Etape 49 - Moscou - Pâques orthodoxe au coeur du Kremlin
Lundi 29 avril 2019. Devant la cathédrale de la Dormition***, la foule s'est rassemblée. Un cordon de sécurité s'est formé, empêchant quiconque de pénétrer dans l'église. Mais que se passe-t-il ? Par curiosité, je m'approche comme les autres et au bout de dix minutes, je vois sortir le métropolite de Moscou en personne ! "Jésus est ressuscité !", clame-t-il e faisant le tour de la cathédrale. C'est là que je comprends que les Russes célèbrent Pâque avec quinze jours de retard sur le calendrier romain. Nous sommes lundi de Pâques dans tout le monde orthodoxe ! Je vais pouvoir réaliser quelques bonnes photos et une vidéo sumpathique de cet événement.

Après quoi, c'est sur ces images de célébrations de Pâques, que je poursuis ma petite histoire du Kremlin. Ou plutôt que j'en fais le tour des églises qui ceinturent la place des Sobors. Comme je l'ai écrit plus haut, impossible de faire des photos à l'intérieur des cathédrales. Du coup, il ne faura pas s'attarder sur mes clichés, en tous les cas chercher une correspondance avec la description des lieux. Je n'ai pu prendre que les façades des églises.

Honneur donc à la cathédrale de la Dormition***, la plus grande et la plus célèbre des églises du Kremlin. Elle remplaça un premier édifice détruit par un séisme. Celle-là fut édifiée en 1326-1327 par le prince de Moscou, Ivan Kalita, et était alors le premier ouvrage en pierre de Russie, dans le style de la cathédrale de Vladimir, alors capitale du pays.

Le métropolite mourut la première année de la construction et y fut enterré, ce qui explique la longue tradition d'inhumation des métropolites dans la cathédrale. Ivan Kalita y fut par la suite sacré Grand Prince et, là aussi, tous les grands princes y furent couronnés par la suite.

L'église brûla en 1470 et Ivan III décida de la reconstruire aussitôt encore plus belle pour qu'elle soit digne de la nouvelle capitale du jeune Etat russe. La cathédrale de Vladimir servit de nouveau de modèle, Ivan III la voulut encore plus prestigieuse que le modèle et exigean qu'elle le dépassa d'au moins 2,50 m dans toutes ses dimensions.

Mais en 1474, alors que la construction s'achevait, le bâtiment s'écroula. L'histoire officielle mit ça sur le compte d'un tremblement de terre, mais il est très probable que les architectes se trompèrent dans leurs calculs ! Et au final, les nouveaux architectes mandatés par Ivan III renoncèrent devant l'ampleur et les difficultés de la tâche.

Le monarque fit alors venir Fioravanti, un architecte italien réputé qui indroduisit ses propres méthodes de production de matériaux de construction, tout en respectant les grands principes architecturaux russes. Une des principales innovations fut d'imposer un plan carré inhabituel sur quatre piliers en alignant toutes les voûtes d'arrête à la même hauteur, introduisant ainsi le modèle d'église-halle. A l'intérieur, on pouvait ainsi jouer avec l'espace et la lumière, dans la tradition de la Renaissance italienne.
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A l'extérieur, la sobriété de l'architecture, ses belles proportions, le rythme régulier des ouvertures, les colonnes, les pilastres et les arcs dominant la façade, lui donnent une allure de force tranquille. A l'intérieur, c'est éblouissant. Toutes les fresques ont retrouvé leur tonalité d'origine et couvrent, colonnes comprises, l'intégralité de l'église. Elle abrite une riche collection d'icônes, dont quelques unes très anciennes. Sur les piliers, une bonne centaine de martyrs canonisés sont représentés. Epoustouflant ! |
L'iconoclaste comprend cinq rangs d'icônes. Le plus bas, encadrant la porte royale, représente les plus vénérées. A droite de la porte, on est subjugué par ce Christ en majesté rapporté de Novgorod, après qu'Ivan le Terrible eut anéanti la ville. Elle daterait du XIIe siècle. A côté, ne pas manquer une insolite Dormition, réalisée spécialement en 1479 pour la consécration de la cathédrale. Le Christ y tient dans la main une sorte de poupée, c'est en fait l'âme de la Vierge. A voir également, un Christ du XIVe siècle (entre la Vierge et saint Jean), oeuvre d'un artiste serbe, également rapporté de Novgorod par Ivan le Terrible. Sur sa droite, le Christ à "l'oeil sévère", réalisé pour la première cathédrale d'Ivan Kalita. A gauche de la porte royale, l'icône de la Vierge de Vladimir, datant du XVIe siècle. Au-dessu, s'élèvent les quatre autres rangs traditionnels d'icônes : les mois de l'année, les fêtes, les prophètes, et tout en haut, les Patriarches.

A voir absolument, le trône d'Ivan le Terrible, appelé aussi le trône de Monomaque. Réalisé en 1151, c'est un chef-oeuvre de bois ciselé possédant une grande capacité d'évocation... Le trône de Salomon, décrit dans l'Ancien Testament, servit de modèle ! Ses panneaux retracent les exploits militaires de Vladimir Monomaque et son couronnement par l'empereur bysantin Constantin, ce qui tendait à démontrer la filiation bysantine des maîtres de la Russie.

Collé au pilie de droite, il s'agit du trône du Métropolite, en pierre blanche, et à gauche, le dais de l'épouse du Tsar (orné d'une icône de la Vierge et l'enfant et de l'aigle russe). Pour la petite histoire, on raconte que le lustre pendu entre les deux piliers aurait été entièrement fondu avec de l'argent repris aux troupes napoléoniennes au moment de leur retraite...

Enfin, le long de la nef, on ne peut pas manquer la série de tombeaux de tous les chefs de l'église orthodoxe. Entre les portes sud et ouest, le dais en bronze et cuir ciselé du métropolite Hermogène. Dans la nef de gauche, de nombreuses reliques et icônes de la période prémongole, dont celle de saint Georges, la plus ancienne (XIIe siècle) et la Vierge de Tikhvine, qu'on reconnaît grâce à la plante des pieds du Christ dirigés vers les spectateurs. A voir, sur la nef de droite, la fresque du Jugement dernier et celle de l'Apocalypse. Enfin, sur le mur ouest, en sortant de l'église, il ne faut pas manquer l'extraordinaire Jugement dernier (1642), censé rappeler aux fidèles ce qui les attendait en cas de pêché. Voilà pour la cathédrale de la Dormition (réalisé avec l'aide du Routard).



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