Etape
53 - Musée du Louvre - Les peintures de genre
Mercredi 3 avril 2019. Pour cette
nouvelle journée consacrée à la visite du Louvre,
je vais cette fois me concentrer sur la vaste collection
de peintures de genre conservées dans le plus grand musée
du monde. J'assouvis ainsi ma véritable passion
pour ce style qui ne cesse de m'éblouire. Je commence donc
ma visite par le fantastique tableau de Jan Steen, La Mauvaise
compagnie (vers 1665-1670).

Sur le thème, proche de celui
du Fils prodigue, du jeune dormeur (ivre !) volé par des
prostituées : parallèle fâcheux entre vie déréglée
(jeux, plaisirs, tabac) et infortunes qui en découlent. Le
lieu de La mauvaise compagnie semble être un endroit peu recommandable.
Un joyeux désordre règne dans la pièce : des
coquilles d’huîtres jonchent le sol avec des cartes
à jouer, un verre brisé et le chapeau du garçon
passablement éméché endormi sur les genoux
d’une courtisane tenant un verre à la main. Pendant
son sommeil, le jeune homme se fait tranquillement détrousser,
par une femme placée derrière lui, de certains de
ses accessoires, dont sa montre, que celle-ci remet à une
vieille entremetteuse toute réjouie. Au fond, deux
larrons, ricanent devant le spectacle.

Puis voici Le Manteau rouge
ou Conversation galante à l'entrée d'une auberge (1653),
par Jan van der Meer, dit Vermeer d'Ultrecht. Oeuvre dans
l'habituel goût italianisant de l'époque mais
probablement antérieure au séjour du peintre à
Rome (vers 1655/1657).

Il ne faut pas confondre Jan van der
Meer avec le grand Vermeer de Delft. Grâce à
son manteau rouge, l'homme peut être identifié comme
un voyageur. Située à l'entrée de l'auberge,
la scène illustre le thème de la séduction
d'une servante.

Le duo : chanteuse et joueur
de luth théorbé (1669), par Gérard Ter Borch.
Duo musical et plus encore galant, traité avec la subtilité
picturale et le délicat raffinement qui distinguent si bien
Ter Borch. Remarquez la figure de la servante dans l'embrasement
de la porte. Son expression, quasi outrée, vaut tous les
commentaires.

Ter Borch peignait des portraits avec
une rare élégance ; dans ses scènes
d’intérieur, il se plaît à représenter
des demeures opulentes. Il excellait à peindre les textures
telles que le grain d’un tapis, l’éclat d’un
vase d’argent, la transparence d’une coupe de cristal
et surtout les étoffes, notamment le velours et le satin
blanc.

Il possédait également
au plus haut point l’art de fondre les détails
dans l’ensemble. Sa couleur se distingue par sa vigueur et
l’harmonie de sa lumière.

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L'apothicaire,
de Gabriel Metsu (1661), dit aussi Le Chimiste. Dans
la tradition thématique du médecin charlatan
mais avec un esprit tout à fait pictural et en fin
de compte superficiellement sentencieux. |
L'alchimiste, de Thomas Wijck.
Thème fréquent chez les peintres nordiques, de Teniers
à Dou. L'Alchimiste peint, médite, étudie,
enseigne, travaille....Thomas Wyck ou Thomas Wijck ou Thomas
Wijk (1616, Beverwijk - 1677, Haarlem) est un peintre néerlandais
du siècle d'or. L'artiste peignit des œuvres couvrant
divers sujets : des paysages côtiers ou maritimes, avec des
bateaux entrant dans des ports, ou une galerie variée de
personnage, tels que par exemple des alchimistes, ou bien des scènes
ou des lieux de la vie quotidiennes, tels que des marchés,
des foires ou l'intérieur d'une pharmacie.

La Riboteuse hollandaise ou
Femme assise tenant un pot à vin et un verre (1658), de Gabriel
Metsu. La Riboteuse fait allusion à une
mauvaise vie, purement sensuelle, livrée à la boisson.
La femme tient ici un pot à vin. Évoluant
au gré d'influences diverses, le style de Metsu montre
une grande polyvalence et une recherche constante, notamment dans
la composition, le traitement de la lumière et le rendu des
matières. Peintre assez inégal, son œuvre
n'en est pas moins parsemée de quelques tableaux d'excellente
facture.

