Etape
66 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord (suite
VII)
Jeudi 14 mars 2019. En poursuivant
ma découverte des collections d'Europe du Nord, je fais la
découverte de cette Allégorie chrétienne,
exécutée par Jan Provost.
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Le Christ,
avec l'épée de la Justice, et une femme (la
Vierge ? la Jérusalem céleste ?) tenant à
la fois le lys de la miséricorde et l'olivier de la
paix intercèdent auprès de Dieu, figuré
par un Sil et une main contenant l'univers sphère crucifère
intégrant le soleil, la lune et la terre, auquel répondent
en bas Sil et les mains de l'homme implorant son salut. |
L'iconographie
de ce petit panneau dans lequel chaque motif est porteur de plusieurs
sens demeure énigmatique ; elle dépasse la
simple dévotion et renvoie vraisemblablement à l'érudition
d'une des « chambres de rhétorique » florissant
alors en Flandres.

Puis voici cette étonnante peinture,
exécutée autour de 1500, "Anna Selbdritt
: la Vierge et l'enfant Jésus avec Sainte Anne".
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Ce Legs de
Mlle Elisabeth Mège, est très probablement l'oeuvre
d'un peintre alsacien actif au début du XVIe siècle. |
Anna
selbdritt décrit dans l' iconographie chrétienne
une représentation de sainte Anne avec sa fille Maria et
l' enfant Jésus.

Le type d'image fait partie des
images de dévotion qui se sont développées
à la fin du Moyen Âge et étaient particulièrement
répandues et variées en Allemagne et aux Pays-Bas,
mais aussi en Italie et en Espagne. L'expression selbdritt
est un vieux mot pour «comme faisant partie d'un groupe
de trois» ou «comme trois».

Oeuvre tardive de l'artiste,
vers 1490, avec d'évidents motifs décoratifs de la
Renaissance italienne (arcade à guirlandes et putti),
voici le triptyque de la Résurrection du Christ,
exécuté par Hans Memling. Cette arcade est
pensée comme un arc de triomphe pour le Christ vainqueur
de la mort. Efficace unification conférée
par le paysage continu du fond.

Le thème du panneau central
est la Résurrection. La scène, non
relatée dans les Ecritures, précède l’épisode,
rapporté par les évangélistes, de la
découverte du tombeau vide du Christ par les saintes femmes.
Ces dernières, au nombre de trois, conformément au
récit de saint Luc, sont représentées sur un
petit chemin dans le fond portant des vases d’aromates. Le
soleil vient de se lever sur la Ville sainte dont on reconnaît,
dans l’édifice à plan centré, le
Dôme du Rocher, que l’on associait alors au temple de
Jérusalem. A gauche, au second plan, les trois crucifix surmontent
le Golgotha. Présenté de face, le Christ sort de son
tombeau, dont le couvercle pivote sous l’action d’un
ange, et fait le geste de la bénédiction.

Le Christ occupe le centre de la composition.
Des quatre soldats endormis deux se réveillent et
semblent pétris d’effroi. L’un d’entre
eux porte un casque où se reflète le Christ. La
composition est encadrée par une arcade cintrée et
ornée de motifs italianisants fréquents chez le peintre.
Le volet droit représente le martyre de saint Sébastien
et le volet gauche l’Ascension. On remarquera, dans ce dernier,
la représentation surprenante, en raccourci, des pieds du
Christ.

Voici un des joyaux de la collection
: l'Annonciation, de Roger Van Der Weyden. Vraisemblablement
panneau central d'un triptyque commandé vers 1440
par un membre de la famille Villa, banquiers piémontais établis
en Flandre, pour l'église San Domenico de Chieri,
près de Turin, et dont les volets sont encore conservés
à Turin (galerie Sabauda).

Longtemps tenu pour autographe et situé
au début de la carrière de l'artiste, du fait
de son caractère encore très eyckien, le panneau est
désormais considéré, à cause de la relative
dureté du paysage et de certaines maladresses d'articulation
des figures dans le décor, comme la mise en forme, par un
de ses assistants, d'éléments empruntés
à une invention de van der Weyden conçue peu après
son installation à Bruxelles, vers 1435, et aujourd'hui perdue.

