Etape
13 - Musée Old Masters - Aux sources de l'art flamand
Samedi 4 juillet 2020. Chaque nouvelle
salle apporte son nouveaux lots de chefs-d'oeuvres. Les
grand maîtres de la peinture flamande se succèdent.
C'est éblouissant. A commencer par cette Adoration
des Mages, de Pieter Bruegel.

L'Adoration des mages est un
tableau peint par Pieter Brueghel l'Ancien en 1556.

En 1564, Brueghel peint deux
Adoration où il cherche à rivaliser avec Hieronymus
Bosch. Brueghel souligne la signification universelle de l'Épiphanie
en associant la visite de ces souverains orientaux à des
gens du commun. On chuchote, on se gausse, et bien peu de visages
expriment la piété.

Cette œuvre appartient aux rares
toiles qui ont été conservées. Peinte
à l'eau (a tempera), ces dernières se détérioraient
en effet facilement.

De Pieter Bruegel encore, voici
son extraordinaire Chute d'Icare. La Chute d'Icare est
un tableau de Pieter Brueghel l'Ancien dont l'original a disparu
mais dont il existe deux copies exposées à
Bruxelles, l'une dans la collection du musée van Buuren et
l'autre dans celle des Musées royaux des beaux-arts de Belgique.

Dans une vue plongeante, le
regard s'arrête d'abord sur les personnages : un paysan qui
laboure son champ, un berger appuyé sur son bâton,
un pêcheur de dos qui tend son fil. Le rouge de la blouse
du laboureur et de l'echarpe du pêcheur attire l'attention
sur leurs occupations. Quand les yeux peuvent s'en détacher,
on découvre la profondeur de l'espace quasi infini.

À l'horizon, le soleil
forme un disque qui irradie et unit le violet du ciel à l'émeraude
de la mer. Les montagnes qui bordent celle-ci paraissent irréelles,
blanches et légères, comme le port qui s'éveille
dans une lumière rose.

L'esprit se plaît à admirer
ce paysage harmonieux et paisible mais l'œil, irrésistiblement
revient au rouge sang du premier plan, vers ce paysan absorbé
par sa tâche. Nous le voyons de biais, la scène
étant construite en diagonale et l'impression d'un travail
continu, méthodique, en train de se faire, en est accentuée.
Derrière lui, les taches claires des brebis guident
le regard vers les voiles beiges du navire qui passe.

Il est temps alors de découvrir
les « détails » de cette scène quotidienne
: près du bateau, devant le rocher, la mer se ride
et deux jambes s'agitent : Icare est en train de se noyer dans l'indifférence
de l'entourage et de la nature. Icare, coupable de s'être
approché un peu trop près du soleil, qui a cru braver
les lois de la gravité et de la condition humaine, plonge
dans le vert émeraude profond et personne ne le remarque.
Pas même la perdrix dont le regard vague et lointain rappelle
celui du berger qui tourne le dos au drame.

Tout aussi extraordinaire, un des sommets
du Old Masters, voici La chute des anges rebelles, de Pieter
Bruegel, datée de 1562.

Cette œuvre date de la période
au cours de laquelle Pieter Brueghel l'Ancien a peint des
tableaux composés d'une multitude de personnages pris sur
le vif.

Elle est inspirée d'un passage
de la Bible : Apocalypse 12:7-121. Sur ce tableau sont représentés
l'archange Michel aidé d'anges qui chassent les anges rebelles
du paradis. Ces derniers tombent vers des créatures monstrueuses.

Ce tableau est une peinture à
l'huile mesurant 117 cm par 162 cm. Alors que le haut du
tableau est éclairé, le bas reste sombre.

Les anges qui combattent aux
côtés de saint Michel ont des vêtements de couleurs
claires. Saint Michel est vêtu d'une armure d'or.
|
Les anges déchus
sont précipités vers le bas, où
ils retrouveront des êtres fantastiques qui sortent
de l'imagination du peintre. |
La Chute des
anges rebelles était attribuée à Breughel
d'Enfer en 1845, année de son acquisition, pour 500 francs,
par le musée de Bruxelles. En 1882, le tableau est attribué
à Jérôme Bosch. Quinze ans plus tard,
à l'occasion d'une restauration ayant nécessité
le retrait du cadre, le professeur Wauters découvre au bas
du panneau la signature et la date : « BRUEGEL MDLXII »

Le festival des grandes oeuvres se
poursuit par Le combat de Carnaval et Carême, de Pieter
Bruegel.

Le Combat de Carnaval et Carême
est un tableau peint à l'huile par Pieter Brueghel l'Ancien
en 1559, qui représente une lutte (festive et symbolique)
traditionnelle de l'époque, où deux chars et deux
personnages étaient chargés d'incarner le contraste
entre deux thèmes : le mardi gras (Carnaval) et le mercredi
des Cendres (Carême, où seule la consommation de poisson
était autorisée). Ces deux défilés rivaux
devaient finalement s'affronter : le tableau dépeint le moment
où ils vont croiser leurs lances respectives, sur une place
du marché très animée.

De manière plus symbolique,
le tableau peut se comprendre comme le partage de la société
villageoise flamande entre deux tentations distinctes : la vie tournée
vers le plaisir - dont le centre est l'auberge située à
gauche du tableau ; l'observance religieuse - dont le centre est
la chapelle à droite du tableau, mais aussi entre deux religions
s'opposant en 1559 : le protestantisme, qui fait fi du Carême,
et catholicisme, qui le respecte.

