Etape
65 - Musée du Louvre - Les collections d'Europe du Nord (suite
VI)
Jeudi 14 mars 2019. Voici un des
tableaux majeurs de la collection d'Europe du Nord du Louvre, La
Tentation de saint Antoine, de Pieter Huys, exécuté
en 1547.

Première version d'un
thème favori de l'artiste dans lequel il se révèle
dépendant des inventions de Jérôme Bosch tout
en appartenant pleinement à la génération de
Breughel.

Pieter Huys (env. 1519–env. 1581-1584)
était un peintre et graveur de la période
Renaissance aux Pays-Bas espagnols. Il est considéré
comme un des maniéristes anversois.

Pieter Huys était le fils du
peintre et graveur Adrien Huys. Il devint maître en
1545 à Anvers et y demeura actif jusqu'au moins en 1577.

Huys peignait dans le style
de Jérôme Bosch ou produisait des « sataneries
», fantasques et humoristiques dans le style de Brueghel,
mais produisait également des pièces de genre. Il
dessina également des caricatures anti-catholiques.
Il a également fait des gravures illustrant des livres édités
par Christophe Plantin.

Voici également, par
l'entourage de Pieter Coecke Van Aelst, Le Rêve de Pâris,
exécuté entre 1530 et 1535.
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L'iconographie
assez rare - le jugement auquel Mercure convia le
berger Pâris traité non pas comme une scène
réelle mais comme un songe - se retrouve à
une date voisine chez Lucas Cranach. Le style du panneau,
en particulier le type physionomique de Mercure, évoque
le milieu bruxellois de Coecke van Aelst. |
Pieter
Coecke van Aelst, Pierre Coeck d'Alost1, Pierre Coucke ou Pierre
Coecke d'Alost, né le 14 août 1502 à
Alost et mort le 6 décembre 1550 à Bruxelles, est
un peintre et architecte-scénographe flamand, connu
notamment pour son édition de Vitruve en néerlandais.

Pieter Coecke se rattache à
la guilde des romanistes et à l'école d'Anvers, qui
associe au réalisme et à la précision des artistes
des Flandres, le sens de la mise en scène d'un Léonard
de Vinci, par exemple dans La Cène de 1531. Sa conception
méthodique de l'art italien de la Renaissance en facilite
la diffusion dans les Pays-Bas méridionaux.

Quoiqu'il dirigeât un atelier
très actif et rentable, il ne reste que très
peu d'œuvres de sa main, car une partie d'entre elles disparaît
sous les coups des iconoclastes calvinistes.

Voici une autre oeuvre du prodigieux
Quentin Metsys, Le Changeur et sa femme, datant
de 1514.

Cette huile sur panneau paraît
au premier abord être une scène de genre.
Elle se révèle en fait une représentation
allégorique et moralisatrice (signes de vanité
associés aux symboles chrétiens du memento mori tels
que la bougie éteinte, la balance du Jugement dernier, dénonciation
de l'avarice et exaltation de l'honnêteté)
de la profession du prêteur d'argent voulant inciter les banquiers
à une modération chrétienne, voire
érasmienne, dans la pratique de leurs affaires.

Même si le rapprochement avec
une œuvre comme Les époux Arnolfini peinte par
Jan van Eyck un siècle plus tôt (1434, National
Gallery, Londres) est de prime abord particulièrement tentant,
et qu'il est vrai que le genre du portrait privé se développe
tout particulièrement à partir du XVe siècle
en Europe, l'absence d'identification précise des
deux personnages mis en scène, ainsi que le caractère
archaïsant pour l'époque de leurs habits, doit infirmer
cette première hypothèse d'une commande privée
de bourgeois.

