Etape
69 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord (suite
X)
Jeudi 14 mars 2019. Dernière
étape de ma visite des collections d'Europe du Nord du Louvre.
Je commence par ce portrait de Jean II le Bon, roi de France
de 1350 à 1364, par un peintre anonyme actif à Paris
à la même époque.
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Ce portrait
est, semble-t-il, le premier exemple conservé
depuis l’Antiquité d’un portrait peint
indépendant. L’inscription « Jehan roi
de France » est sans doute postérieure au tableau,
qui représente le modèle sans couronne, apparemment
avant son accession au trône (1350), à
une époque où il n’était encore
que duc de Normandie. |
D'une finesse
infinie, voici la Petite Pieta ronde, attribuée à
Henri Bellechose. Attaché à la cour
des ducs de Bourgogne entre 1415 et 1440, Henri Bellechose travailla
le plus souvent à Dijon. En 1415, étant peintre
de la cour de Jean sans Peur, il fut chargé d'exécuter
des peintures pour la Chartreuse de Champmol. Après
la mort de Jean, il travaille pour Philippe le Bon, mais est peu
à peu délaissé, le duc lui préférant
le peintre Jan van Eyck.

D'une infinie délicatesse, voici
le Portement de Croix, attribué à Jacquemart
de Hesdin.
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Miniature sur
parchemin, contre-collée sur toile. Sans doute
une des peintures à pleine page détachées
d'un manuscrit enluminé, les Grandes Heures du duc
de Berry, terminées en 1409 (Paris, Bibliothèque
nationale de France) |
Tout aussi sublime,
cette Mise au Tombeau, attibuée à l'atelier
d'Henri Bellechose. Ce panneau est peut-être le seul
vestige d'un petit retable portatif destiné à
la piété individuelle : les volets qui le composaient
décrivaient probablement les scènes de la Passion
du Christ.
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Le personnage
âgé représenté un peu en
retrait à gauche de la scène pourrait être
le commanditaire. |
Voici une des
oeuvres majeures des prémisces de la Renaissance française,
La Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, par Enguerrand
Quarton. Ce chef-d'oeuvre de l'école provençale,
resté longtemps anonyme, a été rendu à
Enguerrand Quarton, l'auteur du Couronnement de la Vierge peint
en 1453-1454 pour la chartreuse du même lieu (Villeneuve-lès-Avignon,
musée). Le donateur chanoine qui a la vision de
la Pietà avec saint Jean l'Évangéliste et sainte
Marie-Madeleine n'a pas été sûrement identifié.

La représentation de
la Vierge portant sur ses genoux le corps de son fils mort (Vierge
de Piété ou Pietà) est l’un des thèmes
les plus répandus en Europe au XVe siècle,
en peinture comme en sculpture. Il est associé ici à
celui de la Lamentation. Au centre, la Vierge, le visage
vieilli par la souffrance et les mains jointes, semble s’être
résignée au sacrifice du Christ. C'est sans
doute elle qui prononce les paroles, tirées des Lamentations
du prophète Jérémie (Lam. I, 12) gravées
sur le pourtour du fond d’or. Le corps arqué
de son Fils décrit une longue arabesque, la chute de son
bras droit faisant écho à celle de ses jambes. Saint
Jean l'Evangéliste, l’apôtre préféré,
retire délicatement, de ses doigts effilés, la couronne
d’épines de la tête du Sauveur et Marie-Madeleine,
les cheveux épars, un vase à parfums dans la main,
sèche ses larmes.

Tout aussi ancien, voici le
retable de Thouzon, par Jacques Yverni. Le Retable de Thouzon
a été peint dans le premier quart du XVe siècle,
mais on en ignore l'auteur. Toutefois d’après
Eileen Kane, il pourrait être attribué à
Jacques Iverny, un peintre local actif à Avignon, Aix et
Cavaillon entre 1410 et 1438. Et pour cette critique, les
panneaux du Louvre ne pourraient être antérieurs à
1415.