Il faut néanmoins noter que
la « confrontation » entre les deux défilés
de chars est dénuée de toute agressivité. Il
s'agit davantage ici du respect des temps religieux : Carnaval semble
laisser place à Carême comme les festivités
liées à la célébration du Carnaval laissent
place à celles liées au Carême dans le déroulement
de l'année.

La peinture peut difficilement se lire
de manière linéaire - elle représente
plutôt, comme souvent dans la peinture de Pieter Brueghel
l'Ancien, un ensemble éclaté de différentes
scènes. L'ensemble général se situe sur la
place du marché de la ville : cadre d'action traditionnel
d'une telle scène de mardi gras, qui consistait à
l'époque en un cortège derrière la figure du
Carnaval dans toute la ville. Dans certaines traditions, la fête
se terminait par le moment où l'effigie du Carnaval était
brûlée.

Ici, Carnaval est incarné
par l'homme bedonnant sur sa barrique de bière (sur laquelle
un large morceau de viande de porc est rivée par un couteau).
Il porte comme couvre-chef une large tourte de viande et brandit
une lance, sur laquelle est empalée une tête de cochon,
un poulet, des saucisses et un petit gibier. Cette insistance
autour du thème de la viande est bien entendu destinée
à montrer que la viande du Carnaval contraste avec le Carême,
où toute consommation de viande est interdite. De
plus, ici, l'homme appartient visiblement à la corporation
des bouchers, comme son long couteau autour de sa ceinture semble
l'indiquer. Il était en effet de tradition que la figure
du Carnaval soit issue de la guilde des bouchers. Derrière
lui se tient un homme vêtu d'une tunique jaune (couleur traditionnellement
associée à la tromperie) et d'un chapeau pointu.

Une femme porte sur la tête une
table, sur laquelle se trouvent des gaufres (tradition culinaire
du mardi gras, avec les crêpes) et du pain, avec, dans ses
mains, un vase (à gauche) et une bougie (à droite)
- la scène se déroulant en plein jour, le fait de
porter une bougie allumée pourrait être un symbole
de folie. Un homme, coiffé d'une petite marmite, joue de
la guitare. Il est accompagné d'une femme qui porte des gaufres
et un collier d’œufs autour du cou : les œufs, comme
la viande, étaient proscrits pendant le Carême.

Et voici encore un autre chef-d'oeuvre
peint par Pieter Brueghel l'Ancien en 1566, Le dénombrement
de Bethléem.

La scène représente un
épisode décrit dans l'Évangile selon Luc où
Joseph et Marie, alors enceinte, se rendent à Bethléem
pour se faire enregistrer conformément aux ordres de César
Auguste. Comme à son habitude, Brueghel la transpose à
son époque dans un village flamand enneigé, à
l'extrême opposé du paysage moyen oriental où
se situe la scène de l'Évangile.

Marie est au premier plan sur
un âne accompagné du bœuf, précédée
de Joseph qui porte une grande scie de charpentier. Ils vont faire
la file, comme les autres habitants rassemblés devant un
guichet, pour se faire enregistrer. À droite, un
personnage, représenté avec un grand chapeau, vole
des légumes dans un petit jardin. Autour d'eux, ce
sont des scènes de la vie quotidienne qui sont représentées
: on tue le cochon, on cuisine au milieu des poules, tandis que
les enfants jouent sur la glace ou à la toupie.

Alors que la scène religieuse
occupait traditionnellement le premier plan dans les peintures
de la Renaissance et que le décor était souvent secondaire
(comme un paysage lointain entrevu par les fenêtres), Brueghel
inverse ici cette hiérarchie : le sujet religieux se fond
dans ce vaste paysage d'hiver au point de devenir presque invisible.

La compréhension d'une œuvre
étant éclairée par l'étude de son contexte
socio-historique, on a souvent voulu voir une critique du
gouvernement des Habsbourg dans le Dénombrement de Bethléem,
qui peut aussi représenter de façon détournée
la collecte de l'impôt par le pouvoir espagnol. De fait, une
enseigne sur la façade à droite du guichet où
les personnages font la queue porte l'aigle double des Habsbourg
ainsi que la couronne impériale et la chaîne de l'Ordre
de la Toison d'Or. Le voleur de légumes, avec son grand chapeau,
a également pu être assimilé à un espagnol.

Ce tableau fait partie des
« 105 œuvres décisives de la peinture occidentale
» constituant le musée imaginaire de Michel Butor.
Il a été copié de nombreuses fois par l'atelier
du fils de Brueghel, Pieter Brueghel le Jeune : 13 copies sont connues
dont 3 signées. Le choix des couleurs, dans les
vêtements par exemple, diffère souvent chez le père
et le fils.

En revanche, certains détails
qui n’apparaissent pas au niveau de la couche peinte mais
uniquement dans le dessin sous-jacent du père, se retrouvent
dans le travail du fils. À l'inverse, certaines scénettes
peuvent manquer ou différer. Il est donc probable que, pour
effectuer ses copies, Pieter Brueghel le Jeune soit parti de dessins
préparatoires ou de calques à l’échelle
conservés par sa grand-mère, la miniaturiste Mayken
Verhulst.



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