Etape
25 - Le fort Saint-Ange - Une histoire indissociable de celle du
siège de l'île
Samedi 5 avril 2025. C'est en grimpant
l'immense rampe d'accès au fort Saint-Ange que je
comprends aussitôt que c'est par lui que j'aurais dû
commencer ma visite de Malte, car c'est bien ici que se fit l'histoire
de ce petit rocher planté en plein milieu de la Méditerranée.

Car, je comprends maintenant qu'il
n'est pas possible de comprendre cette petite île isolée
de tout si l'on ne comprend pas qu'elle fut pendant longtemps
le verrou de la Méditerranée occidentale pour celui
qui la possédait.

Pas étonnant donc que le 18
mai 1565, les vigies des chevaliers de l'Ordre aient vu se présenter
devant eux une armada formidable constituée de centaines
de galères arborant les couleurs de la flotte ottomane.

L'histoire de l'Europe Chrétienne
et de sa défense allait se jouer là, dans
la capacité des chevaliers de résiter aux assauts
des armées musulmanes.

La prise du fort Saint-Elme
par les Ottomans le 23 juin 1565 ne leur offrit pas le
triomphe escompté.

Les défenseurs survivants de
Saint-Elme s'étaient repliés sur Saint-Ange,
emportant avec eux une connaissance précieuse des tactiques
ottomanes.

Le fort Saint-Ange, ancré dans
la péninsule de Birgu, présentait des défenses
radicalement différentes - ses murs en calcaire corallien,
moins sensibles à l'artillerie, plongeaient directement dans
les eaux profondes du Grand Harbour.

Les Ottomans établirent leurs
batteries principales sur les hauteurs de Sciberras, là
où s'élève aujourd'hui la ville de La Valette.

Leurs canons, positionnés à
près de 600 mètres, devaient traverser toute
la rade avant d'atteindre leur cible.

Cette distance extrême rendait
les impacts imprécis mais particulièrement destructeurs
- les boulets arrivaient selon une trajectoire plongeante
qui écrasait les parapets plus qu'il ne les perforait.

Les défenseurs, commandés
par le chevalier Miranda, exploitèrent chaque particularité
architecturale du fort.

Les casemates voûtées,
conçues pour résister aux tremblements de terre, protégeaient
les canonniers maltais qui effectuaient des tirs rasants vers les
embarcations ottomanes.

Les meurtrières en forme d'étoile,
héritage des fortifications médiévales, permettaient
un large angle de tir tout en minimisant les points vulnérables.

En juillet, les Ottomans tentèrent
une approche par la mer, utilisant des brûlots et
des ponts flottants.

La contre-mesure fut ingénieuse
: les chevaliers immergèrent des chaînes à
maillons épais entre Saint-Ange et Birgu, tandis
que des nageurs équipés de couteaux entre les dents
sabotaient les embarcations ennemies sous le couvert de la nuit.

Des grappins montés sur des
perches permettaient de repousser les brûlots avant
qu'ils n'atteignent les murailles.

La tour principale du fort, modifiée
à la hâte, devint un poste d'observation vital.
Ses créneaux furent équipés de miroirs convexes
permettant de surveiller les mouvements ennemis sans exposer les
sentinelles.

Un système de signaux utilisant
des lanternes et des drapeaux codés maintenait
la communication avec Mdina, dernière place forte maltaise
encore libre.

Les assauts terrestres se heurtèrent
à un obstacle imprévu : le substrat rocheux
autour du fort, creusé de citernes et de silos, rendait le
minage presque impossible.

Plusieurs galeries ottomanes s'effondrèrent
sur leurs sapeurs, noyés par les nappes phréatiques
percées accidentellement. Les défenseurs avaient
pris soin de disposer des tambours vides dans les souterrains -
leur résonance trahissait le moindre coup de pioche.

En août, la situation devint
critique. Les Ottomans concentrèrent leurs tirs sur
un seul secteur des murailles, créant une brèche de
quinze mètres.

La contre-attaque menée
par Jean de Valette en personne exploita la configuration
en entonnoir de cette ouverture - les janissaires s'y engouffrant
ne purent se déployer et furent pris sous un tir croisé
de mousquets et d'arquebuses.

Le point décisive survint lorsque
les renforts siciliens débarquèrent à
Mellieha Bay le 7 septembre.

Voyant leurs lignes de retraite menacées,
les Ottomans levèrent le siège dans la nuit du 11
septembre, abandonnant armes et blessés.

Le fort Saint-Ange, criblé d'impacts
mais toujours debout, avait tenu 87 jours après la
chute de Saint-Elme.




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