Ce retable provient d'une chapelle
du prieuré du château de Thouzon, situé à
Thouzon, au Thor (Vaucluse), qui appartenait autrefois
à l'abbaye Saint-André de Villeneuve-lès-Avignon.
Le retable de Thouzon comprend deux panneaux (la partie
centrale du triptyque a disparu), composés selon
une structure identique mais symétrique : une scène
de la vie de saint André en regard d'une grande figure de
saint.

Le tableau de gauche évoque
l'épisode où saint André fait éteindre
un incendie par son disciple ainsi qu'une figure d'une sainte (peut-être
sainte Claire ou sainte Catherine). « Elle tient
la palme du martyre et un livre où on lit le verset par lequel
s’ouvrent les vêpres du dimanche : Deus in adjutorium
meum intende; due adjuvandum me festina. Gloria. Debout, comme le
saint qui lui fait face, elle se tourne vers le centre — manquant
— du retable. » Le panneau de droite évoque
l'épisode où saint André chasse les démons
de la ville de Nicée et saint Sébastien.

A voir également, L'adoration
de l'enfant Jésus, Josse Lieferinxe. Fragment de
volet d'un retable de la vie de la Vierge, dont subsistent
La Visitation (Louvre), Le Mariage de la Vierge (Bruxelles, musées
royaux des Beaux-Arts), L'Annonciation et La Circoncision (Avignon,
musée du Petit Palais). Les mains de la Vierge ont
été refaites.

Très étonnant également,
ce retable de Boulbon, exécuté par
un peintre anonyme. Le donateur, sans doute un chanoine
de cette église est présenté par saint Agricol
à la Trinité (Dieu le Père, la Colombe,
le Christ au tombeau entouré des instruments de la Passion).

Le Retable de Boulbon a été
commandé vers 1450 et peint dans le troisième
quart du xve siècle, mais on en ignore l'auteur. Le
tableau représente le donateur agenouillé, Jean de
Montagnac, chanoine de Saint-Agricol, présenté par
l'évêque saint Agricol, qui lui pose la main sur la
tête, à la Sainte Trinité composée de
Dieu le Père, de la Colombe et de Jésus-Christ.
La colombe, symbole de l'Esprit Saint, relie Dieu, dont la figure
apparaît dans une fenêtre, et le Christ, au centre,
debout dans son cercueil, les mains jointes et portant les marques
de la Crucifixion dans la posture iconographique du Christ de douleur,
mais avec les yeux entrouverts ainsi que sa bouche.

Le retable est partagé en deux
par l'image du Christ : « à sa gauche un monde
de souffrances et de ténèbres, à sa droite
la vie et la lumière ». Sur la gauche, on aperçoit
un fond de paysage représentant Avignon. Postérieurement
ont été ajoutées, respectivement à gauche
et à droite du tableau, les armes du chapitre Saint-Agricol
(cigogne d'argent tenant dans son bec un serpent) et celles du pape
Jean XXII.

Incontournable, ce portrait
de François 1er, exécuté par Jean Clouet,
autour de 1527-1530. Le visage correspond exactement à
un dessin de Jean Clouet (Chantilly, musée Condé)
; la monumentalité et la plasticité du buste, l'importance
des mains posées sur le gant et l'épée déterminent
la modernité de ce portrait, qu'il faut sans doute dater
des alentours de 1527-1530.
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Reprenant la
mise en page du Portrait de Charles VII peint par
Fouquet, Jean Clouet représente François Ier
de face, regardant noblement le spectateur. Il est
richement vêtu à l'italienne, ne portant
pas les attributs de sa fonction - ni couronne, ni sceptre.
La tête, à peine idéalisée, représentée
avec une grande précision, est peinte d'après
un dessin du musée de Chantilly, attribué à
Jean Clouet. Malgré la persistance du réalisme
de l'école flamande, tout rappelle dans ce portrait
l'influence des peintres italiens de la Renaissance
: l'éclairage subtil, le modelé du visage et
des mains, le réalisme des plis du vêtement,
l'éclat des bijoux et, bien sûr, le cadrage,
venant de Fouquet tout autant que de Raphaël ou de Léonard
de Vinci. |
À l'époque
où fut peint ce portrait de François Ier (1494-1547),
roi de France, sans doute vers 1535, le vainqueur de Marignan
avait déjà surmonté les difficultés
politiques survenues après sa défaite de Pavie et
son emprisonnement par Charles Quint. Tout en renforçant
son pouvoir politique, François Ier développe
un mécénat d'une envergure jamais atteinte jusque-là
en France. Ce portrait est demeuré dans les collections
royales depuis sa commande, passée à Jean Clouet par
François Ier. Il est entré au musée
du Louvre, avec les collections royales, lors de la création
du Muséum central des arts de la République, en 1793.
Traditionnellement, on considère que François Clouet,
fils de Jean Clouet, a peut-être collaboré à
ce tableau.

