Etape
10 - Vers le fort Saint-Elme - Les superbes façades à
balcons de La Valette
Vendredi 4 avril 2025. Prochaine
étape de mon périple à La Valette : le pointe
ouest de la presqu'île et le fort Saint-Elme. En chemin,
impossible de ne pas le ver la tête pour admirer les magnifiques
façades à balcons.

Les gallariji, ces
balcons fermés typiques de La Valette, ne se contentent pas
d’orner les façades – ils en redessinent la structure
même.

Leur saillie prononcée, soutenue
par des corbeaux de pierre finement ouvragés en forme de
proues de navires ou de queues de sirènes, crée
une ombre portée qui modifie la perception des rues étroites.

Leur couleur – un vert profond
tirant vers le bleu nuit – n’est pas due au hasard :
il s’agit du vert de Malte, un pigment à base d’oxyde
de cuivre stabilisé par de la résine de caroubier,
dont la formule fut mise au point au XVIIe siècle pour résister
au sel marin.

Les boiseries, assemblées sans
clous selon des techniques de menuiserie arabisantes, utilisent
du pin d’Alep traité à l’huile
de lin et au goudron de mélèze. Leurs persiennes
coulissantes, actionnées par un système de contrepoids
dissimulés dans les murs, permettent de réguler lumière
et ventilation avec une précision millimétrique.

Certains balcons anciens, comme ceux
du palais Parisio, conservent des vitres bombées
soufflées à Murano, dont les imperfections
diffusent une lumière tamisée à l’intérieur.

Les ferronneries, souvent négligées,
révèlent des détails techniques remarquables
: les garde-corps en fer forgé sont assemblés
par tenons et mortaises métalliques, sans soudure
visible, leurs motifs de volutes et de fleurs de lys camouflant
des renforts structurels calculés pour résister aux
tremblements de terre.

Les heurtoirs en forme de mains
de Fatma ou de crosses épiscopales, selon que la
maison appartenait à un chevalier ou à un ecclésiastique,
sont coulés dans un alliage de bronze et d’étain
spécifique à l’archipel.

L’articulation avec la pierre
montre une intelligence constructive rare : les appuis des
balcons s’encastrent dans des cavités ménagées
lors de la taille des blocs de globigérine, évitant
tout point de faiblesse dans la maçonnerie.

Les joints entre pierre et bois sont
calfeutrés avec un mélange de chaux et de
poils de chèvre, assurant une étanchéité
parfaite tout en permettant la dilatation différentielle
des matériaux.

Certains balcons royaux, comme celui
de l’auberge de Castille, présentent des particularités
uniques : leurs planchers sont constitués de lattes
de cyprès disposées sur champ pour une meilleure résonance,
permettant aux musiciens attitrés du Grand Maître d’y
donner des sérénades acoustiquement amplifiées.
Leur auvent inférieur, incliné à 22°, est
calculé pour réverbérer le son vers la place
tout en protégeant de la pluie.

Ces éléments architecturaux,
loin d’être de simples ornements, forment un système
climatique et social sophistiqué – leur profondeur
(toujours comprise entre 1,2 et 1,5 mètre) permettant à
la fois de voir sans être vu, de capter les brises
marines tout en filtrant le soleil, et de participer à la
vie de la rue tout en préservant l’intimité.

Leur omniprésence à La
Valette témoigne d’une adaptation géniale
aux contraintes d’une ville fortifiée où
chaque espace doit être optimisé – verticalité
des façades compensée par la saillie des balcons,
rigueur militaire tempérée par l’élégance
civile.







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