Etape 61 - Sur
les pentes du mont Teksar - Entre deux monastères
Jeudi 3 novembre 2022.
Entre les monastères de Tanahat et d'Arkaz, je veux profiter
de ce moment pour vous parler de la Grande Arménie,
ce royaume puissant qui émergea à la fin de l'Antiquité.
Car c'est sur ce territoire historique que nous sommes aujourd'hui.

Le royaume d'Arménie ou Grande-Arménie
est fondé en 190 av. J.-C. par Artaxias Ier, fondateur
de la dynastie artaxiade.

Connaissant son apogée sous
le règne de Tigrane le Grand, il devient ensuite
un enjeu entre Romains et Parthes, puis entre Romains et Sassanides.

Au 1er siècle, son trône
passe aux Arsacides, qui le conservent jusqu'en 428, date
de l'abolition de la monarchie et du début du marzpanat.

Ancienne satrapie de l'Empire
perse achéménide (VIe – IVe siècles av.
J.-C.), l'Arménie passe au pouvoir d'Alexandre le
Grand en 331 av. J.-C., puis de ses successeurs, pour faire
partie du royaume séleucide, sous des souverains
orontides (la Sophène et la Petite-Arménie, détachées,
ayant leurs propres souverains).

La défaite du roi séleucide
Antiochos III face aux Romains à Magnésie
du Sipyle en 190 av. J.-C. redessine la carte politique du Moyen-Orient.

Aux termes de la paix d'Apamée
(188 av. J.-C.), Antiochos III ne peut plus intervenir au
nord du Taurus, créant un vide politique que remplissent
immédiatement de nouveaux royaumes indépendants.

Dès 190 av. J.-C., le
satrape d'Arménie Artaxias, auprès duquel s'est réfugié
le Carthaginois Hannibal, fonde sur ses conseils la ville
d'Artaxate (au sud de l'actuelle Erevan) sur les rives de l'Araxe,
et en fait la capitale d'un royaume d'Arménie dont il se
proclame roi, avec la bénédiction des Romains.
Artaxias fonde ainsi la dynastie royale des Artaxiades qui règne
sur le pays jusqu'au début du Ier siècle.

Situé dans une région
montagneuse et difficile d'accès, le royaume d'Arménie
occupe en Orient une position stratégique.

À partir de son territoire,
des attaques dévastatrices peuvent être lancées
contre la Syrie septentrionale, la Cilicie, ou encore l'ouest de
l'Iran (région de la Médie, autour d'Ecbatane).

Les grandes puissances qui contrôlent
ces régions menacées ont en revanche de grandes
difficultés à pénétrer en Arménie,
et encore plus à s'y maintenir de façon durable.
C'est pourquoi, sans chercher à annexer directement ce royaume,
elles s'efforcent pendant toute l'Antiquité de le neutraliser
en contrôlant son aristocratie et surtout son roi.

Cette aristocratie, en grande partie
d'origine iranienne ou iranisée (un héritage de l'Empire
achéménide), a des liens naturels avec celle
de l'Empire parthe, puissance nouvelle dans la région, issue
principalement du délitement de l’empire des Séleucides.

Cet empire parthe est alors gouverné
par la dynastie des Arsacides. Vers 110 av. J.-C., l’armée
parthe défait l’Arménie ; Artawazd Ier fut ainsi
obligé de plier face à l’autorité du
roi parthe Mithridate II.

L'Arménie est alors contrainte
de reconnaître la tutelle du souverain parthe sur son territoire,
ainsi qu'elle doit donner des gages : on envoya donc comme otage
- pratique courante dans l'Antiquité - le prince Tigrane
en Mésopotamie, dans la région de Babylone. Cet éloignement
n'est pas dénuée d'avantages pour les rois vaincus
: envoyant son neveu chez les Parthes, Artawazd neutralisait ainsi
un rival potentiel.

Gage de l’exécution du
traité entre les Parthes et l’Arménie, Tigrane
demeura en Mésopotamie pendant quinze ans : des journaux
astrologiques, rédigés sur des tablettes cunéiformes
par les prêtres du temple de Marduk à Babylone, attestent
le séjour du « prince héritier » d’Arménie,
ainsi que son retour en Arménie après la mort de son
oncle.

D'ordinaire, ces documents cunéiformes
ne parlent que très peu des régions extérieures
à la Mésopotamie : la mention qui en est ainsi
faite est le signe que le retour de Tigrane en Arménie revêtait
une dimension particulièrement forte.

Tigrane monte sur le trône
en 95 av. J.-C., âgé de 45 ans, et initia
une politique de puissance régionale

Entre les années 87 et 69 av.
J.-C., le roi arménien Tigrane II le Grand - mis
sur le trône par les Parthes - prit la tête d’un
véritable empire qui arrêta l’avancée
de Rome au Proche-Orient.

Les sources à disposition des
historiens sur ce roi et son règne reflètent pour
l'essentiel le point de vue de Rome, présentant ainsi
les guerres contre Tigrane comme un épisode des guerres mithridatiques
où le roi arménien joue un rôle mineur par rapport
à son allié du Pont, célébrissime ennemi
de Rome, Mithridate VI Eupator.

Pourtant Tigrane, pendant presque
vingt ans, fut à la tête d’un empire aux dimensions
plus que respectables, paré de l’épithète
royale de « Grand » et du titre de « roi des rois
», récupérant à ce titre une
communication royale proche de celle de l'Empire Perse mais aussi
des autres souverains hellénistiques.

Tigrane II le Grand donne au royaume
d’Arménie une ampleur inédite. Après
avoir cédé aux Parthes plusieurs territoires de son
pays, Tigrane réussit à les convaincre que ses ambitions
territoriales ne menaçaient pas directement leur alliance.

Cependant, Tigrane avait aussi compris
que ses chances étaient meilleures en tournant son
regard vers l'Occident romain, où Mithridate VI du Pont commençait
à étendre son influence en Asie Mineure, au grand
dam de Rome. Tigrane établit rapidement un accord
avec lui, qui fut scellé par son mariage avec Cléopâtre,
fille de Mithridate. Cette alliance lui permit de mener
par la suite une série de campagnes militaires qui aboutirent
à l’occupation d’une bonne partie de l’Anatolie
orientale, contrôlée par des rois amis de Rome, et
de ce qui restait de l’empire des Séleucides, désormais
en pleine décadence.



|