Etape 87 - Les
châteaux du désert - La citadelle Qasr Al-Azraq
Vendredi 24 février
2023. Aujourd'hui, changement de décor : le désert
du Wadi Rum est très loin derrière nous. Hier,
après avoir quitté notre campement, nous avons pris
la longue route du nord pour rejoindre les châteaux du désert
qui se trouvent à l'Est de la capitale Amman.

Et quand je dis longue route, je devrais
plutôt dire "très longue route",
marquée par les conneries de mon frère au volant.
A force de piler à la vue d'un radar, mon frère a
fâché le chauffeur syrien qui a dû piler pour
ne pas s'encastrer dans notre voiture...

Jusqu'ici tout va bien, sauf que notre
ami Syrien a très mal pris l'affaire et que moins
de deux minutes plus tard, il nous faisait un dépassement
très dangereux en nous coupant la route et manquait nous
envoyer dans le fossé...

La voiture flottait un instant, puis
comme par miracle se stabilisait. On venait de l'échapper
belle. Sauf que notre chauffeur syrien n'en restait pas
là et du coup, ayant manqué son coup, nous attendait
en ralentissant au maximum sa vitesse. "Merde, ce con-là,
nous refait Duel !", je pensais en me remémorrant le
premier film de Spielberg.

Ok, face à la colère
de mon frère, nous nous devions d'intervenir Fanny et moi
pour que l'affaire en reste là. "Maintenant,
tu sors à la première sortie et tu lui fous la paix".
Fanny d'un ton ferme mettait un point final cette mésaventure..."
Bien dis, Fanny !"

Cinq minutes plus tard, nous voilà
attablé autour d'une table d'un petit resto, histoire
de reprendre nos esprits. On est encore vivants... Elle est pas
belle, la vie !

Il ne nous reste qu'à reprendre
notre route pour arriver en fin d'après-midi à l'Azraq
Hôtel... Tout aussi désertique qu'étrange, tenu
par deux Syriens réfugiés, visiblement aussi doués
pour tenir un hôtel que moi pour jouer de la flûte à
bec. Mais bon, ils sont sympas ces Syriens. Surtout quand ils ne
conduisent pas des 38 tonnes.

Voilà pour la petite histoire.
Passons maintenant à la grande. Aujourd'hui, nous passons
donc notre journée à arpenter la route des
châteaux du désert, une série de modestes édifices
arabes perdus au milieu d'un désert de rocailles.

Construits pour la plupart au milieu
du VIIIe siècle, ces "châteaux" étaient
avant tout des lieux de détente pour les califes omeyyades
de Damas, leur permettant de retrouver un certain confort lors de
leur partie de chasse.

Et nous commençons notre petite
excursion par la citadelle Qasr Al-Azraq. Fréquentée
depuis l’âge du fer, l’oasis est intégrée
dans l’Empire romain en 105, et devient un avant-poste stratégique
du système de protection de la frontière de l’est
(limes Arabicus).

C’est une étape sur la
voie stratégique dirigée vers le sud à partir
de Bostra, capitale de la province d’Arabie.

Les traces d’un premier camp
romain visible sur des photographies aériennes ont disparu
sous les constructions modernes. Lui a succédé
un fort quadrangulaire bâti en pierre volcanique, dont la
datation et l’identification antique sont discutées
à partir de quelques inscriptions latines fragmentaires.

Le Qasr Azraq antique est Amatha
selon les études les plus récentes, ou Basienis dans
des ouvrages plus anciens.

Le fort aurait été construit
à l’époque de la Tétrarchie, sous
Dioclétien (295-305), ou peut-être plus tôt sous
Aurélien (270-275). Il est l’objet de réfections
importantes en 333, seule date précisément connue.

Déserté à la
fin du IVe siècle, le fort est occupé par intermittence
durant la période islamique, marquée par des
reconstructions en 1237. Située aux marges de l'empire ottoman,
l'oasis est une zone d'insécurité.

En 1917, Lawrence d'Arabie
y établit son quartier général pendant
la révolte arabe contre l'empire ottoman.

Après la Première Guerre
mondiale, l’oasis est intégrée dans
le royaume de Transjordanie et repeuplée.

Après de brèves reconnaissances
superficielles au début du XXe siècle, l'exploration
archéologique débute dans les années 1977-1978.

Malgré les nombreuses reconstructions
effectuées au fil des siècles, le plan d'origine est
perceptible d'après les soubassements. Dans sa typologie
des forts romains en Jordanie, on le classe parmi les forts de taille
moyenne avec des tours en saillie aux angles et intermédaires.

Les casernements sont adossés
à la muraille, selon l'architecture militaire dite
des « forts à casernements périphériques
», en usage à partir de la fin du IIIe siècle
comme à Qasr Bshir.

Les salles aménagées
en écuries au nord ont remplacé des casernements similaires
à ceux des sections ouest et sud.

Le fort romain est construit en blocs
de basalte noir local, en une structure presque carrée
de 79 × 72 mètres, avec des murs d'environ deux mètres
d'épaisseur entourant une grande cour centrale.

À chaque angle, une tour rectangulaire
(entre 6 × 8 mètres et 6,5 × 9,5 mètres)
fait une légère saillie d'un mètre
environ par rapport à la muraille, disposition qui apparaît
sur d'autres fortifications à la fin du IIIe siècle.

La muraille est renforcée par
une tour centrée sur le mur nord et deux tours entourant
des entrées sur les côtés sud et est. Certaines
tours devaient compter trois étages, desservis par des escaliers,
et à l'ouest, une grande structure à deux ou trois
étages est identifiée à un praetorium (bâtiment
administratif) ou aux principia (siège du commandant).

L'entrée principale du fort
romain était à l'est, au centre de la muraille, encadrée
par deux tours en saillie. La cour intérieure offre
un espace de 65 × 60 mètres et conserve des traces
de fondations non datées.

La couverture des bâtiments est
soutenue par des arches qui supportent des corbeaux constitués
par des barres de basalte, forme d'architecture romaine qui se retrouve
couramment dans la région.

L'importance stratégique du
château vient de son implantation au milieu de l'oasis
d'Azraq, la seule source permanente d'eau douce du désert
environnant, dans un bassin de près de 12 000 km2.

Plusieurs civilisations ont occupé
le site pour sa valeur stratégique dans cette région
désertique éloignée et aride.

La région a été
fréquentée par les Nabatéens, puis
est passée sous contrôle de l'Empire romain lors de
l'annexion du royaume nabatéen en 105-106 et de sa transformation
en province d'Arabie avec Bostra comme capitale.







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