Etape
64 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord (suite
IV)
Jeudi 14 mars 2019. Je poursuis
ma visite des collections européennes par le Portrait
de Jean-Frédéric le Magnanime, électeur de
Saxe, de Lucas Cranach l'Ancien.
|
Lucas Cranach
fut proche de Martin Luther et de la Réforme
: son intérêt est marqué par certains
portraits, de sa main, de figures illustres du Protestantisme
comme Luther bien sûr, mais aussi le Duc Henry de Saxe,
dont un portrait, réalisé en 1514, est conservé
à la Gemäldegalerie, à Dresde. |
Cranach
fut à la tête d'un atelier important durant
sa période active. Il meurt le 15 Octobre 1553 à Weimar,
laissant derrière lui deux fils, qu'il s'est personnellement
chargé de former, Lucas Cranach le Jeune, qui connaîtra
un immense succès, et Hans Cranach, qui fut prometteur,
mais mourut prématurément.

Voici un autre portrait de Frédéric
III le Sage, prince-électeur de Saxe, également réalisé
par Lucas Cranach l'Ancien.

Autre portrait exécuté
par Lucas Cranach, celui de Magdalena Luther, la fille du
réformateur de l'église.
|
Ce portrait,
véritablement touchant, montre la proximité
que Cranach avait avec le réformateur Martin Luther. |
Dans
la même veine, ce portrait intense d'un seigneur de
Köckeritz identifié comme Caspar von Köckeritz.
Toujours de Lucas Cranach l'Ancien.
|
Représenté
dans une attitude recueillie, tenant un chapelet, Köckeritz
fut un ardent défenseur de la réforme luthérienne. |
Absolument
fantastique, une des pièces maîtresses de la collection
du Louvre, voici Le Christ bénissant les petits enfants,
du maître à la tête de Griffon.
|
Le peuple amène
au Christ les petits enfants afin qu'il les bénisse.
Devant la surprise des disciples, Jéus leur
affirme que chacun devrait recevoir le Royaume de Dieu avec
la même simplicité. |
Le Maître
HB à la tête de griffon est un peintre actif
en Saxe entre 1528 et 1550. Il est l’auteur d'une dizaine
de tableaux identifiés à partir de son monogramme.

Dans ce tableau — entreposé
au Louvre dans le cadre des œuvres récupérés
à la fin de la Seconde Guerre mondiale — le
Christ adulte est entouré d'une foule d'enfants ; il tient
sur ses genoux un enfant qui pourrait être l’enfant
Jésus, si le personnage central n'était pas le Christ,
mais Marie.

Les enfants entourant le personnage
central sont présentés par leurs mères ;
le personnage au-dessus du Christ et au centre est plutôt
typique de Lucas Cranach l'Ancien. La femme à droite porte
la même coiffe à deux cornes que Dalila dans son tableau.

Anciennement attribué à
Cranach, ce tableau non daté est une réplique
réduite avec légères variantes d'un tableau
du Maître HB à la tête de griffon, daté
de 1548, autrefois à la Gemäldegalerie de Berlin et
aujourd'hui disparu.

Autre version voisine, datée
de 1553, au Diözesanmuseum de Mayence4. Le tableau
est acheté le 26 mars 1944 dans une collection particulière
française par Théo Hermsen et acquis le 31 mai 1944
par le musée de Linz ; il est enregistré
au Central Collecting Point de Munich, déposé au Mobilier
national, et enfin conservé au département des peintures
du musée du Louvre

Le Maître HB à la tête
de griffon signe ses tableaux du monogramme HB suivi d'une
tête de griffon. Son chiffre HB est aussi utilisé
— mais sans la tête de griffon — par Hans
Brosamer, qui fait suivre son monogramme d'un petit burin ou insère
un poinçon entre les deux lettres H et B. Ceci a
suggéré que ces deux peintres pourraient n'en
faire qu'un. Hans Brosamer, dont l'activité est documentée
depuis 1520 à Nuremberg et jusqu'en 1554 à Fulda,
est connu pour avoir beaucoup voyagé. Il est plus
connu pour ses gravures que pour ses tableaux qui sont en général
des portraits, et ses portraits sont également attribués
à un autre peintre anonyme, le Maître HB de 1520.

Immanquable également, Saint
Paul piqué par une vipère sur l'île de Malte,
par Martin de Vos, exécuté autour de 1568.

Sauvé d'un naufrage,
l'apôtre Paul jette au feu la vipère qui l'avait mordu
(Actes des Apôtres). Ce tableau fait partie d'une
suite de cinq tableaux (décor de salle à manger) commandée
vers 1566-1568 par le marchand calviniste anversois Aegidius Hooftman
(autres tableaux au musée de Bruxelles et dans une collection
privée française).

Dans la manière expressive et
fortement colorée, bien typique de Marten de Vos,
qui n'est pas sans annoncer celle d'un Rubens.

Maarten de Vos, Maerten de Vos, Martin
de Vos ou encore Marten de Vos né en 1532 à
Anvers, où il meurt le 4 décembre 1603, est un peintre
flamand de sujets religieux, allégoriques, historiques et
de portraits.

Il était, avec les frères
Ambrosius Francken le Vieux et Frans Francken le Vieux,
l'un des principaux peintres d'histoire des Pays-Bas espagnols après
l'effondrement de la carrière de Frans Floris dans la seconde
moitié du XVIe siècle, à la suite
de la fureur Furie iconoclaste.

De Vos était un dessinateur
prolifique et produisait de nombreux dessins pour les imprimeurs
anversois. Ces dessins étaient largement diffusés
en Europe et dans les colonies et ont contribué à
sa réputation et à son influence internationales.
Ses dessins ont également servi de modèles pour des
tapisseries et des vitraux.

