Etape 89 - Tokyo
- A travers les allées du Sanctuaire Yasukuni Jinja
Mercredi 10 juillet 2024.
Malgré les controverses liées à son fonctionnement,
j'ai décidé d'aller visiter le sanctuaire
Yasukuni Jinja, dédié aux soldats morts sous les guerres
impériales du Japon.

Littéralement « le sanctuaire
shinto du pays apaisé », ce sanctuaire shinto,
situé dans l'arrondissement de Chiyoda, a été
construit en 1869 pour rendre hommage aux Japonais « ayant
donné leur vie au nom de l'empereur du Japon ».

Les âmes de plus de deux
millions de soldats japonais morts de 1868 à 1951 y sont
déifiées... y compris les âmes de 1068 criminels
de guerre de classe B jugés par les différentes
juridictions américaine, soviétique, chinoise, britannique,
australienne et néerlandaise, et 14 criminels de guerre de
classe A jugés par le Tribunal militaire international pour
l'Extrême-Orient après le conflit. D'où la controverse...

En outre, le temple accueille des monuments
dédiés aux personnels décédés
de la Kempetai, la « Gestapo japonaise », ou de l'Unité
731, responsable d'expérimentations et vivisections humaines
pour la guerre bactériologique durant la Seconde Guerre mondiale...

Considéré par la plupart
comme l'un des symboles du passé colonialiste, militariste
et du nationalisme japonais, il est connu pour les polémiques
qu'il suscite en Extrême-Orient, notamment dans les
pays occupés et les populations persécutées
par l'ancien Japon impérial.

À l'est de la rive droite de
la rivière Kanda et au nord-ouest du palais impérial
de Tokyo, il s'étend sur 93 000 m22, au cœur
du quartier Kudankital, le long de l'avenue Yasukunil 2 qui débute
au pont de Ryogoku.

Le sanctuaire, qui s'appelait à
l'origine Tokyo Shokonsha a été construit en 1869
pour célébrer la mémoire des soldats
morts pour l'empereur lors de la guerre civile de Boshin.

À ce moment s'y trouvaient seulement
3.500 victimes de cette guerre. On y ajoute plus tard des personnes
mortes lors de conflits internes comme les heurts avec les
clans de Satsuma et de Saga, à partir de 1853, date d'arrivée
des vaisseaux noirs du commodore Perry au Japon.

En 1879, le sanctuaire prend le nom
de « sanctuaire de Yasukuni ». Avant
la Seconde Guerre mondiale, le sanctuaire était une institution
nationale spéciale placée sous l’autorité
conjointe des ministères de l’Armée, de la Marine,
et de l’Intérieur.

Après la guerre et l'abolition
du shintoïsme d'État par les forces d'occupation,
le sanctuaire est devenu association religieuse, indépendante
de l'État, conformément au nouveau principe
de séparation de la religion et de l’État.

C'est un sanctuaire autonome
qui ne fait pas partie de l'association des sanctuaires shinto du
Japon.

À la fin de l’occupation
du Japon, en 1952, le ministère de la Justice restaure
les droits civiques des criminels de guerre, et en 1953, un
amendement les assimile aux personnes mortes pour la patrie...

En 1956, le ministère de la
Santé et des Affaires sociales et le sanctuaire de
Yasukuni entament une discussion pour les inscrire sur le registre
du sanctuaire.

À partir de 1959, des
criminels de guerre de classes B et C sont divinisés, aboutissant
à un total de 984 criminels divinisés en 1967.

En 1966, les cas des criminels de guerre
A commencent à être examinés. En octobre 1978,
à la liste des 1.068 criminels de guerre déjà
« déifiés » sont ajoutés
en secret plusieurs criminels de guerre de classe A condamnés
lors des procès de Tokyo, en tant que « martyrs de
Showa », dont le Premier ministre Hideki Tojo ou le chef d'état-major
de l'Armée Yoshijiro Umezu.

Parmi ces quatorze condamnés,
sept ont d'ailleurs été condamnés à
mort et exécutés.

Le sanctuaire deviendra controversé
à la suite de ces ajouts, qui étaient la décision
de Nagayoshi Matsudaira, prêtre responsable du sanctuaire
et fils de Yoshitami Matsudaira, ministre de la Maison
impériale après la guerre de la Grande Asie orientale.

Aujourd'hui, le Yasukuni-jinja rassemble
les âmes de 2.466.532 morts pour les empereurs lors de conflits
militaires, y compris certains Taïwanais ou Coréens
qui avaient la nationalité japonaise au moment de leur mort
à la suite de l'annexion de ces pays par le Japon.

Ces morts relèvent principalement
de la Seconde Guerre mondiale (2.133.915 personnes), puis
de la guerre russo-japonaise (191.250 personnes).

Il s'agit essentiellement de militaires,
mais on y trouve aussi des civils ou même des enfants,
ainsi que 57.000 femmes.

Parmi les civils, les jeunes
filles d'Okinawa connues sous le nom d'escadron Himeyuri, qui furent
enrôlées comme infirmières et envoyées
au front pendant la bataille d'Okinawa en 1945.

Il y a également les 1.500
victimes du torpillage du navire Tsushima Maru (en) en 1944 par
un sous-marin américain, ou encore des écoliers morts
lors d'attaques alors qu'ils participaient à l'effort de
guerre en travaillant dans des usines. Des personnages
historiques comme Yoshida Shoin ou Takasugi Shinsaku s'y trouvent
aussi.

La décision d'honorer l'âme
d'un mort à Yasukuni est prise par le sanctuaire et le ministère
de la Santé, sans consultation ni autorisation préalable
de la famille.

Quelques familles de victimes honorées
à Yasukuni souhaitent voir leurs noms retirés
du sanctuaire, opposées à l'idée pour des raisons
personnelles, idéologiques et probablement choquées
de n'avoir pas été consultées.

Ainsi neuf personnes ont intenté
un procès au sanctuaire en août 2006, demandant
le retrait des âmes de membres de leurs familles honorées
contre leur gré.

Des procès similaires ont déjà
eu lieu, mais ont généralement vu les familles
déboutées de leurs demandes.








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