
voulais pas manquer l'extraordinaire Joyeux repas
de famille, de Jan Steen (1674). Oeuvre de la maturité
de l'artiste.
Allusion aux Cinq sens et aux différents âges
de la vie. |
Le Repas
de Famille est une l’illustration du proverbe néerlandais
: « Ce que chantent les vieux, les petits le fredonnent.
», à la fois de manière littérale (toute
la famille joue de la musique) et de manière symbolique (le
petit garçon du premier plan se faisant servir du vin de
la même manière que son père).

Représentant
du baroque, il figure parmi les peintres de genre néerlandais
les plus importants de son époque. Il a peint quelques
centaines de tableaux, de qualités inégales, mais
caractérisés, surtout, par la connaissance
du cœur humain, l’humour, et une utilisation exubérante
de la couleur. Il représente fréquemment
des valeurs morales dans des scènes du quotidien, en recourant
à des images la plupart du temps symboliques.

La
vie quotidienne constitue le sujet de prédilection
de Steen, qui a un style baroque. Un bon nombre de tableaux
sont pleins d’animation, voire chaotiques et luxurieux,
à tel point que ce genre de scènes a donné
naissance à une expression couramment utilisée en
néerlandais : « een huishouden van Jan Steen »,
c'est-à-dire « un ménage de (à la) Jan
Steen ». Ses peintures renferment des indices subtils
et de nombreux symboles qui laissent entendre que Jan Steen
ne veut pas tant inviter le spectateur à imiter ce qui est
représenté que, au contraire, donner à celui-ci
une leçon morale. Souvent, elles se réfèrent
à de vieux proverbes ou à d’anciens textes littéraires
néerlandais. La famille du peintre faisait souvent
fonction de modèle.

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Incontournable
encore, Le Maître d'école, de Adriaen
van Ostade (1662). L'un des chefs-d'oeuvre
de la période fine et tardive de l'artiste, sur le
thème fort prisé, à l'époque de
l'éducation. |
Adriaen
van Ostade, était spécialisé dans la
scène de genre, et plus particulièrement l'illustration
de la vie paysanne. Ses œuvres, très nombreuses
et de format réduit pour la plupart, héritières
de Brueghel l'Ancien, sont notamment caractérisées
par un traitement caricatural des personnages et un certain humour.

Van
Ostade fut le contemporain de David Teniers le Jeune et
d’Adriaen Brouwer. Tout comme eux, il passa sa vie à
dépeindre les sujets les plus ordinaires : scènes
de taverne, fêtes de villages et le milieu paysan en général.
Ce qui distingue van Ostade de Teniers, c’est que la
condition des classes agricoles, l’atmosphère ainsi
que les habitations étaient différentes au Brabant
septentrional et en Hollande. Le Brabant est plus ensoleillé
et bénéficie d’un confort plus grand ; aussi,
l’œuvre de Teniers est-elle plus argentée et pétillante,
et les gens qu’il peint sont les fidèles représentants
de leur culture. La Hollande, et Haarlem, semble avoir souffert
davantage de la guerre ; l’air y est humide et embrumé,
et les gens dépeints par van Ostade sont marqués par
le sceau de l’adversité dans leurs traits et leur habit.

