Etape
62 - Grunaü - Coucher de soleil depuis la ferme de Namgate
Lundi 17 février 2025.
Il est un peu plus de 18 heures quand nous arrivons enfin à
Grunaü, qui, finalement, ressemble plus à une
succession de fermes isolées et de petits bourgs qu'à
une véritable ville.

C'est si vrai que nous sommes accueillis
par Wilmari, une jeune femme afrikaner, qui possède
une ferme familiale où elle reçoit aussi quelques
hôtes de passage.

Entouré de son personnel (tous
noirs), la jeune femme gère la ferme familiale dans
la quiétude toute contenue d'une propriétaire blanche
attachée à de fortes traditions.

Et du coup, il y a quelque chose de
très "Scarlet O'Hara" dans cette ferme qui me fait
tant penser à Autant en emporte le vent.

Un petit mot quand même sur cette
population d'Afrikaners, qui, par la force des colonies, a fini
par s'imposer aux population atochtones en les dépossédant
d'une grande partie de leurs terres ancestrales.

La présence de fermiers
blancs afrikaners dans le sud de la Namibie, en particulier autour
de Grünau, est le fruit d’un héritage
complexe et profondément enraciné dans l’histoire
coloniale et les politiques d’apartheid.

Cette situation, qui perdure malgré
l’indépendance de la Namibie en 1990, est le résultat
d’une série de processus historiques, économiques
et politiques qui ont systématiquement favorisé les
colons européens et leurs descendants au détriment
des populations autochtones.

L’origine de cette dynamique
remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque l’Allemagne
a établi son protectorat sur le Sud-Ouest africain
(actuelle Namibie).

Les colons allemands, attirés
par les ressources naturelles et les terres fertiles, ont
confisqué de vastes étendues de terres aux populations
locales, notamment les Herero et les Nama.

Ces expropriations, souvent violentes,
ont été justifiées par des idéologies
racistes et impérialistes, qui considéraient
les populations autochtones comme inférieures et incapables
de gérer leurs propres terres.

Les soulèvements des Herero
et des Nama entre 1904 et 1908 ont été réprimés
avec une brutalité extrême, aboutissant à des
massacres et à des déplacements forcés
qui ont laissé des cicatrices durables.

Après la Première Guerre
mondiale, l’Afrique du Sud a obtenu un mandat de la
Société des Nations pour administrer le Sud-Ouest
africain.

Les autorités sud-africaines
ont encouragé l’installation de fermiers afrikaners,
déjà établis en Afrique du Sud, en leur offrant
des terres et des avantages économiques.

Ces fermiers, souvent expérimentés
dans l’agriculture en milieu aride, ont été
attirés par les vastes plaines et les ressources naturelles
de la région.

Les politiques coloniales sud-africaines
ont continué à marginaliser les populations
noires, en les reléguant dans des zones moins fertiles et
en limitant leur accès à la propriété
foncière.

Pendant la période de l’apartheid,
ces inégalités ont été institutionnalisées
et renforcées.

Les lois sud-africaines, comme le Native
Administration Proclamation de 1928, ont systématiquement
privé les Namibiens noirs de leurs droits fonciers,
tandis que les fermiers blancs bénéficiaient de subventions,
de prêts avantageux et d’infrastructures modernes.

Les terres les plus productives,
notamment autour de Grünau, ont été réservées
aux Blancs, créant une division raciale et économique
profondément ancrée.

Après l’indépendance
de la Namibie en 1990, le gouvernement a lancé des
programmes de réforme agraire visant à corriger ces
inégalités historiques.

Cependant, ces efforts ont été
limités par des contraintes financières,
des résistances politiques et des défis logistiques.

La politique de « vendeur
volontaire, acheteur volontaire », inspirée du modèle
sud-africain, a permis à de nombreux fermiers blancs
de conserver leurs propriétés, car les compensations
offertes par l’État étaient souvent insuffisantes
pour inciter à la vente.

Aujourd’hui, une grande
partie des terres agricoles les plus productives du sud de la Namibie
restent entre les mains de fermiers afrikaners, tandis
que de nombreux Namibiens noirs continuent de lutter pour accéder
à des terres viables.

Cette situation a des implications
sociales, économiques et politiques profondes. Les
inégalités foncières alimentent des tensions
sociales et des débats sur la justice historique
et la réconciliation.

Les fermiers afrikaners, bien qu’ils
représentent une minorité, jouent un rôle
clé dans l’économie agricole du pays, contribuant
à la production de viande, de laine et d’autres produits.

Cependant, leur position privilégiée
est souvent perçue comme un symbole des injustices
du passé, suscitant des appels à une réforme
agraire plus ambitieuse et inclusive.

En somme, la présence de fermiers
afrikaners autour de Grünau est le résultat
d’un héritage colonial et apartheidiste, marqué
par des expropriations, des discriminations et des inégalités
persistantes.









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