Dans un intérieur proche de
ses contemporains en Flandre, le peintre a placé l'archange
Gabriel annonçant à Marie qu'elle portera l'enfant
Jésus : les objets quotidiens sont dotés de significations
symboliques, comme le vase lys au premier plan, signe de la pureté
de la Vierge.

Toujours de Roger Van Der Weyden,
le triptyqye Braque. Retable pour un autel portatif à
un usage privé. Aux revers matériels et funêbres
(tête de mort, croix et armoiries des Braque-Brabant - Jean
Braque décède vers 1452) s'oppose la paradisiaque
vision de l'avers : le Christ rédempteur et glorieux
entre Marie et saint Jean l'Evangéliste, en position frontale
et hiératique comme dans une icône, sur un enchanteur
fond de paysage englobant tout le retable. Sur le volet gauche est
figuré saint Jean-Baptiste, sur celui de droite, sainte Marie
Madeleine.

Le triptyque ouvert présente,
sur le panneau central, le Christ entre la Vierge et saint
Jean l’Evangéliste, sur le volet gauche, saint Jean-Baptiste
avec, dans le fond, le baptême du Christ et, sur le volet
droit, Marie Madeleine avec son pot d’onguent. Le
Christ est présenté de face et les autres personnages
convergent vers lui. Les revers des volets sont peints et portent
les armoiries de Jean Braque de Tournai et de Catherine
de Brabant, ainsi qu’une tête de mort appuyée
sur une brique rongée par le temps et une croix portant une
inscription relative à la mort. Ces éléments
sont liés à la fonction commémorative de l’œuvre.
Le triptyque devait être rangé dans un étui
et généralement présenté fermé.
Il possède encore son encadrement originel.

L’œuvre a probablement été
réalisée vers 1451-1452 pour Catherine de
Brabant en souvenir de son époux mort en 1452. Cette
hypothèse est confortée par le programme iconographique
qui manifestement se construit autour du personnage de Jean
Braque (présence des deux saints homonymes) et de sa mort
(au revers, ses armoiries sont placées au-dessus du crâne).
Le texte placé sur la croix aux côtés
des armes de sa femme fait allusion à l’amertume
de la mort lorsqu’elle touche un homme heureux.
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Le volet où
figure Marie Madeleine semble entièrement dédié
à Catherine de Brabant. Même la croix
du revers est extraite de ses armoiries et les larmes
de la sainte pourraient être un rappel de la douleur
causée par la perte de son époux. Elle mourut
en 1499 et, malgré son second mariage, se fit enterrer
auprès de son premier époux. |
Les
personnages saints sont représentés à
mi-corps comme des icônes devant un paysage qui unifie les
trois panneaux et leur donne de la profondeur. Le remplacement
du fond d’or traditionnel par un paysage panoramique
prenant modèle sur les œuvres de van Eyck est d’une
grande nouveauté dans le cadre de ce type d’iconographie.
Il apparaîtra en Italie quelques années plus tard sous
l’influence des peintres flamands. Les figures sont
traitées comme de véritables portraits sacrés.
Le revers des volets extérieurs se présente comme
un memento mori, rappel de la condition humaine et de la fragilité
de la vie.
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La lumière
joue un rôle important dans l’unité de
l’ensemble ainsi que dans la structure des personnages
et du paysage. Elle semble, d’après les
ombres, venir de la gauche par une source extérieure
qui pourrait être la fenêtre dont le peintre fait
figurer le reflet dans le globe que tient le Christ. Elle
fait vibrer les couleurs et donne du volume aux personnages.
La présence de la fenêtre a aussi été
mise en rapport avec la fonction privée de l’œuvre
qui devait être utilisée dans un cadre domestique. |
Tout
aussi prodigieux, cette Vierge à l'enfant avec le
chancelier Rolin, exécuté par Jan
van Eyck autour de 1434. Nicolas Rolin (1376/1380 - 1462),
le chancelier du duc de Bourgogne Philippe le Bon, adore l'Enfant
Jésus qui le bénit en tenant le globe du monde, signe
de son pouvoir sur la Création. Le rôle essentiel
de Marie, mère du Christ, est souligné par sa couronne
royale portée par des anges.

