Etape
9 - Palais des grands maîtres - Les appartements et salles
d'apparat
Vendredi 4 avril 2025. Pour accéder
aux différentes salles, on suit de superbes couloirs
aux sols de marbre marqueté et aux voûtes et aux arches
peintes en trompe l'oeil.

Certains sont richement décorés
d'armures et de peintures représentant les grands maîtres
de l'Ordre, dont Hompesch et Pinto.


Au bout de cette longue enfilade de
couloirs qui me font penser à ceux du Vatican, on accède,
sur la gauche, à l'extraordinaire salle du Grand
Conseil.

La salle du Grand Conseil,
longue de 32 mètres et éclairée par quinze
fenêtres à meneaux, conserve intact l’apparat
des délibérations de l’Ordre.

Son plafond à caissons, doré
à la feuille sur fond d’outremer, repose sur une corniche
sculptée de grotesques inspirés des loges du Vatican
– mais où les figures mythologiques côtoient
des motifs navals : tritons armés d’arquebuses, sirènes
portant l’étendard de Malte.

Les murs, tendus de velours cramoisi
originaire de Lucques, sont piqués de clous dorés
disposés en motifs géométriques maçonniques,
espacés précisément de 18 cm.

Le trône du Grand Maître,
surélevé de trois marches en marbre de Carrare veiné
de gris, est flanqué de deux globes terrestres datant
de 1587 – l’un céleste avec les constellations
tracées selon les observations de Copernic, l’autre
terrestre où Malte apparaît disproportionnée,
centrée sur une Méditerranée élargie.

Leur support en ébène
incrusté d’ivoire figure les colonnes d’Hercule
entrelacées de chaînes – allusion transparente
à la puissance maritime de l’Ordre.

Sous les fenêtres, des bancs
en noyer ciré destinés aux chevaliers des huit langues
portent encore les entailles laissées par leurs épées
lors des séances houleuses. Leurs dossiers, inclinés
à 12° pour le confort des hommes en armure, sont ornés
de plaques de cuivre gravées aux armes des grands prieurs
– certaines martelées sous la Révolution française.

Aux murs, les fresques historiques
évoquent en douze panneaux peints par Matteo Perez
d'Aleccio les épisodes du grand siège de Malte de
1565.

On peut y lire aussi les vertus des
chevaliers : patience, persévérance, réputation,
foi, prudence, charité, espoir, noblesse.

Le salon des Ambassadeurs,
accessible par une porte dissimulée dans la boiserie, contraste
par son intimité calculée.

Son plafond en trompe-l’œil,
peint par Nicolau Nasoni en 1724, donne l’illusion
d’une loggia ouverte sur un ciel parcouru de nuages où
flottent des angelots portant des messages chiffrés –
probable allusion aux communications diplomatiques secrètes.

Les murs, revêtus de soie de
Damas à motifs de grenades – symbole de fertilité
politique –, absorbent les sons créant une
acoustique sourde propice aux conciliabules.

La table centrale, en marbre noir de
Belgique veiné de blanc, est ceinte de douze chaises inégales
: leurs hauteurs varient selon le rang des visiteurs, la
plus basse (1,10 m) étant réservée aux émissaires
de la Sublime Porte.

Un mécanisme ingénieux
permettait de rabaisser discrètement le siège
durant les audiences pour imposer une position désavantageuse.

La cheminée monumentale,
en pierre de France sculptée d’atlantes, sert
de cadre à un portrait de Philippe II d’Espagne dont
le cadre en ébène contient un compartiment secret
jadis utilisé pour présenter des documents sans les
remettre.

Son manteau abrite une horloge
astronomique fabriquée à Augsbourg en 1590,
dont le cadran lunaire permettait de calculer les dates des attaques
navales en fonction des marées.

Les fresques des écoinçons
représentent des épisodes clés de la
diplomatie de l’Ordre : la réception de l’ambassadeur
perse en 1609, avec ses robes de soie safran reconstituées
à partir de fragments trouvés dans les archives ;
la signature du traité avec Catherine de Médicis,
où le parchemin visible est une copie conforme à l’original
conservé à la Bibliothèque nationale de France.

Ces salles jumelles, bien que communicantes,
forment un contraste étudié entre l’ostentation
du pouvoir collectif et les subtilités de l’exercice
solitaire de l’autorité – leurs décors
soigneusement hiérarchisés reflétant la dualité
d’un Ordre à la fois monarchique et conventuel.

Les détails techniques –
des serrures à combinaison des armoires à documents
aux conduits acoustiques permettant d’écouter aux portes
– révèlent une sophistication politique
rare pour l’époque.








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