Le tableau pourrait, en second lieu,
évoquer une scène de genre, figurant une scène
de la vie quotidienne dans un milieu réaliste, à savoir,
une scène de change dans le comptoir d'un changeur d'une
ville commerçante de la Flandre de la Renaissance,
comme le suggère le titre retenu par le Musée du Louvre.
Les nombreux détails réalistes renvoyant à
un univers familier du peintre flamand, maître au
sein de la guilde des peintres d'Anvers depuis 1491, pourraient
aller dans ce sens.

Tout aussi magnifique, voici le Retable
de la Déploration du Christ, par Joos Van Cleve.

Panneau central : La Déploration
du Christ avec le commanditaire en orant, à gauche, protégé
par son saint patron, saint Nicolas de Tolentino, et l'épouse,
à droite, patronnée par sainte Claire.
Lunette supérieure : La Stigmatisation de saint François
d'Assise.
Prédelle : La Sainte Cène du Christ, avec
l'autoportrait du peintre en échanson, tout à fait
à gauche.

Ce retable a été peint
à Anvers (la façon de peindre le paysage),
mais présente pourtant une structure italienne
(retable à panneaux fixes clairement séparés,
lunette sommitale).

La Cène est une interprétation
de celle de Léonard à Milan (vers 1494/1498),
très connue en Flandre grâce à Metsys.

Le paysage, dans la Déploration,
trahit la main d'un collaborateur. Quant à
sainte Claire, une sainte franciscaine, sa présence
est bien justifiée dans un retable peint pour une église
des Frères mineurs.

Absolument étonnant, voici le
Portement de Croix, par le maître de la Répudiation
d'Agar, actif à Leyde vers 1510-1520.
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Ce tableau,
totalement inconnu avant son acquisition par le Louvre
en 1993, se présente dans un remarquable état
de conservation. En effet, l’œuvre s’anime
de couleurs éclatantes qui feraient presque oublier
l’aspect dramatique du sujet : le Portement de croix. |
Dans
un premier temps, l’œuvre a été
mise en relation, en raison d’affinités stylistiques,
avec le cercle du peintre leydois Cornelis Engebrechtsz, l’un
des meilleurs représentants du gothique tardif aux Pays-Bas.
Plus précisément, le tableau a été rapproché
du Maître de la Répudiation d’Agar,
ainsi dénommé d’après son chef-d’œuvre
conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Le peintre
a été actif à Leyde vers 1510-1520.

Sur fond d’un paysage aux traits
flamands qui rappellent ceux de Patenier, la foule se presse
autour du Christ courbé sous le poids de la croix. Devant
lui, sainte Véronique présente le suaire.
L’œuvre produit une forte impression visuelle par son
coloris vif et brillant que fait vibrer le dessin nerveux des plissés
agités. A cela, on peut ajouter les anatomies tendues
des personnages aux contours nets. Ces éléments se
retrouvent dans les quelques œuvres actuellement attribuées
au peintre et mettent en valeur un savant mélange entre le
maniérisme anversois et la peinture leydoise.

Leyde et Anvers sont au début
du XVIe siècle des centres artistiques importants.
S’y développe un art encore imprégné
du gothique international et de son penchant pour la surcharge décorative
mais également marqué par une préciosité
maniériste. S’y déploient des figures
féminines parées de riches habits, coiffures et bijoux.
Le vocabulaire ornemental à l’antique se trouve mélangé
à des éléments gothiques. Cette école
aura une immense influence notamment en France
où l’on retrouve ses caractéristiques chez des
peintres comme Gaultier des Camps et Noël Bellemare.

L'école flamande encore, avec
La Tireuse de cartes, attribué à Lucas de
Leyde, exécuté entre 1508 et 1510. Oeuvre
de jeunesse (1508-1510) qui évoque la vanité
des jeux et de l'amour par l'intermédiaire de la figure du
fou placée derrière la devineresse. Le sujet
anecdotique illustre l'essor de la scène de genre
dans la peinture nordique au début du XVIe siècle.

