Etape 82 - Nara
- Au pied des grandes statues du temple Todai-ji
Mardi 9 juillet 2024.
Le temple, construit au VIIIe siècle, est détruit
et reconstruit presque intégralement deux fois au cours de
son histoire, au XIIe et au XVIe siècle.

Son édification sous
l’égide de l’empereur Shomu entre 745 et 752
requiert la mobilisation de toutes les ressources du jeune État
japonais et grève durablement les finances publiques.

Le monumentalisme inédit du
projet traduit l’idéal politique de Shomu,
c’est-à-dire un État centralisé fondé
sur le bouddhisme.

Par la religion, Shomu compte accroître
le contrôle encore lâche de la cour impériale
sur les provinces en établissant un vaste réseau de
temples à travers tout le pays, réunis sous
la coupe du Todai-ji.

Toutefois, la puissance des
temples de Nara devient telle au VIIIe siècle qu’elle
donne l’impression de pouvoir même menacer l’hégémonie
de la cour, conduisant les empereurs à des mesures
fiscales et politiques importantes, notamment le déplacement
de la capitale.

Le Todai-ji ne joue ainsi un rôle
politique et religieux prépondérant que durant quelques
décennies, son influence déclinant ensuite
peu à peu, ce qui entraîne des difficultés majeures
pour la gestion de ses domaines répartis dans tout le pays.

Toutefois, symbole de l’empereur
et de l’État, le Todai-ji verra se mobiliser
pleinement le gouvernement et la population pour sa reconstruction
après les destructions de 1180 et de 1567 en raison de guerres
civiles.

Dans l’histoire de l’art
et de l’architecture du Japon, le Todai-ji joue un
rôle moteur lors de sa construction au milieu du VIIIe siècle
et lors de sa restauration fin du XIIe et début du XIIIe
siècle.

Il s’agit pour la première
phase du plus important projet de toute la période
Tenpyo, dont les pagodes de plus de cent mètres
(aujourd’hui disparues) sont par exemple les plus hautes connues
du Japon.

Les artistes du temple excellent
dans la sculpture naturaliste en bronze, en laque sèche
et en terre influencée par la Chine des Tang.

Le Shoso-in détient en outre
une collection inestimable d’objets d’art et
d’effets personnels de l’empereur venant du Japon
et de toute l’Asie via la route de la soie.

Lors de la restauration de 1181,
le Todai-ji redevient un important foyer d’art, principalement
grâce aux techniques architecturales provenant des Song du
Sud en Chine et à la sculpture dynamique de l’école
Kei, dernier âge d’or de la sculpture japonaise.

Toutefois, la plupart des bâtiments
actuels ainsi que le bouddha colossal résultent des
reconstructions du XVIe et du XVIIe siècle, où
le génie créatif se ressent moins dans l’architecture
et la sculpture.

L’empereur Shomu est
le principal artisan de la fondation du Todai-ji ; influencé
par la grandeur de la Chine des Tang et fervent défenseur
du bouddhisme, il aspire à renforcer l’unité
et la puissance de l’État, souhaitant conférer
à la fonction d’empereur un rôle plus central
et essentiel dans la vie politique du Japon par rapport aux différentes
familles ou factions de la cour.

Dès les années 730, il
soutient la construction de nombreux temples à travers l’archipel.

En 741, il initie un vaste
programme de construction de monastères (kokubun-ji) et de
couvents (kokubinin-ji) dans toutes les provinces du Japon ;
chaque monastère doit être flanqué d’une
pagode à sept étages et détenir dix copies
du Sutra du Lotus et dix autres du Sutra de la Lumière dorée,
afin de garantir le bien-être du pays

Shomu prévoit également
d’établir un grand temple qui doit patronner les monastères
; il proclame en 743 la construction de cet édifice
et d’une statue colossale (Grand Bouddha ou Daibutsu) du bouddha
Vairocana (Rushana en japonais) en bronze, couverte de feuilles
d’or : il s’agira du Todai-ji.

Fervent croyant, Shomu poursuivait
sa vision d’un Japon centralisé aussi bien
en matière politique que religieuse, afin de renforcer son
autorité sur les provinces et les différentes familles
nobles : pour lui, la cour et l’empereur doivent
administrer le pays tout comme le Todai-ji doit occuper une place
centrale parmi tous les temples bouddhiques secondaires.

Le choix du bouddha Vairocana
n’est ainsi pas anodin, car il s’agit d’un
bouddha abstrait, celui qui, placé au centre de l’univers,
contient et anime tous les mondes.

Par le parallèle avec Vairocana,
Shomu veut de fait suggérer l’importance de
l’empereur (au centre du pays) et du bouddhisme, modèle
là encore proche de la Chine des Tang.

Le temple doit enfin devenir le
centre l’école Kegon, celle des six écoles bouddhiques
de Nara qui a la préférence de l’empereur,
car proche de son modèle idéal d’État
centralisé bouddhique.

Chantier gigantesque qui a marqué
durablement le règne de Shomu, les spécialistes
estiment que la construction a mobilisé 370.000 forgerons
et 500.000 charpentiers, laissant exsangues les finances de la jeune
administration

Le temple actuel résulte
grandement des restaurations entreprises à l’époque
d’Edo à partir de 1685.

La salle du Grand Bouddha,
achevée en 1707, est de dimension réduite par rapport
au bâtiment original, avec sept baies de large et
une surface au sol non plus rectangulaire mais carrée ; il
reste toutefois le plus grand bâtiment couvert en bois au
monde.






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