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Toujours de
Van Ostade, La Lecture de la Gazette (1653).
Tableau de transition entre les débuts rembranno-flamandisants
de l'artiste et les oeuvres fines, froides et précises
de la maturité de la fin. Durant les premières
années de sa carrière, van Ostade tendait vers
la même exagération et la même gaîté,
mais il se distingue de Brouwer par un traitement particulier
de la lumière et de l’ombre, avec un recours
assez régulier au clair-obscur. Ses harmonies
restèrent pendant un certain temps limitées
aux tons de gris, mais son traitement est sec et prudent dans
un style qui ne fuit ni les difficultés ni les détails. |
Les
préparatifs du martyre de Saint Sebastien (1619), d'Antoon
van Dyck. A dater des débuts de la
première période anversoise de l'artiste, vers
1617-1618 voire même un peu plus tard, Van Dyck devenant
maître en 1618 justement. Tableau peint dans
une manière rubénienne pleine de saveur
et de franchise, même si l'oeuvre a pu être laissée
inachevée ou avoir été trop nettoyée,
d'où son aspect excessivement rugueux. Van
Dyck a repris le sujet dans une version toute différente
à la Galerie nationale d'Idembourg, laquelle fut initialement
esquissée (ce que révèle un document
radiographique) comme le tableau du Louvre. |
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Portrait
d'Isabelle-Claire-Eugénie en habit religieux (1629),
d'Antoon van Dyck. À dater vers 1628 - 1629,
dans la deuxième période anversoise de l'artiste.
Isabelle, fille du roi Philippe II d'Espagne, veuve de l'archiduc
Albert d'Autriche auquel elle succéda à la mort
de ce dernier en 1621, portait habituellement depuis cette
date un habit de religieuse tout en restant membre du tiers
ordre (laïc) franciscain. Portrait connu en
de nombreux exemplaires et dérivant de celui peint
par Rubens vers 1625 et connu par la gravure. |
Portrait
d'une mère avec sa fille (1632), d'Antoon van Dyck.
Ce «
Portrait d’une dame de qualité et de sa fille »,
pendant d’un autre tableau du Louvre intitulé à
l’identique « Portrait d’un homme de qualité
avec son fils », est un remarquable et magnifique
exemple de grand portrait d’apparat, genre qu’Antoon
van Dyck a multiplié à maintes reprises au cours de
sa carrière, dans lequel il excella et qu’il porta
sans conteste à un niveau de somptuosité absolue.
A l’inspiration de Rubens, très présente,
s’ajoutent ici le génie particulier, la touche
incomparable et le talent de coloriste de ce brillant portraitiste.
L’identité
des deux personnages féminins représentés
dans ce tableau reste inconnue à ce jour,
les anciennes identifications, sans fondement réel,
à la femme de Rubens « habillée de noir
à l’espagnol », puis à la femme
du frère de Rubens, ayant été délaissées
depuis longtemps. Exécutée probablement
durant une seconde période anversoise de van Dyck,
entre 1627 et 1632, après le retour d’Italie
du peintre, de Gênes en particulier où il réalisa
de nombreux portraits de l’aristocratie locale, cette
œuvre en porte quelques marques caractéristiques. |
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Portrait
de Charles Ier, roi d'Angleterre, dit Le Roi à la chasse
(1635).
Il s'agit là d'un des chefs-d'oeuvre de l'artiste,
de sa période anglaise, à dater d'environ 1635.
Il fut payé par le roi en 1638 en tant que portrait dudit
monarque "à la chasse", d'où son
aspect plus aristocratique - et comme tel, infiniment élégant
et distingué - que proprement royal (on n'y trouve pas d'insignes
monarchiques, simplement une inscription). Une inoubliable
leçon d'harmonie picturale entre figures humaines (le roi
et divers écuyers), animaux (cheval) et fond de paysage.
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Comme il est
écrit dans un mémoire du peintre rédigé
en français vers 1638, Van Dyck peint ici "le
roi alla ciasse". Ce collaborateur de Rubens, qui s'inspira
profondément dans ses portraits équestres de
l'art du Titien, invente ici une iconographie royale tout
à fait novatrice. En effet, il ne s'agit pas
à proprement parler d'un portrait royal officiel.
Le roi Charles Ier vient sans doute de mettre pied à
terre pour une courte halte alors que deux pages s'occupent
de son cheval. Il est donc représenté comme
un gracieux gentilhomme, un courtisan élégant
tel que Baldassare Castiglione avait pu le décrire
dans son fameux traité. |
Mais
cet élégant portrait, malgré son apparente
désinvolture, est également une image de la
grandeur royale. Comme le clame l'inscription latine Carolus.I.Rex
Magnae Britanniae, Charles Ier règne sur la Grande-Bretagne,
donc sur le royaume d'Angleterre et le royaume d'Écosse réunis.
Le costume du roi est d'ailleurs par trop somptueux pour une simple
partie de chasse : chapeau à larges bords, bottes
à revers et surtout magnifique pourpoint argenté dont
le peintre fait chatoyer l'étoffe par de savants jeux de
lumière. La figure du roi est habilement mise en
valeur par le décentrement de la composition. Les
serviteurs sont encore dans la pénombre de la futaie alors
que la silhouette de Charles Ier, bien éclairée, se
découpe sur l'ouverture du ciel. Le roi surplombe un paysage
champêtre et maritime qui illustre la riche diversité
de son royaume. L'attitude générale est un
subtil compromis entre la nonchalance du gentilhomme et la fermeté
royale. En témoignent la main fièrement posée
sur la hanche et l'autre campée sur une canne, noble attribut
au même titre que l'épée qu'il porte à
son côté. La scène est vue en légère
contre-plongée, accentuant le regard, mi-hautain mi-condescendant,
du roi.