Autre oeuvre majeure de la Renaissance
française, cet extraordinaire portrait de François
1er en Saint-Jean Baptiste, exécuté par François
Clouet
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La plasticité
du modèle et des volumes se réfère à
la Renaissance classique, qui, conjuguée au naturalisme
flamand, donne lieu à un portrait exceptionnel s'inspirant
sans doute du Saint-Jean Baptiste de Leonard de Vinci, actif
vers 1518 au château d'Amboise. L'expression du regard
énigmatique est à ce titre particulièrement
éloquente. |
L'école
de Fontainebleau, dont l'esthétique fut en partie importée
d'Italie par Louis XII et François Ier, révèle
ce genre dominant au XVIe siècle à la cour de France.
Cette école se caractérise par un goût pour
le décoratif, l'ornement, les thèmes mythologiques,
et par une sensualité affirmée dans la représentation
du corps féminin. Son début correspond avec
la présence des artistes italiens Rosso Fiorentino, le Primatice
et Niccolo dell'Abbate lors de la décoration du château
de Fontainebleau, à partir de 1526. On distingue
traditionnellement deux écoles de Fontainebleau,
la première pendant les règnes de François
Ier et d'Henri II, tandis que la seconde correspond au renouveau
artistique du règne d'Henri IV.

A voir également le portrait
de Claude de Beaune de Semblançay, dame de Chateaudun,
peint en 1563, par l'atelier de François Couet.
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François
Clouet continue l’œuvre de portraitiste
de son père, et son art présente beaucoup d'analogie
avec le style dont Jean a été l’inventeur
: même sobriété, concentration sur la
recherche de ressemblance et même soin d'éviter
tout détail superflu. Mais il va plus loin
notamment dans ses œuvres de thématiques galantes
(la Dame au bain) et satiriques (La Farce des Grecs descendue). |
Dans la même
veine, voici le portrait d'Elisabeth d'Autriche, toujours
par François Clouet. Le dessin préparatoire
porte la date de 1571..
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Ses portraits
peints, leur technique est plus brillante et plus
libre que celle de Jean. On y sent aussi l'influence de Holbein
dans le portrait de Henri II, celle des Vénitiens et
celle du Primatice dans le tableau signé de la collection
Cook. Ainsi que celle du Titien (Vénus d'Urbino)
dans les portraits de Diane de Poitiers. |
Toujours de
l'atelier de François Clouet, ce magnifique portrait
de Louis de Saint-Gelais.
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En tant que
peintre de cour, il participa à de grands projets
comme ceux pour les funérailles de François
1er en 1547 et de Henri II en 1559, monarques dont
il exécutera les masques mortuaires. Son œuvre
fut abondamment copiée, d’où les problèmes
d’attribution pour certaines d'entre elles.
Mais l’art de François Clouet se diffuse largement
grâce à son atelier où travaillent des
peintres tels que Jacques Patin ou Simon Le Roy. On
peut ainsi parler pour les portraits de cour de la formule
« Clouet » qui ne changera pas durant des décennies. |


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