Etape
14 - La Valette - La traversée de la ville pour retourner
à Sliema
Vendredi 4 avril 2025. Il est grand
temps pour moi de manger un bout. J'ai une faim de loup et je n'ai
plus qu'une envie : aller me reposer dans mon appartement de Sliema.
Il est temps de prendre le chemin du retour qui va me permettre
d'admirer la merveilleuse architecture urbaine de Malte.

La topographie accidentée de
La Valette a engendré un réseau de circulations
verticales où chaque escalier constitue une solution singulière
aux dénivelés soudains.

Les volées de marches, taillées
dans le calcaire globigérin, présentent des
contre-pentes imperceptibles destinées à évacuer
les eaux de pluie sans érosion excessive.

Leurs nez arrondis, polis par des siècles
de frottements, épousent la courbure naturelle du
pas humain avec une ergonomie intuitive.

Les ruelles en escalier comme la célèbre
Old Mint Street révèlent une géométrie
calculée : leur largeur exacte de 2,4 mètres correspond
à l'envergure des brancards utilisés pour transporter
les blessés pendant le Grand Siège.

Les murs latéraux, légèrement
inclinés vers l'intérieur selon une technique
héritée de l'architecture arabe, créent une
illusion de profondeur tout en renforçant la stabilité
des constructions adjacentes.

Les escaliers monumentaux, comme ceux
menant à la Upper Barrakka, intègrent des
paliers intermédiaires dont les dalles de pierre sont striées
de rainures diagonales - système anti-dérapant
conçu pour les chaussures à semelles de cuir des chevaliers.

Leurs rampes en fer forgé, coulées
à partir de canons ottomans capturés, alternent
motifs de vagues et de chaînes brisées, symbolisant
la maîtrise chrétienne de la Méditerranée.

Certains passages secrets, comme l'escalier
en colimaçon du palais Parisio, utilisent des marches en
forme de trapèze dont la largeur diminue progressivement
vers le centre, permettant une montée aisée tout en
économisant l'espace. Leurs contremarches creuses
abritaient autrefois des lampes à huile dont la fumée
était évacuée par des conduits invisibles dans
l'épaisseur des murs.

Les rues en pente comme Strait
Street épousent des courbes subtiles qui masquent leur déclivité
réelle. Leur pavement en petits blocs rectangulaires,
disposés en chevrons, ralentissait naturellement la descente
des charrettes tout en canalisant les ruissellements vers les gargouilles
cachées sous les trottoirs.

Les encorbellements des bâtiments,
calculés au pouce près, créent un effet de
voûte continue qui protège les piétons du soleil
estival.

L'alternance entre escaliers droits
et volées courbes répond à une logique défensive
méticuleuse : chaque tournant stratégique
était flanqué de meurtrières déguisées
en niches votives.

Les angles morts, soigneusement positionnés,
permettaient des embuscades contre d'éventuels envahisseurs
tout en maintenant des lignes de fuite pour les résidents.

Cette trame urbaine, où la verticalité
contrainte se résout en inventions spatiales ingénieuses,
forme un labyrinthe à la fois fonctionnel et symbolique
- chaque marche gravie rappelant que la cité fut
bâtie par des soldats-moines pour qui l'ascension spirituelle
et topographique ne faisaient qu'un.

Les matériaux mêmes de
ces escaliers, souvent réemployés de constructions
plus anciennes, portent les stigmates de leur histoire :
impacts de boulets sur les contremarches, graffiti de marins dans
les recoins, usures différentielles révélant
les parcours quotidiens des habitants depuis quatre siècles.







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