Moscou - De l'église de la Trinité à la Loubianka

Lundi 29 avril 2019. Direction maintenant l'église de la Trinité-à-Nikitniki***. A nul doute l'une des plus belles églises de Moscou. Mais hélas, fermée, quand j'arrive enfin à la trouver. Pour cela, il faut passer par un long dédale de rues, faire des détours pour éviter les ministères et s'engager enfin dans la petite rue Nikitnikov.

La plupart des églises de Moscou ferment leurs portes après 16 heures... Quand elles ne sont pas simplement fermées pour des raisons obscures... L'église de la Trinité-à-Nikitniki*** fut commandée par Grigori Nikitnikov, l'un des plus riches marchands russes du XVIIe siècle. Il fut conseiller financier des deux premiers Romanov (on racoonte qu'il leur prêtait aussi de l'argent !).

L'église de la Trinité-à-Nikitniki*** fut bâtie, excusez du peu, dans a cour de la propre résidence de Nikitnikov... On dit que le rez-de-chaussée de la nef lui servait d'entrepôt !

Reste qu'on est surpris de trouver dans cette ruelle secrète, entre immeubles modernes et art nouveau, cette somptueuse église datant de 1630. Sur le plan architectural, elle eut son heure de gloire, puisqu'elle servit de modèle à l'édification de toutes les nouvelles églises de Moscou durant les trente années qui suivirent.

L'originalité de cette église réside dans sa forme carrée, sa nef sans piliers, ses trois rangées de kokochniki en étage dominés par cinq tourelles à bulbes. Une première pour une église de quartier, les cinq bulbes étant réservés jusqu'alors pour les cathédrales du Kremlin.

L'autre nouveauté réside en ces colonnettes jumelées évoquant le style toscan, surmontées d'une frise formée de "tables rentrantes". Elle s'enrichira par la suite d'une tour-clocher coiffée d'un chatior. A l'intérieur, on peut, paraît-il, y trouver les fresques de Semion Ouchakov (considéré comme le dernier peintre d'icônes avant l'apparition de la perspective) et un iconoclaste de la même époque.

Voilà pour l'église de la Trinité-à-Nikitniki***. Je remonte ensuite la rue Ilinka pour la rue Sataraya, à son extrémité nord, et file directement en direction de la Loubianka. Voici donc l'immeuble le plus redouté de tout Moscou sous l'époque soviétique. Le siège du KGB, aujourd'hui reconverti en FSB, le contre-espionnage qui est toujours dans les murs. Comment imaginer que ce bâtiment construit dans le plus pur style classique ait pu abriter autant d'horreurs ?

Dès 1918, la première police politique, la Tcheka, fondée par Derjinski (1877-1926), s'installait au nord de la place, dans l'ancien bâtiment des assurances Rossia. Devant le nombre inflationniste de suspects et de prisonniers, il fallut agrandir les bâtiments. Entre-temps, la Tchéka était devenue GPU, puis NKVD, puis KGB. Des milliers de gens y séjournèrent, disparurent ou terminèrent au goulag. Dans les caves, on torturait, on liquidait les prisonniers politiques et religieux de tout poil. Il faut alors imaginer le ballet des grosses voitures noires sans plaque qui livraient quotidiennement leur lot de malheureux... Bien loin de l'image angélique de ces oeufs Fabergé géants alignés le long du trottoir d'en face, sur la rue Sataraya.