Comment ne pas être subjugué
par cette extaordinaire Nef des fous, de Jérôme
Bosch, fragment du volet gauche d'un triptyque au centre
perdu. Le tableau du Louvre, coupé en bas, se raccorde
exactement à un autre fragment conservé à Yale
(Allégorie de la gloutonnerie). Se répondent
ainsi avarice et excès, deux aspects de la même
folie pêcheresse qui éloigne de Dieu, l'excès
étant incarné par une assemblée de gloutons
et d'ivrognes voguant à leur perte comme des insensés.
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Un groupe de
dix personnages sont réunis dans une barque. Le
groupe principal se compose d’un franciscain et d’une
religieuse jouant du luth, assis face à face.
Ils ont la bouche grande ouverte comme pour chanter mais semblent
aussi essayer de mordre, comme leurs compagnons, une crêpe
pendue au centre de la petite embarcation, allusion
à une coutume folklorique qui consiste à manger
une galette suspendue sans les mains. Derrière eux
sont assis les deux nautoniers. |
L’un
d’entre eux a, en guise de rame, une louche géante.
L’autre tient en équilibre sur la tête
un verre et brandit au bout de sa rame une cruche cassée.
Aux extrémités, une femme, d’un côté,
s’apprête à frapper avec une cruche un
jeune homme retenant une gourde qui trempe dans l’eau. De
l’autre, sur un gouvernail de fortune, un petit homme
en habit de fou boit dans une coupe. A côté
de ce dernier, un autre se penche pour vomir. L’assemblée
est dominée par le mât surmonté d’un bouquet
de fleurs au centre duquel est représentée une chouette
ou une tête de mort. Au-dessus flotte une oriflamme
avec le croissant de lune musulman. Une oie rôtie
est suspendue au mât. La joyeuse compagnie semble
à la dérive, un vaste paysage, au fond, s’étend
à l’infini.

Il a été proposé
de reconnaître dans cette scène insolite une
interprétation de La Nef des fous, ouvrage de l’humaniste
Sébastien Brandt, paru à Bâle en 1494 et illustré
par des gravures montrant des barques chargées de fous dérivant
vers le paradis des déments, appelé « Narragonia
». Sa suite, La Nef des folles, par Josse de Bade
a également été avancée comme source
d’inspiration. Toutefois les gravures de ces volumes montrent
des fous clairement reconnaissables à leurs costumes et leurs
bonnets à oreilles d’âne. Ici, il n’y
en a qu’un et il ne semble y figurer que pour éclairer
le sens de la toile. Il est probable que l’œuvre
qui met en scène des personnages buvant, délurés,
obsédés par la nourriture et par la boisson soit une
satire des moines incarnés par les religieux du premier plan
et une critique ironique de leur ivrognerie qui leur fait perdre
leur sens et leur âme.

A voir également, La
Vierge de douleur, d'après Dirk Bouts.
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Nombreux exemplaires
de ce type de diptyque de dévotion privée,
sous l'influence de Weyden et d'une iconographie d'origine
byzantine fort répandue. |
Toujours
de Dirk Bouts, Le Christ couronné d'épines.
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Dirk Bouts
est fameux pour ses nombreux tableaux religieux, notamment
la Vierge à l'enfant. Il utilisait la plupart
du temps, des supports de bois sur lesquels il peignait à
l'huile. Sa maîtrise de la perspective est visible
dans les décors précis dans lesquels les personnages
s’intègrent de façon parfaitement cohérente.
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Enfin,
voici L'ange annonçant à Sarah, l'épouse
d'Abraham, la naissance de son fils Isaac, de Jan Provost,
exécuté autour de 1510-1520.
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Le panneau
est fragmentaire puisque manquent deux des trois anges
venus annoncer la naissance d'un fils au vieil Abraham et
Sarah, son épouse incrédule. |
On ignore
quelle était sa destination et s'il appartenait à
un retable. Les types physionomiques pleins et larges, le
ton narratif et expressif et l'attention descriptive dans les éléments
du décor sont caractéristiques du style de Provost
et permettent une datation vers 1520.



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