Etape 78 - Cap
vers la Patagonie - Vol de la mort pour Puerto Natales
Lundi 5 février 2024.
Après une bonne nuit de sommeil dans un excellent Airbnb,
nous nous rendons directement à l'aéroport
de Puerto Montt afin de rendre la voiture de location et de nous
enregistrer pour notre prochain vol en direction de la Patagonie.

Notre carte d'embarquement en poche,
nous voilà dans la zone d'attente avant de grimper dans l'avion.
Jusqu'ici tout va bien. L'heure est à la bonne humeur.
Pour une fois, nous ne sommes pas stressés et nous sommes
à l'heure pour prendre notre avion. La vie est belle.

La vie est d'autant plus belle que
ce vol (pour une fois très court) promet d'être l'un
des plus beaux de notre aventure en terre Chilienne... Et
pour cause, nous allons silloner les Andes et passer au-dessus de
quelques uns des plus beaux sommets de cette partie du monde.

Enfin, tout ça, c'est ce qui
était prévu. En réalité, ce
vol qui promettait d'être un rêve éveillé
va tourner court et nous plonger en plein cauchemar !

Après une heure de vol, notre
commandant de bord nous demande de mettre nos ceintures
avant d'entamer le début de la descente vers Puerto Natales...
Et bien lui en a pris !

Car cinq minutes plus tard, voilà
que notre avion décroche subitement ! 20 mètres
de chute libre. Pendant une seconde, nous éprouvons une sensation
d'apesanteur.

Des téléphones volent
littéralement au plafond et nous avons la sensation de tomber
la tête la première. Puis, nous retombons lourdement
sur les ailes avant de reprendre notre descente...

A peine le temps de souffler et de
comprendre ce qui vient d'arriver que l'avion décroche
une seconde fois. Cette fois-ci, au moins trente mètres
!

Derrière moi, les gens hurlent
à qui mieux mieux ! Les téléphones
volent encore au plafond. Et la sensation de chute et d'apesanteur
est horrible.

Et une nouvelle fois, l'avion retombe
lourdement sur les ailes. Une sensation de panique me gagne
petit à petit. Une fois d'accord, mais deux fois...

C'est non seulement du jamais vu pour
moi en plus de 200 vols, mais quelque chose en moi me met
en alerte : il y a quelque chose qui cloche dans cet avion...

Heureusement, j'ai en visu l'hôtesse
de l'air qui ne cille pas et esquisse même un demi-sourire.
Je l'interroge du regard et elle me répond d'un petit sourire
réconfortant.

Un petit sourire, ce n'est rien, mais
dans certaines circonstances, cela vaut tout l'or du monde. D'autant
que derrière moi, une femme hurle de peur, en proie
à une véritable crise de panique.

De mon côté, je ne bronche
plus. Je prie seulement pour que l'avion ne décroche pas
une troisième fois, car là, c'est sûr, quelque
chose de grave est en train de se passer... Mais il n'en
est rien et finalement l'avion se stabilise au-dessus des Andes.

Le temps de serrer mon frère
et ma petite nièce dans les bras, c'est maintenant
que la peur apparaît. Retrospectivement. C'est étrange.

Autant je n'ai pas eu peu quand nous
chutions, autant maintenant que nous sommes stabilisés,
les larmes et les tremblements m'assaillent. Merde alors, on l'a
vraiment échappé belle !

Pendant un long moment, je ne peux
me contenir. Mes voisins de siège, un couple de Canadiens
en vacances, se serrent également dans les bras.

Derrière nous, un silence de
mort a succédé à la panique. Une femme
tente en vain de retrouver son portable envolé pendant les
deux secondes d'apesanteur.

Enfin, le commandant annonce l'amorce
de notre atterrissage. Je resserre une fois encore ma ceinture
et je croise les doigts. Pourvu que tout se passe bien...

Sur le tarmak, l'avion tangue à
plusieurs reprises, balancé par de fortes rafales
de vent, mais parvient à stopper sa course sans encombres.
Ouf ! Nous sommes encore vivants !

Avant de quitter l'avion, tandis que
mon frère et sa fille s'en vont déjà dans le
terminal, je demande quand même des explications au
commandant de bord, qui, très gentiment, vient à ma
rencontre.

Il finit par m'expliquer que l'avion
pris par de fortes rafales de vent s'est soulevé
par deux vois pour piquer du nez avant de se stabiliser.
ça, j'avais compris. De combien de mètres avons-nous
chuté ? Il ne sait pas me répondre.

Je lui demande encore si ce genre d'incidents
arrivent fréquement, mais il me répond dans un anglais
de circonstance : "ce sont des choses qui arrivent".
Oui, c'est sûr. Mais j'espère bien ne jamais avoir
à revivre une telle expérience au cours de mon existence.

Dieu merci, nous amorçions déjà
notre descente quand nous avons décroché et
tous les passagers étaient attachés.

Je n'ose pas imaginer l'état
de santé des gens s'ils n'avaient pas tous bouchés
leur ceinture...





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