Etape
16 - Les grandes oeuvres du musée Old Masters
Samedi 4 juillet 2020. Continuons
notre découverte du musée Old Masters. Et pour commencer,
cet extraordinaire Retour de pélerinage, de Pieter
Bruegel. Voici encore une des copies faite par le fils
d'une oeuvre originale de son père.

Âgé de cinq ans à
la mort de son père, Pieter Bruegel l'Ancien, il
n'a pu être formé par lui. Selon Van Mander, il fut
mis en apprentissage chez le paysagiste anversois Gillis Van Coninxloo.

Franc maître à Anvers
en 1585, Van Mander parle de lui en 1604 comme d'un bon
copiste des tableaux de son père. Au cours de la première
moitié de sa carrière, il multiplie les répliques
— conservées dans nombre de musées — du
Dénombrement de Bethléem, de la Prédication
de saint Jean-Baptiste, de la petite Adoration des mages sous la
neige, des Proverbes flamands, du Cortège de noces,
mais il s'abstient de copier les grands paysages de la suite des
Mois.

Il traduit aussi en peinture des dessins
et des gravures du vieux Bruegel (les Quatre Saisons, la Danse de
noces). Il a eu le mérite de transmettre le souvenir
de quelques tableaux perdus de son père : le Berger fuyant
devant le loup (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson), Couple
paysan attaqué par des routiers (Stockholm, université).

Et encore une autre copie de Bruegel
le jeune, Le vin de la Saint-Martin, même si le musée
de Bruxelles pense qu'il s'agit d'un original. Toutefois, celui-ci
est attesté être celui conservé au musée
du Prado, à Madrid.

Il s'agit du plus haut et du
plus large des tableaux conservés de l'artiste. Il montre
les festivités de la Saint-Martin, jour pendant lequel on
buvait le premier vin de l'année.

On a longtemps cru que le tableau
avait disparu jusqu'à ce que, début 2010, il soit
apporté par un collectionneur privé au Musée
du Prado pour y être restauré. Des recherches ont confirmé
qu'il s'agissait bien du tableau de Bruegel.

Auparavant on considérait
un fragment conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne
comme l'original. Aujourd'hui on a établi qu'il s'agit d'un
reste d'une copie réalisée par son fils Pieter Brueghel
le Jeune.

Avec cette oeuvre, Bruegel s'inscrit
ainsi dans une tradition iconographique abondante. Mais il s'y inscrit
d'une façon toute particulière, associant
à la pieuse générosité du jeune soldat
une scène de beuverie campagnarde. Les détails scabreux
prolifèrent.
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On se presse
autour de la barrique écarlate pour remplir un pot
ou une tasse, hommes et femmes mêlés, sans distinction
de sexe ni d'âge. On se pousse, on s'empoigne.
Les visages indiquent, selon les cas, la concupiscence, la
colère ou l'intempérance, autant de péchés
capitaux. |
Au sommet du
groupe, des énergumènes ivres brandissent
leurs pots, gesticulent, crient et chantent sans doute ? L'un d'eux
– et ce n'est pas fortuit – a un visage velu, à
mi-chemin entre l'ours et le chien : il est ravalé au rang
de bête et n'a donc plus face humaine.
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Dans le coin
gauche, c'est pire, si possible : un ivrogne dort
sur le sol, un autre vomit, deux se battent et une jeune mère
fait boire à son nourrisson un peu de vin dans sa coupe
de terre cuite ou d'étain. Un peu plus loin, on danse.
La restauration pourrait révéler, dans
la pénombre, des couples occupés à des
plaisirs plus intimes. |
La toile est
donc construite sur l'opposition entre le geste admirable
du saint et l'ignominie des buveuses et des buveurs. Le premier
ne fait que rendre la seconde plus misérable. Le vin à
la fête de Saint-Martin fonctionne à la manière
d'une leçon de morale et d'un rappel aux vertus élémentaires.
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Si Bruegel
l'Ancien est loin d'être le seul, parmi les
peintres flamands du XVIe siècle, à concevoir
ses tableaux comme des fables ou des proverbes, il est l'un
de ceux qui paraît avoir attaché le plus d'importance
à cette fonction. |
Peindre des
paysans dans des situations ridicules, accumuler les détails
grotesques, peupler la surface d'une foule serrée et agitée,
Bruegel l'Ancien n'est pas le seul à l'avoir fait,
d'autant moins qu'il a eu des disciples et des imitateurs, dont
plusieurs dans sa famille, à commencer par son fils Pieter
Bruegel le Jeune (1564-1635).
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Il est aussi
remarquable que, à la différence de ses suiveurs,
l'auteur de cette œuvre évite de "bloquer"
la perspective en entassant à l'arrière-plan
des maisons ou des montagnes. Il ménage un espace lointain
et fait circuler l'air autour des groupes. Il sait aussi jouer
avec les échos de couleurs, les roses et les rouges
d'une part, les bleus et les blancs de l'autre, ce dont, peut-on
penser, seul un peintre de la qualité de Pieter Bruegel
l'Ancien est capable. |
Un petit intermède
à ce foisonnement d'oeuvres picturales, cette admirable sculpture
due à Gilles-Lambert Godecharle (1750-1835), La Charité.
Beaucoup plus
contemporain maintenant avec cette oeuvre de Jacques-Louis
David, Mars désarmé par Vénus (1824).
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La toile monumentale
est l’ultime mise en scène de Jacques-Louis David
et avec elle, il met fin à une longue carrière
artistique. Il a 73 ans quand il commence ce tableau
à Bruxelles et mettra trois ans pour l’achever.
Dans un décor surréaliste avec un temple flottant
sur les nuages, Vénus et ses acolytes, les trois grâces
et Cupidon, s’activent. Mars, le dieu de la guerre,
se laisse dépouiller de ses armes avec complaisance
et succombe aux charmes de Vénus. |
Cette œuvre
impressionnante et ambitieuse est une tentative de réaliser
la synthèse entre l’Antiquité, l’idéalisme
et le réalisme. Plusieurs éléments peints par
l'artiste proviennent de l'Antiquité : les personnages, le
décor, les objets.