Le tableau provient de la chapelle
Saint-Sébastien de l'église d'Autun. L'oeuvre
quitte les lieux en 1793 au moment de la destruction des
bâtiments pour rejoindre les collections du Louvre.
C'est à ce moment qu'elle perd son cadre originel qui devait
porter la signature du peintre et la date exacte de la réalisation.
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Nicolas Rolin
avait commandé pour le décor de ce lieu cette
peinture sur laquelle il est représenté, avec
beaucoup de réalisme, en tant que donateur.
Issu d'une famille modeste d'Autun, il doit son ascension
à la confiance que vont lui accorder deux ducs de Bourgogne
de la maison des Valois : Jean sans Peur et Philippe le Bon.
Avocat, il est nommé chancelier en 1422. |
La provenance
ancienne de l'oeuvre renvoie aux fondations du chancelier
dans l'église Notre-Dame-du-Châtel d'Autun où
ses ancêtres étaient enterrés et où il
avait été baptisé. Mécène
éclairé, le chancelier fait appel, pour ses diverses
commandes, aux artistes les plus renommés de son
temps. Son nom est ainsi lié à des oeuvres aussi insignes
que le Polyptyque du Jugement dernier de Rogier Van der Weyden (Hospices
de Beaune) ou La Vierge du Louvre.

Van Eyck représente
le chancelier agenouillé devant la Vierge et l'Enfant.
Le caractère ostentatoire de la figure du donateur, vêtu
de brocart d'or et de fourrure à la manière d'un prince,
traduit la volonté de ce dernier d'être perçu
comme un haut personnage de la cour. La composition est
construite de part et d'autre d'une ouverture composée de
trois arcades. D'un côté, le personnage terrestre
en position de prière sur un prie-Dieu recouvert d'un drap
de velours ciselé et de l'autre, les personnages saints.

La Vierge est assise sur un
trône de marbre et porte un ample manteau brodé et
orné de pierreries. Les chapiteaux de gauche représentent
des scènes de l'Ancien Testament qui mettent l'accent sur
les fautes de l'humanité : l'expulsion du paradis, le sacrifice
de Caïn et Abel, Dieu recevant l'offrande de ce dernier, le
meurtre de Caïn, Noé dans l'arche et enfin Noé
recouvert par un de ses fils. Le tout est composé
à la manière d'une "Sainte conversation"
(scènes réunissant des personnages saints et des donateurs),
genre que Van Eyck contribue à mettre en place et qui sera
très populaire en Italie.

Robert Campin et Jan Van Eyck sont
les principaux représentants de la nouvelle peinture qui
voit le jour dans les Flandres durant les années 1420-1430.
La technique de la peinture à l'huile se généralise,
permettant de rendre avec plus d'éclat la lumière
et les détails naturalistes. Van Eyck est l'un des
premiers à utiliser la peinture à l'huile dont on
lui attribue abusivement l'invention. La composition et la façon
dont les personnages s'inscrivent dans l'espace sont également
d'une grande nouveauté. Les figures sont placées
de façon sculpturale dans une pièce construite selon
les règles de la perspective. La profondeur est suggérée
à l'aide de l'architecture, du pavement et enfin du paysage
qui est un des éléments les plus remarquables de l'oeuvre.

