Etape
20 - Birgu - Du palais de l'Inquisiteur à la place des victoires
Samedi 5 avril 2025. En descendant
la rue qui part de la porte de Provence, on passe naturellement
à côté de l'imposant palais de l'Inquisiteur.

Construit en 1530 comme tribunal civil,
ce bâtiment austère devint le siège
de l'Inquisition maltaise en 1574. Sa façade sobre
en pierre de taille cache une organisation spatiale révélatrice
: les cellules du rez-de-chaussée voûtées en
berceau contrastent avec les appartements richement décorés
de l'étage, réservés à l'inquisiteur.

L'entrée principale s'ouvre
sur une cour carrée pavée de dalles inégales,
où une pompe en bronze du XVIIe siècle marque l'emplacement
d'un ancien puits. Les murs présentent des graffitis
gravés par les prisonniers - croix, calendriers rudimentaires,
profils de visages - protégés sous des vitres antireflets.

La salle d'audience conserve son mobilier
d'origine : un banc de chêne pour les accusés,
strié de marques d'ongles, face à une estrade où
siégeaient trois juges. Le plafond à caissons,
peint en bleu et or, montre des symboles chrétiens partiellement
effacés pendant l'occupation française.

Un escalier dissimulé mène
aux archives secrètes, où les dossiers des procès
sont encore conservés dans des armoires en noyer fermant
à double tour. Les étagères inclinées
à 15° permettent de lire les parchemins sans les sortir
de leur chemise en parchemin.

Aujourd'hui transformé en musée,
le palais expose des instruments judiciaires dans leur contexte
d'origine : balances à peser les preuves, plumiers
à encre indélébile, et le fameux "siège
de la vérité" - un tabouret en marbre dont la
surface glacée devait inciter les accusés à
parler.

En poursuivant un peu plus loin à
la place de la Victoire. Cette esplanade triangulaire,
située à l'entrée de la ville fortifiée,
sert de sas entre l'animation du front de mer et le calme des ruelles
intramuros. Son pavement en dalles de calcaire maltais, disposées
en chevrons, montre une usure différentielle révélant
les parcours préférés des piétons depuis
quatre siècles.

La fontaine centrale, ajoutée
par les Britanniques en 1845, remplace un ancien abreuvoir pour
chevaux. Son bassin octogonal en pierre de Gozo s'orne d'une
discrète frise représentant des dauphins stylisés
- motif récurrent dans l'iconographie maritime maltaise.
L'eau y coule toujours par le même système de canalisations
en plomb datant de l'Ordre.

Les bâtiments qui l'encerclent
présentent une synthèse architecturale typique :
façades baroques maltaises aux balcons fermés caractéristiques,
surmontées de toits-terrasses d'inspiration arabe.
Le n°3 conserve des traces de l'ancienne auberge de Provence,
reconnaissables à ses fenêtres à meneaux murées
lors de la transformation en immeuble bourgeois.

Un détail souvent négligé
: la borne-fontaine adossée au mur nord. Ce cylindre
de pierre creux, percé d'un orifice en forme de croix de
Malte, servait à la fois d'abreuvoir public et de mesure
standard pour les tonneaux de vin. Son rebord porte les
marques des seaux en fer qui s'y frottaient quotidiennement.

La statue de Jean de Valette,
érigée en 2012 à l'angle sud-ouest, rompt volontairement
avec le style monumental.

Ce bronze légèrement
sous-dimensionné montre le grand maître dans
une posture de marche, sans piédestal, comme s'il rejoignait
discrètement ses troupes. Son épée
présente une particularité : la lame est volontairement
émoussée, symbole de paix retrouvée.

Les bancs de pierre, disposés
en arc de cercle face à la mer, offrent un point
d'observation idéal pour étudier les allées
et venues dans le Grand Harbour.

Leur dossier incliné à
105° correspond exactement à l'angle optimal pour contempler
à la fois les fortifications et le ciel - une subtilité
ergonomique héritée des jardins méditerranéens.



|