La peleuse de pommes
ou la Cuisinière hollandaise (1660), de Gabriel Metsu.
En opposition à La Riboteuse, comme symbole
d'une vie ménagère bien réglée
et vertueuse. Ce que Metsu entreprit de peindre avec, dès
le début, une surprenante réussite,
fut la vie populaire des marchés et des tavernes et,
contrastant avec elle, les petits faits des classes aisées
et de leurs salons, ce qui témoigne de sa
remarquable diversité. |
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Enfin voici certainement l'oeuvre qui m'a le plus
fasciné pendant des années : L'Astronome (1668),
de Vermeer de Delft. Les portraits de scientifiques étaient
un sujet très prisé au XVIIe siècle
dans la peinture hollandaise. L'homme représenté semble
être le même que dans Le Géographe, tableau très
similaire peint à la même époque. Il
pourrait s'agir du savant Antoni van Leeuwenhoek, ami du
peintre résidant à Delft.

La profession du personnage est symbolisée
par le globe céleste (globe de Jodocus Hondius) et le livre
sur la table, intitulé Institutiones Astronomicae Geographicae
(ou Manuel de Metius), symboliquement ouvert au chapitre III,
une section amenant l'astrologue à rechercher "l'inspiration
de Dieu". Le tableau accroché au mur représente
Moïse sauvé des eaux, Moïse représentant
alors la connaissance et les sciences.

L'Astronome et Le
Géographe sont les deux seuls tableaux de
Vermeer parvenus jusqu'à nous qui prennent comme sujet un
homme seul. Outre l'hypothèse fragile d'un autoportrait,
le modèle a pu être identifié comme étant
le drapier et naturaliste delftois Antoni van Leeuwenhoek, un ami
du peintre, qui acquit le titre de « géomètre
» en 1669, l'année de la réalisation de la toile,
et qui fut nommé, à la suite du décès
— et de la faillite — de Vermeer en 1675, administrateur
des biens de sa famille. Cependant, cette identification a été
mise en doute, en raison du rapprochement avec un portrait avéré
du savant peint par Jan Verkolje, daté de 1686 et
actuellement conservé au Rijksmuseum, avec lequel l'astronome
de Vermeer entretient des dissemblances physiques que l'écart
d'âge seul ne peut pas expliquer.

Deux jeunes musiciennes servies
par un petit page, dit Le Concert (1657), par Gérard ter
Borch. La scène se déroule dans un confortable
intérieur bourgeois. Une riche tapisserie est tendue
au fond de la pièce, et la table est recouverte d'un de ces
luxueux tapis d'Orient, dont l'aspect coloré et géométrique
séduisait les peintres du Nord. Les deux jeunes filles
donnent un petit concert : la demoiselle de gauche joue du luth
theorbé, tandis que sa compagne, assise, bat la mesure en
suivant une partition et s'apprête sans doute à chanter.
Un jeune serviteur apporte un verre de bière sur un plateau.
Ter Borch reprend les scènes de genre mises à
la mode quelques années plus tôt par des peintres comme
Pieter Jacobsz. Codde, mais avec un plus grand raffinement.

Les personnages semblent évoluer
dans un monde étranger au nôtre, comme
protégés par son atmosphère feutrée.
Le décor de la pièce est très sobre,
afin de mettre en valeur les personnages. La scène est peinte
dans une palette de gris et de bruns assez discrets au milieu desquels
éclate, comme une note aiguë, la robe lumineuse de la
chanteuse, soulignée par le rouge vermillon de la
chaise.

Ter Borch apporte un grand
soin au rendu des matières, et on ne peut qu'admirer l'harmonie
des blancs et des gris de la jupe, qui jouent avec le jaune pâle
du corsage. La subtilité de la gamme chromatique
est comme un écho pictural à la musique des demoiselles.
Parallèlement à ces scènes d'une sophistication
gracieuse, Ter Borch peignit des oeuvres encore plus intimistes
comme la très douce Leçon de lecture (musée
du Louvre). Cette "poésie du silence" annonce les
calmes compositions de Vermeer. D'ailleurs, à la
fin de sa vie, Ter Borch ne fut pas insensible à l'art du
maître de Delft. Dès 1654, Ter Borch se consacre
presque exclusivement à ce genre de tableaux raffinés
et aux portraits des membres de la très riche bourgeoisie,
ne peignant plus que très rarement des sujets militaires.

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Ces charmantes
scènes d'intérieur, qui ont souvent une connotation
galante, eurent un grand succès auprès de la
bourgeoisie hollandaise qui appréciait l'élégant
reflet que lui renvoyait Ter Borch. Le peintre multiplia
ces "sujets de mode", n'hésitant pas à
réutiliser certains motifs qui lui plaisaient, comme
le tapis de table ou le profil au menton un peu lourd de la
chanteuse, si caractéristique de ses figures féminines.
Son art fut aussi particulièrement collectionné
par les amateurs français du XVIIIe siècle,
qui surent goûter sa plaisante poésie. |


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