Etape
13 - La Valette - La belle vue de Malte depuis les Lower Barrakka
Gardens
Vendredi 4 avril 2025. Avant de
retourner prendre le ferry à l'embarcadère pour rentrer
dans mon logement à Sliema, je veux faire un dernier crochet
par les Lower Barraka Gardens, qui sont très
prisés par la jeunesse maltaise.

Cela tombe bien, ils se trouvent à
deux pas du fort Saint-Elme et de l'Infirmerie sacrée
que j'ai décidé de ne pas aller visiter.

Perchés sur les bastions
de Saint-Christophe et Saint-Michel, ces jardins en terrasse
offrent une perspective moins théâtrale mais plus intime
que leurs homologues supérieurs.

Leur tracé actuel, aménagé
sous les Britanniques en 1850, conserve pourtant la mémoire
discrète de leur fonction originelle : lieu de détente
pour les chevaliers italiens de la langue d'Italie au XVIIIe siècle.

La végétation, volontairement
basse pour ne pas obstruer la vue, se compose principalement de
plantes méditerranéennes adaptées aux embruns
- lauriers-roses aux fleurs pâlies par le sel, buis
taillés en formes géométriques précises,
et quelques oliviers tordus par les vents dominants.

Leurs plantations suivent un motif
subtil qui reproduit en négatif les étoiles
de la croix de Malte, visible seulement depuis les fenêtres
de l'Auberge d'Italie voisine.

Le monument central, dédié
à Sir Alexander Ball, présente une colonne
dorique en marbre de Gozo dont le fût légèrement
conique s'élève sur un socle strié de cannelures
horizontales - détail rare dans l'architecture néoclassique
maltaise.

Le médaillon en bronze du commodore,
fondu avec le métal de canons français capturés
en 1800, tourne imperceptiblement sous l'effet des brises
marines, un phénomène que seuls remarquent les visiteurs
attentifs.

Les bancs de pierre, disposés
en arcs concentriques face à la mer, sont taillés
dans des blocs provenant des anciennes carrières de Pietà.
Leur surface patinée porte des marques presque effacées
- compas de navigateurs, ébauches de blasons, calculs
géométriques - gravés par des officiers de
marine britanniques au siècle dernier.

La balustrade orientale intègre
douze canons ottomans du XVIe siècle, scellés
dans le mur à l'envers, leurs bouches tournées vers
le sol.

Ces pièces, récupérées
après le Grand Siège, servirent d'abord d'ornement
à l'Auberge d'Italie avant d'être recyclées
ici comme éléments de décor. Leurs
surfaces oxydées conservent des impacts de mousquet maltais,
témoignage silencieux des batailles passées.

Le kiosque à musique, ajouté
en 1875, utilise une acoustique particulière : sa
coupole en bois de pin des Balkans est percée de trous calibrés
qui amplifient les notes aiguës vers le port tout en absorbant
les basses fréquences. Les musiciens de la Royal
Navy s'y produisaient chaque dimanche, leurs morceaux couvrant le
bruit des chantiers navals de Dockyard Creek.

En contrebas, un escalier discret mène
à une plate-forme où les chevaliers entreposaient
autrefois leurs canots de plaisance. La rampe en fer forgé,
réalisée par des artisans maltais en 1912, représente
des algues et des coquillages stylisés dont les formes épousent
les mouvements des vagues visibles depuis la terrasse.

Ces jardins, moins fréquentés
que d'autres sites de La Valette, offrent des perspectives uniques
sur les fortifications de la ville basse. L'alignement des
embrasures à canon du bastion Saint-Christophe, parfaitement
visible d'ici, révèle l'ingéniosité
des ingénieurs militaires - chaque ouverture étant
positionnée pour couvrir un angle mort précis dans
la défense du port.



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