Le vieux peintre a produit
une œuvre ironique et provocatrice et l'a exposée à
Paris juste avant sa mort, alors qu’il était en exil
et que le romantisme faisait sa percée au Salon. Les modèles
qu'il a sollicités sont pour la plupart des acteurs du Théâtre
de la Monnaie : Vénus est incarnée par Marie Lesueur,
Lucien Petipa est Cupidon, un abonné campe Mars et l'une
des Grâces est la maîtresse du prince d'Orange.

Une autre sculpture, cette fois-ci
de la main de Matthieu Kessels (1784-1836), Discobole lançant
le disque.

Et voici une des oeuvres magistrales
de Rubens, Le Couronnement de la Vierge.
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Aidé
par un atelier important, Rubens produit une œuvre considérable
dans des genres divers. Il accepte de peindre un grand
nombre de portraits mais, « d'instinct plus porté
aux grand travaux qu'aux petites curiosités »
comme il l'écrivait lui-même, il prête
peu d'attention aux détails, qu'il ne peint pas en
profondeur et dessine de quelques traits. |
Peintre extrêmement
productif, Pierre Paul Rubens serait l'auteur de plus de
1 403 tableaux. Peignant principalement des scènes religieuses
(L'Adoration des mages vers 1617-1618) ou mythologiques (Les Trois
Grâces, 1639, Bacchus, 1640), il réalise également
des portraits (Portrait de Maria Serra Pallavicino, 1606).

Son retour dans la ville d'Anvers en
1608 est pour le peintre une période de prospérité
artistique. Sollicité par de nombreux commanditaires, il
compose ses plus célèbres œuvres d'art telles
que L'Érection de la croix (1610), La Descente de Croix (1611-1614),
et Le Massacre des Innocents (1611-1612), qui représentent
des épisodes bibliques.

Dans un tout autre style, voici une
oeuvre de Frans Snijders, Chiens se disputant un os.
Frans Snyders ou Snijders (Anvers, 11 novembre 1579 - id. 19 août
1657) est un peintre baroque flamand, élève
de Pieter Bruegel le Jeune et de Hendrick van Balen, spécialisé
dans la nature morte et la peinture animalière.

Sa formation se déroule en
1597 sous la conduite de Peter II Bruegel. Il est reçu franc-maître
à la guilde des peintres d'Anvers en 1602, et réalise
l'essentiel de son œuvre dans cette ville.

Son oeuvre se compose essentiellement
de natures mortes et de scènes de chasses, auxquelles il
conféra une monumentalité nouvelle. En raison de cette
spécialité, il fut souvent appelé par d'autres
peintres et tout particulièrement Rubens, Van Dyck et Jordaens
pour exécuter dans leurs œuvres des sujets animaliers
ou végétaux.
Voici une scène
très répandue au XVIIe siècle, un aristocrate
visitant sa collection. Là, il s'agit de l'Archiduc
Léopold Guillaume dans la galerie de peintures italiennes,
de David Teniers II. Nommé gouverneur des Pays-Bas
en 1647, Léopold Guillaume de Habsbourg fit du palais
du Coudenberg, à Bruxelles, l’écrin de sa collection
de peintures italiennes et flamandes. Nommé peintre de cour,
David Teniers le Jeune (1610-1690) devint également conservateur
de cette galerie princière d’exception.

La taille fortement réduite
des personnages, parmi lesquels on reconnaît l’archiduc
et le peintre lui-même, tempère quelque peu
l’exaltation de la personnalité du collectionneur.
Teniers veut ainsi affirmer la suprématie de l’art
sur l’homme, en confrontant un grand à plus grand que
lui : ce mur de peinture, fait d’une multitude de tableaux
en un certain ordre assemblés. L’effort pictural de
précision réaliste avec lequel Teniers pastiche la
facture de chacun des grands maîtres fait de cette œuvre
un véritable portrait, mais un portrait de peintures.



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