Etape 51 - Khiva
- Le théâtre de marionnettes, une tradition ouzbèque
Samedi 25 juin 2022.
De tous les théâtres de marionnettes d’Asie centrale,
l’ouzbek est le plus étudié et, croit-on, le
plus ancien : certains historiens font remonter son
apparition à 500 av. J.C. en tant que forme indépendante
du maskhara ou théâtre de mime.

Pour ce qui est du Moyen Âge,
les sources littéraires sont claires. Omar Khayyâm
(vers 1048-après 1122) mentionne des spectacles de marionnettes
à fils ; plus tard, Alicher Navoi (Ali-Shir Nava’i,
1441-1501), poète et penseur ouzbek, parle de marionnettes.

D’après ces deux auteurs,
deux techniques de manipulation, marionnettes à fils
et marionnettes à gaine, étaient employées.

Cependant, les premières
descriptions solides de marionnettes traditionnelles ouzbek
sont beaucoup plus tardives et datent de la fin des années
1890.

Leurs auteurs sont des ethnographes,
des missionnaires et des négociants russes qui tenaient un
journal de voyage.

Il semble que Piotr Romanov soit le
premier à avoir étudié méthodiquement
le théâtre ouzbek. Dans les loisirs que lui
laissait sa profession d’ingénieur, il collecta
des informations sur les traditions théâtrales du lieu
et réunit une collection de poupées et d’instruments
de musique dont il finit par faire don au musée d’Ethnographie
de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg).

Ce don s’accompagna de la charte
de la guilde professionnelle des montreurs de marionnettes
(risola), laquelle édictait que le métier de marionnettiste
(kougirtchokboza en ouzbek) devait passer de génération
en génération dans une même famille.

Les marionnettistes vivaient dans un
quartier qui leur était réservé, se
mariaient dans les familles de leurs pairs et leurs filles ne pouvaient
épouser un homme de l’extérieur.

Ils ne possédaient ni
terre ni bétail et ne vivaient que de l’exercice de
leur métier. Une telle tradition familiale pouvait durer
plusieurs siècles.

Les spectacles étaient de deux
sortes : koul-kougirtchok (avec des marionnettes à
gaine) et tchodir khayol (avec des marionnettes à fils),
et semblables en bien des points à la tradition persane.

Le spectacle de marionnettes
à fils (tchodir-khayol, terme dérivé de l’arabe
et signifiant « tente de fantômes ») était
techniquement plus complexe que ceux employant les marionnettes
à gaine.

Il était généralement
donné le soir et à l’intérieur,
accompagné d’effets lumineux et sonores.

D’une durée de trois à
quatre heures, il mettait en œoeuvre de quarante à
cinquante poupées différentes manipulées par
trois acteurs (le marionnettiste, le narrateur et un élève
assistant) et parfois plus.

Ainsi, de dix à quinze
personnages pouvaient apparaître simultanément,
à raison de deux ou trois manipulés par chaque acteur.

Une seule pièce subsistait en
2005 : Sarkardaral (Les Chefs), une comédie qui fut
jouée dans les années 1890 et au début du XXe
siècle et fut recueillie par écrit en 1927 sous la
dictée d’un marionnettiste populaire.

Les thèmes mis en jeu rappelaient
ceux des aventures de Palvan Katchal, mais le personnage principal
s’appelait Yasaul.

Après un prologue s’enchaînaient
dix scènes et un épilogue. Les spectacles
de marionnettes à fils étaient encore joués
dans les années vingt et trente avant de sombrer dans l’oubli.

À Tachkent, à Samarcande,
à Boukhara, à Khiva et à Andijan, plusieurs
théâtres de marionnettes restèrent en activité
après l’éclatement de l’Union soviétique
en 1991, incorporant davantage d’éléments du
folklore ouzbèque, avec bon nombre de compagnies dont le
nombre avait triplé depuis la période soviétique.

Le Département d’acteurs-marionnettistes
et de metteurs en scène de l’Institut d’Etat
des Arts de Tachkent forme des professionnels.

Les compagnies de marionnettes
ont fréquemment voyagé à l’étranger
et y ont reçu des prix internationaux.



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