Paysage du soir à l'oiseleur,
avec pleine lune (1635-1640), de Pierre Paul Rubens. Allusion
à l'automne (chasse aux oiseaux) ou au printemps (scieurs
de bois). Le moulin serait celui d'Elewijt (détruit
en 1914), sis non loin du manoir de Rubens (le Steen). Un
oiseleur est un chasseur d'oiseaux. Ici, il a tendu ses filets entre
les arbres, à la gauche du tableau. C'est à
la fin de sa vie que Rubens peint de tels paysages, où le
sentiment de la nature le dispute à la rêverie.

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Le
porte-étendard (1664), de Vigor Boucquet.
Probablement un garde civique en habit de parade plutôt
qu'un soldat espagnol en garnison en Flandre comme on l'a
parfois suggéré. l'un des chefs d'oeuvres -
par la superbe couleur - de ce rare artiste surtout connu
comme peintre religieux dans la région de Furnes (sud
de la Flandre). En haut à gauche, restes d'inscription
(ville, nom de la compagnie ?). Le thème du porte-étendard
est fréquent dans l'Europe du Nord, fière de
ses gardes civiques municipaux. Ceux-ci, organisés
en milices, étaient chargés de protéger
les villes. |
Portrait
des enfants de Charles Ier, roi d'Angleterre (1632-1635), d'Antoon
van Dyck. A
la fin tragique du monarque. Van Dyck a alors quitté
Anvers pour s'installer définitivement à Londres et
devenir le portraitiste officiel de la cour d'Angleterre. Ses brillants
et nombreux portraits de la noblesse britannique firent de lui le
fondateur de l'école anglaise. Son art, oscillant
entre retenue aristocratique et somptuosité élégante,
influença notamment Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough.

La Déploration du Christ,
d'après le peintre vénitien Lorenzo Lotto (165à-1656),
de David Teniers II, dit le Jeune.
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David Teniers
II, dit le Jeune, né à Anvers le 15 décembre
1610 et mort à Bruxelles le 25 avril 1690 (à
79 ans), est un peintre, graveur, graveur, dessinateur, peintre
miniaturiste et copiste flamand. Il est un artiste
extrêmement polyvalent connu pour sa production prolifique.
Il est un innovateur dans un large éventail de genres
tels que l'histoire, le genre, le paysage, le portrait et
la nature morte. |
David
Teniers II est le plus connu en tant que le premier peintre
de genre de son époque. Teniers est particulièrement
connu pour avoir développé le genre paysan, la scène
de tavernes, des images de collections d'art et des scènes
avec des alchimistes et des médecins.

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Le
gentilhomme à l'épée, d'Antoon van Dyck
(1633). Portrait présumé du peintre Jan Boeckhorst.
Tableau plus complet que celui quasi analogue du Kunsthistorisches
Museum de Vienne, lequel était censé jusqu'à
présent représenter Paul de Vos. Une copie dessinée
par Diepenbeeck, d'après le portrait de Vienne, avec
inscription d'époque donnant le nom du modèle,
fait supposer qu'il pourrait s'agir plutôt de
Boeckhorst, peintre originaire de Münster (la ville vient
d'acquérir le dessin en question) mais actif à
Anvers. À dater en ce cas, vu l'âge
du modèle, du début de la seconde période
anversoise de Van Dyck, vers 1628 - 1632, visiblement influencé
par les maîtres italiens de la Renaissance (Titien,
Véronèse, Tintoret). |


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