On doit aussi à Marteen
de Vos toute une série de portrait, comme celui-ci,
portrait d'un homme âgé de 33 ans, datant de
1565.
|
À la
suite des destructions iconoclastes en 1566,
il fut l’un des artistes largement responsables
de la redécoration des églises d’Anvers
avec de nouveaux retables. |
D'une
délicatesse infinie, voici David et Beth sabée,
exécuté par Jan Massys, vers 1562.

Sujet biblique (Livre de Samuel). Le
roi David, à une terrasse de son palais, regarde Bethsabée,
femme d'Urie, qu'il convoite, et envoie un serviteur la quérir.

Parfaite démonstration de la
moderne manière « italienne », impeccablement
lisse et glacée, presque irritante, propre au fils de Quentin
Metsys

Superbe de maîtrise également,
ce portrait d'une femme âgée de 40 ans et de
sa fillette, de Cornelis de Visscher (1576). Un portrait
d’un artiste rare, tout en finesse et d’une
élégance un peu froide, mais à l’éclairage
subtil, que ce tableau de Cornelis de Visscher auquel la petite
vanité sous la forme d’un bouquet dans une niche ajoute
un supplément d’âme.
|
Assise de trois-quarts
dans un fauteuil à dossier bas, une femme vêtue
de noir, aux traits tirés, se détache sur un
mur gris, à l’angle d’une pièce.
A l’arrière-plan, à gauche, un portrait
d’homme dans un cadre doré est accroché
au dessus d’une table où a été
posée une coupe de fruits. A droite, une niche arrondie
abrite un petit bouquet dans un vase. Debout devant elle,
une petite fille, les mains sagement croisées, tourne
la tête vers la gauche. Elle porte une coiffure
brodée de fleurs blanches entrelacées d’ornements
rouges et dorés. |
Le portrait
en tondo que l’on aperçoit derrière le personnage
féminin représente sans doute l’époux
défunt, en médaillon, comme cela se pratiquait souvent
à l’époque. Il est permis de penser qu’il
s’agit ici du portrait d’une veuve et de sa fille.
La mère, en apparence distante, a posé cependant d’un
geste protecteur sa main sur l’épaule de la petite
fille qui a trouvé un refuge discret dans les plis de son
ample robe noire. Une petite nature morte de fleurs, composée
d’iris et principalement de narcisses, est incorporée
à ce portrait, faisant office de vanité placée
en pendant du portrait du défunt, comme pour rappeler
en filigrane le caractère éphémère de
l’existence terrestre.

Dans la symbolique chrétienne,
les iris sont aussi une allégorie de la pureté et
de l'innocence de la Vierge Marie, tout comme le narcisse. Au
XVème siècle, les primitifs flamands, Hubert
et Jan Van Eyck, Rogier Van der Weyden ou Hugo Van der Goes, ont
déjà associé à de nombreuses reprises,
dans leurs œuvres, l'iris et le lis dans des bouquets stylisés
à portée manifestement religieuse.

A voir également, le très
coloré Jeune Tobie, aidé de l'archange Raphaël,
rend à la vue à son vieux père, de Jan Sanders
Van Hemessen (1555).

Sujet biblique (Livre de Tobie). Derrière
Tobit, Anne, son épouse, et plus à gauche, Sarah,
la femme de Tobie. Magnifique exemple d'une vigoureuse
et originale peinture d'histoire, mi-réaliste, mi-héroïque,
qui rend si attachante la manière expressivement sculpturale
et déclamatoire de Hemessen, au-delà même
des italianismes de la Renaissance.

Ce livre apocryphe raconte l’histoire
d’un Juif pieux de la tribu de Naphtali qui est déporté
à Ninive et qui devient aveugle après avoir reçu
de la fiente d’oiseau dans les yeux. Il envoie son
fils, Tobie, en Médie, pour recouvrer de l’argent qui
lui était dû ; Tobie, conduit à Ecbatane
par l’archange Raphaël qui se fait passer pour un homme,
fait l’acquisition du cœur, du foie et du fiel d’un
poisson. Il rencontre une veuve qui est demeurée vierge bien
qu’elle ait eu sept maris, car chacun d’eux a été
tué la nuit des noces par Asmodée, un esprit méchant.
Sur le conseil de l’ange, Tobie épouse la vierge veuve
; en brûlant le cœur et le foie du poisson, il éloigne
le démon. Quand il rentre chez lui, il rend la vue
à son père grâce au fiel du poisson.

Enfin, absolument fantastique, cette
minuscule toile de Pieter Bruegel l'Ancien, Les mendiants
(1568). Cinq mendiants, culs-de-jatte et autres estropiés,
se traînent péniblement sur leurs béquilles,
dans la cour ensoleillée d'un hôpital de briques rouges.
Ils semblent sur le point de se séparer pour aller demander
l'aumône dans différents endroits, tout comme la femme
de l'arrière-plan qui tend une sébile. Au
dos du tableau une inscription flamande proclame : "Courage,
estropiés, salut, que vos affaires s'améliorent".

L'interprétation de cette oeuvre
a suscité de nombreuses hypothèses, qui s'interrogent
notamment sur la symbolique des queues de renards accrochées
aux chasubles des miséreux. Cette scène serait
peut-être une allusion à Koppermaandag, fête
annuelle des mendiants qui avait lieu le lundi suivant l'Épiphanie,
durant laquelle ils quêtaient et chantaient dans les rues.
Cette composition pourrait aussi s'inscrire dans la tradition carnavalesque
du "monde à l'envers".


|