Etape
8 - La Valette - Les cours et la salle d'armes du palais des grands
maîtres
Vendredi 4 avril 2025. Dans la
foulée de la co-cathédrale Saint-Jean, il faut aller
visiter l'incontournable palais des Grands Maîtres
de l'Ordre de Malte. Ce palais fut édifié
sous le règne du grand maître Jean de la Cassière
(1572-1581) et sous la direction de Girolamo Cassar, ingénieur
de l'Ordre, avant d'être agrandi sous les grands maîtres
Perellos (1697-1720) et Pinto (1741-1773). Il a toujours été
le siège du gouvernement.

Largement transformé durant
la période anglaise (1800-1839), il fut occupé par
le gouverneur. Reconstruit après les destructions
de la guerre, il abrite depuis l'indépendance de l'île,
les bureaux du président de la République.

Dues à cette fonction, certaines
salles peuvent être fermées lors d'occasions particulières.
Enfin une campagne de rénovation a redonné du lustre
au palais tout en réorganisant le parcours de la visite.

Deux cours intérieures méritent
l'attention. La première, dite cour du prince Alfred,
à laquelle on accède par Républic Street, est
veillée par l'horloge des Maures (1745) à quatre cadrans
: les heures, les phases lunaires, les mois et les jours.

Sur le toit, les personnages qui sonnent
les heures représentent des esclaves turcs, travaillant
pendant le repos des chevaliers de l'Ordre...

Su la gauche, quelques marches descendent
vers la cour de Neptune, la plus grande des deux. Elle
doit son nom au bronze de Neptune, attribué à Jean
de Bologne (1529-1608), le sculpteur des Médicis.

A l'arrière, sous les arcades,
une fontaine servait d'abreuvoir aux écuries. Les
armoiries du grand maître Perellos sont soutenues par Neptune
et la Renommée.

Trois salles en enfilade évoquent
en dates et en personnages clés, l'histoire du palais,
étroitement liée à celle de l'Ordre de Malte,
depuis son installation sur l'île. Ne pas manquer
la salle d'imprimerie où est expliqué comment l'Ordre
frappait sa propre monnaie.

Mais le véritable clou de cette
première partie de la visite est la vaste (très vaste
!) salle des armures.

L'ancienne salle d'armes des chevaliers,
aménagée dans l'aile nord du palais vers 1574, s'étend
sous des voûtes en berceau légèrement surbaissées
dont les nervures de pierre dessinent un réseau de losanges
irréguliers.

La disposition des pièces suit
un ordre à la fois chronologique et hiérarchique -
les armures des grands maîtres occupant le centre tandis que
celles des langues rayonnent vers les murs selon leur ancienneté
dans l'Ordre.

Les armures complètes, principalement
des productions milanaises et augsbourgeoises du XVIe siècle,
présentent des particularités techniques adaptées
au climat méditerranéen : des aérations
discrètes sous les cubitières, des rivets en laiton
résistant à l'air marin, et des cuissards légèrement
raccourcis pour la mobilité sur les galères.

Celle de Jean de Valette, placée
en position dominante, montre des traces de restauration effectuées
en 1605 avec un acier de remplacement dont la teneur en
carbone diffère sensiblement de l'original.

Les vitrines latérales exposent
des armes orientales capturées lors du Grand Siège,
dont un cimeterre ottoman au fourreau incrusté de
nacre dont la lame porte une inscription coranique partiellement
effacée par des coups de lime.

Les analyses métallographiques
ont révélé qu'il s'agissait d'une lame
damasquinée pliée plus de 300 fois, probablement fabriquée
à Damas vers 1540.

La collection de hallebardes,
alignées selon un ordre de taille décroissant,
comprend plusieurs pièces uniques comme une pertuisane combinant
une lame de hache et un crochet d'abordage, conçue spécifiquement
pour les combats navals.

Leurs hampes en frêne, bien que
restaurées, conservent des encoches d'usage témoignant
de leur emploi effectif.

Un espace dédié aux armes
à feu précoces montre des arquebuses à
mèche dont les canons, forgés à partir de fer
maltais, présentent un renforcement spiralé
caractéristique des ateliers locaux.

Leur bois de noyer est creusé
de compartiments secrets pouvant contenir poudre ou documents -
un exemplaire porte encore dans sa cachette un fragment de parchemin
avec des instructions cryptées.

La salle conserve son système
d'origine de ventilation naturelle par des conduits traversant les
mets de trois mètres d'épaisseur, maintenant
une hygrométrie constante de 45% idéale pour la conservation
des métaux.

Les supports modernes, conçus
en 2018, utilisent des alliages magnétiques spéciaux
permettant de maintenir les pièces sans contact direct avec
leur socle.

Parmi les pièces les plus singulières
figure une cotte de mailles en anneaux de diamètre
décroissant, pesant 18 kg mais couvrant seulement le torse
et les épaules - compromis typiquement méditerranéen
entre protection et mobilité. Son examen aux rayons X a révélé
des marques de fabrique génoises sous les mailles du col.

La disposition des lieux, inchangée
depuis 1798, permet de lire dans l'espace même l'organisation
martiale de l'Ordre : chaque langue disposait de son propre
secteur pour l'entretien des armes, matérialisé aujourd'hui
par les écussons en marbre coloré incrustés
dans le sol.

Les traces de pas visibles sur ces
dalles indiquent les chemins empruntés par les servants
d'armes entre les différents postes de travail.







|