Etape 70 - Ouchgouli
- Emporté par la puissance de la rivière Enguri
Mardi 12 juillet 2022.
De retour à l'hôtel, je repars aussitôt au
bas de notre maison d'hôte (j'en parlerai dans l'étape
suivante) pour faire quelques photos de la rivière qui passe
juste à proximité.

Depuis le petit pont qui enjambe
les flots tumultueux de l'Enguri, j'ai une vue parfaite pour faire
quelques photos intéressantes.

Je vaus même profiter du
garde-corps assez large pour supporter mon appareil-photo afin d'entamer
une série de poses longues. Chouette alors !

Quand on n'a pas de trépied
à sa disposition, il faut savoir faire preuve de
débrouillardise, c'est ce que je vais faire ici en utilisant
le garde-corps.

Mais ce n'est pas gagné d'avance,
car pour réaliser ces quelques clichés, il me faut
entre quatre et six secondes de pose, du fait que je réalise
la série en plein jour. Heureusement, le soleil ne fait pas
des siennes.

Le seul problème, ce sont les
allées et venues des gens sur le pont, car la moindre vibration
vient gâcher la pose... Et je ne compte pas le nombre de photos
que j'ai dû mettre à la poubelle avant d'arrivée
à ce résultat !

Mais bon, à force de persévérance
et de patience, je parviens à un résultat
plutôt correct. Du coup, la rivière Enguri, par la
magie de la pose longue, se fige dans le temps, s'apparentant comme
par magie à une rivière glacée !

Souvent les gens me demandent comment
je parviens à réaliser de tels clichés, et
souvent je leur réponds : la chance ! Car, il faut
bien l'admettre, il en fallait un peu pour que le pont soit d'abord
placé à bonne hauteur de mon sujet, et surtout pour
qu'il ne soit pas atteint par les vibrations de la rivière
en crue !

Je vais donc rester là, sur
ce petit pont de bois, une bonne trentaine de minutes, profitant
du fait que ma fille se prépare avant que nous repartions
vers de nouvelles aventures.

Franchement, je ne me lasse pas d'un
tel paysage. Il est si rare que le mariage entre la nature
et l'homme soit si étroit. Et à dire vrai, la Svanétie
et ses espaces sauvages et indomptés sont vraiment idéaux
pour ça.

Je me plais tellement à observer
cette rivière en crue, que je vais me rappeler que
lors de notre arrivée au village, la veille au matin, la
vue sur le hameau et les autres petites communautés était
encore plus belle à une centaine de mètres de la route
principale... Mauvaise idée.

Car pour me rendre jusqu'à ce
point de vue que j'avais repéré la veille à
notre arrivée, il me faut d'abord marcher une bonne
centaine de mètres sur la route principale qui est, je vous
le rappelle, maculée de boue et de bouses de vache.

Et bien entendu, pour effectuer cette
marche, je n'ai pas eu l'idée de changer mes tennis
légers pour une bonne paire de chaussures de marche. Je vais
âprement le regretter... Et très vite encore.

A peine, ai-je fait une cinquantaine
de mètres sur la route principale que me voici devant
une immense flaque de boue qui me barre le passage. Pas celui des
minibus chargés de touristes qui remontent le chemin jonché
d'ornières...

Pour traverser cette immense flaque
(et éviter de me faire écraser par les bus !), il
ne me reste plus qu'à sauter et espérer passer de
l'autre côté... Grave erreur ! Car à
peine je me réceptionne de l'autre côté de la
flaque que me voici parti en vol plané non contrôlé
! J'ai beau essayé de me stabiliser, mais je me retrouve
les quatre fers en l'air et les fesses en plein au milieu de la
flaque de boue et de bouses !

Je me relève tant bien que mal,
et voilà que je reglisse encore ! Et cette fois-ci,
je manque partir sur le bas-côté de la route et tomber
carrément dans la rivière. Je ne dois mon salut qu'à
la présence d'un tuyau d'évacuation des eaux auquel
je me rattrape in-extremis !

Enfin, je parviens à me remettre
debout. C'est à ce moment-là qu'un minibus
qui n'a que faire de savoir si j'allais tomber ou pas dans la rivière
en crue passe en m'aspergeant une nouvelle fois de boue et de merde
de vache !

Me voici trempé jusqu'aux os
et maculé de boue et de bouses de la tête aux pieds
! Il me faut maintenant repartir dare-dare à l'hôtel
pour me changer. Sur le chemin du retour, je ne regarde même
pas les gens que je croise qui s'interroge tous de savoir si je
suis tombé dans la boue... "Bien sûr que je suis
tombé ! Et pas qu'un peu !".

Après cinq petites minutes de
marche (qui m'ont parues une éternité), me voici de
nouveau dans la petite courette de notre maison d'hôte. C'est
maintenant que je m'aperçois de l'état lamentable
dans lequel je me trouve... et dans lequel se trouve mon appareil
photo tout neuf, que j'ai acheté il y a trois semaines de
ça... Arghhhhh !

Depuis l'entrée de la maison
d'hôtes, j'appelle Vera à mon secours. Après
quelques secondes, la voilà qui apparaît dans l'entrebaîllement
de la porte. Son regard trahit aussitôt mon état physique
! "Il vous faut vous changer !", me dit-elle.
Elle me demande de me déchausser et de foncer droit vers
la douche... Mais à peser le pour et le contre, entre mon
corps maculé de merde et mon Z6 tout neuf tout barbouillé
de boue, je n'hésite pas une seconde. "Vera, il me faut
une serviette mouillée, s'il vous plaît. Il me faut
nettoyer mon appareil tout de suite, sinon la boue va sécher
et le mettre hors d'état..."

Après quelques secondes d'hésitation,
mon hôtesse comprend ma situation, et elle revient
aussitôt avec une serviette humide que j'accepte bien volontiers.

Et c'est donc dégoulinant de
boue et de merde que je vais commencer à nettoyer
mon boîtier neuf. Il me faut agir vite et commencer par les
parties les plus vitales de l'appareil : la zone de contact avec
l'objectif qui doit être absolument propre et le compartiment
de la batterie et des cartes où la boue et l'humidité
peuvent s'infiltrer.

Le nettoyage complet de mon appareil,
bretelle comprise, va me prendre au moins 45 minutes. Pendant
ce temps, la boue qui me recouvre commence à sécher
sur moi. Mais je n'ai pas le choix. Je dois d'abord sauver mon boîtier
avant de penser à moi. Et c'est ce que je vais m'appliquer
à faire au milieu de cette cour ferme, devant l'entrée
de la tour svane.

Après quoi, enfin, je peux penser
à pénétrer à l'intérieur de la
maison, en ayant bien pris soin de laisser mes chaussures
maculées de boue à l'entrée de la tour. Allez
hop, direction la douche pour enlever la tonne de boue qui me recouvre
de la tête aux pieds !

Un quart d'heure plus tard, c'est donc
propre et frais comme un gardon (c'est le cas de le dire !) que
je retrouve ma fille qui me demande comment je vais : "Bien,
tout va bien, merci ! Quelque chose à signaler ? Non, tout
va bien. Mon appareil-photo est sauvé des eaux et de la merde
!"








|