Incontournable encore, de Hans Memling,
datant de 1489, le Diptyque de Jan du Cellier, bourgeois
de Bruges. Volet gauche : Vierge à l'Enfant entourée
de saintes. Volet droit : Le donateur présenté par
saint Jean-Baptiste

Petit diptyque de dévotion privé
montrant un donateur, que les armoiries incitent à
identifier avec Jan du Cellier, membre de la corporation des droguistes-épiciers
de Bruges, présenté par saint Jean Baptiste, en prière
devant une Vierge à l'Enfant entourée de saintes dans
un jardin clos par une haie de rosiers blancs et rouges, métaphore
de sa virginité. Sa réalisation doit se situer
vers 1490, non loin de celle de la Châsse de sainte Ursule
(Bruges, musée Groeninge).
Absolument fantastique,
voici cette scène de prédication, par le maître
à la vue de Sainte Gudule.
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Panneau éponyme
d'un maître ainsi baptisé à cause
de la vue de la cathédrale Sainte-Gudule de Bruxelles
qui apparaît dans le fond de la scène
; d'autres éléments du même retable, peut-être
consacré à l'histoire de saint Géry,
évêque de Cambrai qui évangélisa
Bruxelles, sont conservés à La Haye et Dublin. |
L'artiste,
actif à Bruxelles dans le dernier tiers du XVe siècle,
se caractérise par son goût des paysages urbains
et des physionomies et mimiques expressives.

Le nom de l'artiste est inconnu, et
il est nommé ainsi d'après ce tableau représentant
une prédication l’évêque saint Géry,
tableau nommé aussi l'Instruction pastorale et où
figure à l'arrière-plan une vue de la Cathédrale
Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles. L'une des tours de
la cathédrale est encore inachevée, ce qui, avec les
vêtements des personnages, permet de dater le tableau
aux environs de 1470.

Les œuvres du maître de
Sainte-Gudule illustrent la transition progressive de la
peinture des Pays-Bas du style gothique vers la Renaissance.
Dans la représentation des saints, l'iconographie
reste encore dans la tradition de la période gothique.
Contrairement à la Renaissance italienne, la précision
dans l'anatomie des personnes et dans le respect des proportions
empruntées à l'art grec ne sont pas primordiales.
Mais le peintre observe son environnement avec plus d'attention
et, à l'instar des représentants principaux de la
période primitive flamande de son temps que sont Robert Campin,
Jan van Eyck et Rogier van der Weyden, il rend la nature et l'architecture
avec une soin exemplaire du détail.

Et voici une des oeuvres les plus étonnantes
de la collection, La Résurrection de Lazare, avec
un couple de donateurs et leur fillette en prière, de Geertgen
tot Sint Jans ou Gérard de Saint-Jean.
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L'identité
du commanditaire et la destination du panneau sont inconnues.
On situe sa réalisation vers 1480-1485, par
analogie avec deux panneaux du Kunsthistorisches Museum de
Vienne qui correspondent au seul volet conservé d'un
triptyque que le peintre réalisa pour le couvent des
chevaliers de Saint-Jean de Haarlem, dont il était
l'hôte et dont il tire son nom. |
Frontalité
et calme statique des figures, luminosité chaude
et intense, goût pour un paysage naturaliste minutieux mais
ample caractérisent le style de ce peintre actif à
Haarlem dans la suite d'Albert van Ouwater.

Geertgen tot Sint Jans, en français
Gérard de Saint-Jean tire son nom de la confrérie
de Saint-Jean, où il passa ses dernières années
(il est également connu comme Gerrit Gerritsz). Probablement
né en 1460 ou 1465 à Leyde, Pays-Bas et décédé
en 1490 ou 1495 à Haarlem, Pays-Bas, il fut un peintre de
l'école des Primitifs flamands au XVe siècle.

Geertgen était probablement
un élève d'Albert van Ouwater qui était
l'un des premiers peintres à l'huile dans les provinces septentrionales
des Pays-Bas. Les deux peintres ont vécu dans la
ville de Haarlem où Geertgen a été
rattaché à la maison de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem,
peut-être en tant que frère lai, pour laquelle il peignit
un retable.

Comme la plupart des peintres de son
temps, il a peint à l'huile sur des panneaux. Ses
peintures représentent des scènes du Nouveau Testament
et certains d'entre eux ont été détruits lors
de la Réforme. Le nombre d'œuvres qui lui sont
attribuées varie entre 12 et 16.



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