Etape
7 - Co-cathédrale de Saint-Jean - Les chapelles des langues
et l'oratoire du Caravage
Vendredi 4 avril 2025. L'emblème
des rois de France, la fleur de lys, apparaît nettement
sur les murs de la chapelle de la langue de France. La
chapelle abrite quatre mausolées.

Le plus insolite est un gisant
en marbre blanc représentant un homme allongé, la
têt appuyée sur un bras, tenant un manuscrit déroulé
dans la main droite. Il s'agit du mausolée de Louis-Charles
d'Orléans, comte de Beaujolais, frère du roi Louis-Philippe.

Emprisonné au fort Saint-Jean,
à Marseille, pendant la Révolution, il y contracta
la tuberculose. A sa libération, il fut conduit à
Malte où il mourut le 29 mai 1809. Les autres mausolées
sont ceux du grand maître Emmanuel de Rohan-Polduc, du grand
maître Adrien de Wignacourt et de son oncle Joachim.

La chapelle de la langue de la Provence
renferme les mausolées des grands maîtres Antoine
de Paule (1623-1636) à droite et de Jean-Paul de Lacaris
Castellar (1636-1657) à gauche. Ce dernier était
si autoritaire et si austère qu'aujourd'hui enconre on dit
à Malte faire une "tête de Lascaris" pour
désigner la migne renfognée de quelqu'un.

La chapelle de la langue anglo-bavaroise
fut créée en 1794 pour accueillir à Malte la
noblesse germanique de Bavière. Cette chapelle est une extension
de la chapelle de Provence. Lors de son passage sur l'île
en 1798, Napoléon emporta quelques souvenirs de Malte et
de la chapelle, mais les reliquaires sont toujours là.

A droite du choeur, la chapelle
du Saint-Sacrement est réservée au culte.
On se croirait dans une chapelle grecques orthodoxe. La luxueuse
grille en argent ressemble vraiment à une iconoclaste.

On y expose la précieuse icône
habillée de Notre-Dame-de-Carafa. Celle-ci a la particularité
d'être composée d'une image de jeune femme
peinte au XVIIe siècle, plaque à l'arrière
de l'ovale du visage d'une madone en argent. Elle remplace
l'icône byzantine originale, Notre-Dame-de-Philermos, longtemps
vénérée par les chevaliers et aujourd'hui conservée
au musée des Beaux-Arts de Cetinje au Montenegro.

La chapelle de la langue d'Auvergne
abrite la plus vieille pierr tombale de la co-cathédrale,
datant de 1608. Encadrée par deux belles colonnes torsadées,
la chapelle abrite un retable du martyre de saint Sébastien.

La chapelle de la langue d'Aragon
abrite quelques monuments funéraires édifiants, ceux
des grands maîtres tel Redin (1657-1660), Rafaël Cottoner
(1660-1663), Nicolas Cottoner (1663-1680), et Ramon Perellos (1697-1620).

Le buste en bronze de Nicolas Cottoner
repose sur un autel de marbre soutenu par deux statues d'esclaves
(un Turc et un Africain), allégories de l'Asie et de l'Afrique,
qui ploient misérablement sous la lourdeur de leur fardeau.

Le même Cottoner, tout sauf modeste,
fit sculpté ses initiales "NC" sur les
murs de la grande chaire en bois. Evidemment, avec un nom pareil,
le symbole de la famille est un plant de coton. Le retable
de saint George victorieux du dragon est la première oeuvre
de Mattia Preti.

La chapelle de la langue de
Castille, Léon et Portugal abrite le monument funéraire
du grand maître Manoel de Vilhena (1722-1736), en bronze et
marbre vert, de style roccoco, sans doute le plus tarabiscoté
de tous les mausolées.

A gauche, celui du grand maître
Pinto (1741-1773) semble bien plus classique. Cela n'empêcha
pas ledit Pinto, de son vivant, de s'autoproclamer "prince
de Malte". Il fut aussi le premier à se faire représenter
orné d'une couronne fermée.

Après les chapelles, on rejoint
naturellement l'oratoire de la co-cathédrale.
Celui-ci a été ajouté à la cathédrale
entre 1602 et 1605., par le grand maître Wignacourt pour permettre
aux aspirants de prendre le temps de la réflexion le temps
de leur dernière nuit de laïc avant de prononcer leurs
voeux, le lendemain...

Il a été transformé
plus tard par Preti en 1680 dans un style vénitien. Dans
le passage qui y mène, ne manquez pas le gigantesque crucifix
dû à Polydore de Caravage (à ne pas
confondre avec Michelangelo). Comme dans la co-cathédrale,
les sols sont en marbre polychrome et les plafonds richement ornementés.

Mais le regard est immédiatement
happé, au-dessus de l'autel, par le fameux tableau du Caravage,
son oeuvre la plus monumentale, magnifiquement éclairée
et richement encadrée d'or. Il réalisa cette
Décollation de saint Jean-Baptiste (décapitation)
lors d'un séjour de quinze mois à Malte en 1607-1608
et l'aurait offerte en remerciement de son entrée dans l'ordre
de Saint-Jean de Jérusalem le 14 juillet 1608.

La scène est d'une très
forte intensité dramatique. Pour tous ceux qui ont raté
cet épisode biblique, rappelons que saint Jean-Baptiste
reprocha au roi Hérodote son mariage - interdit par la loi
juive - avec sa belle-soeur Herodiade. Pour avoir exprimé
son opinion, Jean-Baptiste fut jeté en prison.

Et Herodiade se vengea par l'intermédiaire
de sa fille, Salomé, qui, après avoir dansé
avec le roi subjugué, exigea qu'on lui apporte en retour
la tête du saint. Ce qu'Hrode, à contre coeur,
ordonna.

Ce tableau est saisissant, notamment
par la force de la lumière qui s'en dégage.
La violence du blanc des vêtements de la jeune servante ne
fait que davantage ressortir celle du crime.

L'arc lumineux blanc-gris-brun des
trois personnages met en valeur la couleur jaune cireux du cadavre
du supplicié. La seule touche de rouge est celle de la tunique
du saint. Ici, ni ange ni intervention divine : signe peut-être
d'une forme de pessimisme concernant l'humanité ? La
technique du clair-obscur, initiée par le Caravage, atteint
dans cette toile sa plus haute expression.

Cette victime innocente sacrifiée
à la luxure d'un roi amoureux de la fille de sa femme, n'était
que l'annonce de celui qui allait être livré à
la croix, sacrifié à la folie des hommes. Telle
était la leçon que contemplaient les jeunes novices
avant de s'engager définitivement dans l'Ordre.

Dans une pièce voisine entièrement
consacrée au Caravage, il ne faudra pas manquer non
plus d'admirer le Saint Jérôme écrivant.
Le front ridé, le torse nu d'une blancheur cadavérique,
les jambes couvertes par un drap rouge, seule véritable touche
de couleur du tableau, un homme à la barbe grisonnante est
plongé dans une méditation nocturne. A l'arrière
de l'ascète, un chapeau de cardinal accroché au mur
symbolise la vanité de son existence passée.



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