Etape
21 - Pula - Sous les arcades ensoleillées de l'amphithéâtre
Lundi 7 février 2022. Comme
il fait un temps merveilleux aujourd'hui (le beau temps ne me quittera
plus de tout le voyage !), je décide de retourner
sur mes pas et refaire le tour de l'amphithéâtre romain
de Pula.

Cela tombe bien. A cette heure-ci,
il n'y a pas une âme qui vive. Il y a de quoi faire de
belles photos, dignes du National Geographic ! Avec le Covid, le
tourisme de masse a déserté le monde...

Du coup, j'en profite. Et même
si je ne revisite pas l'amphithéâtre que j'ai arpenté
hier, je vais en faire le tour, grâce au superbe chemin de
promenade circulaire qui permet de marcher à l'ombre des
arcades du cique.

C'est d'ailleurs en faisant le tour
de l'amphithéâtre que l'on se rend compte à
quel point il est magnifiquement conservé, épargné
par les destructions, et sans doute mieux conservé que le
Colisée avec ses ttours et ses tribunes encore intactes.

Un petit mot sur les amphithéâtres
romains. Un amphithéâtre romain est un vaste
édifice public de forme elliptique, à gradins étagés,
organisé autour d'une arène où étaient
donnés des spectacles de gladiateurs (munus gladiatorium),
de chasses aux fauves (venationes), ou très exceptionnellement
de batailles navales (naumachies).

À la différence des cirques
et des théâtres, extrapolés des édifices
homologues de la Grèce antique, les amphithéâtres
sont des monuments nés dans le monde romain pour y accueillir
des spectacles inventés par les Romains et pris en charge
par l'évergétisme officiel.

Ces spectacles sont d'abord
des combats rituels en lien avec des cérémonies funéraires
au IVe siècle av. J.-C.

Peu à peu, les spectacles s'affranchissent
de ces rites, se complexifient et se codifient en même
temps que le lieu où ils se déroulent s'organise en
une aire d'affrontement entourée par un espace où
les spectateurs peuvent jouir du spectacle dans d'excellentes conditions.

Les premiers amphithéâtres
ainsi constitués d'une arène entourée
d'une cavea datent de l'époque républicaine et les
constructions sont devenues monumentales pendant la période
impériale.

Environ 230 amphithéâtres
romains ont été découverts dans le territoire
de l'Empire romain.

Les premiers d'entre eux sont
construits en Italie, mais ils essaiment dans l'ensemble du monde
romain, avec des différences de rapidité et d'intensité
liées aux cultures locales, au cours des deux premiers siècles
de notre ère.

S'ils ne survivent pas comme
monuments de spectacle à la chute de l'Empire romain, certains
d'entre eux sont réutilisés comme forteresses au Moyen
Âge.

D'autres sont abandonnés
et servent de carrière de pierre. Au XXIe siècle,
il en reste de très nombreux vestiges.

Les amphithéâtres sont
à distinguer des cirques et des hippodromes qui sont généralement
de forme sub-rectangulaire et sont conçus principalement
pour accueillir des courses, et des stades édifiés
pour l'athlétisme.

Toutefois, plusieurs de ces termes
ont de temps en temps été utilisés pour désigner
un même lieu. Le mot vient du latin amphitheatrum,
qui signifie « théâtre des deux côtés
», comme si on avait accolé deux théâtres
: un amphithéâtre se distingue d'ailleurs des théâtres
romains semi-circulaires traditionnels par sa forme circulaire ou
ovale.

Cette architecture spécifique
est une invention romaine qui ne s'inspire pas, comme les
théâtres ou les cirques, des créations de la
Grèce antique.

Dès le IVe siècle av.
J.-C., des cérémonies funéraires s'accompagnent
de combats d'hommes destinés à honorer les mânes
du mort.

De tels combattants, représentés
sur des tombes à Paestum, en Lucanie, sont semblables à
des militaires équipés de manière identique,
dans une sorte de démonstration sanglante de leur art.

Rien, par contre, ne laisse
entrevoir si le terrain où se déroule ces combats
est aménagé spécifiquement ; c'est peu probable.

Des preuves d'engagements semblables
se retrouvent en Étrurie mais témoignent d'une
évolution du genre : les combattants représentés
sur des urnes funéraires sont équipés de panoplies
différentes, indiquant, par une amorce de code vestimentaire,
une mise en scène des combats.

Si les preuves manquent, il faut considérer
que l'aire sur laquelle se déroule ces spectacles doit bénéficier
d'un minimum d'aménagement (terrain vaste, plat et non glissant),
permettant aux combattants d'évoluer librement et au public
de bénéficier d'une bonne vue.

C'est à Rome, sur le
Forum Boarium, que se déroule en 264 av. J.-C. le premier
combat attesté de gladiateurs.

À partir du IIIe siècle
av. J.-C., la gladiature se professionnalise. Les combats
ne sont plus des rites funéraires.

Les cérémonies funèbres
ne sont plus que le prétexte au déroulement
de spectacles qui vont bientôt s'en affranchir totalement.

Les différents stéréotypes
de combattants se mettent en place et les spectacles se codifient,
l'encadrement évolue avec l'apparition des lanistes,
organisateurs de combats et managers des gladiateurs, la création
des écoles de combat — les ludi —, comme celle
dans laquelle Spartacus s'entraîne à Capoue avant de
se révolter en 73 av. J.-C.

Le lieu où se déroule
ces spectacles évolue graduellement, tout en conservant
un principe de base immuable : les combattants évoluent sur
une aire centrale entourée par les spectateurs.

L'aire centrale doit être
suffisamment vaste et sans obstacle pour que les gladiateurs y évoluent
à l'aise mais de dimensions raisonnables pour que les spectateurs
suivent sans effort les évolutions des combattants ;
le respect d'une bonne acoustique, indispensable dans les théâtres,
n'est ici pas essentielle.

Il est difficile de dater précisément
la construction des premiers amphithéâtres, à
l'époque républicaine. Du fait de la réticence
de l'aristocratie vis-à-vis des spectacles de combats d'origine
étrusque, les premiers amphithéâtres à
Rome ne sont que provisoires.

Le forum romain accueille semble-t-il
des constructions temporaires en bois (spectacula) où
se déroulent les spectacles dès le milieu du IIIe
siècle av. J.-C.

Les gladiateurs évoluent
sur un espace central recouvert de sable — en latin arena
— pour éviter qu'ils ne glissent sur les dalles du
forum.

Les spectateurs prennent place
sur des gradins en bois et des balcons appuyés sur les bâtiments
formant les grands côtés du forum.

Si ces gradins peuvent être
rectilignes au droit des bâtiments, ils sont semi-circulaires
au deux extrémités.

Les nécessaires montages
et démontages successifs participent certainement, peu à
peu, au perfectionnement de l'édifice, définissant
les dimensions et la forme de l'aire de combat compte tenu des limites
topographiques, optimisant la disposition des gradins et des tribunes.

Dans son Historia naturalis, Pline
l'Ancien prétend que l'amphithéâtre a été
inventé durant les spectacles de Gaius Scribonius Curio en
52 av. J.-C. Si le terme « amphithéâtre »
est une allusion à la forme générale de l'édifice,
Curion applique cette définition à la lettre. Il fait
construire deux théâtres en bois qui, en pivotant autour
d'un axe, se referment pour ne former qu'un seul monument circulaire,
au gré des spectacles qu'on y propose. Trop sophistiqué
et fragile, ce système n'a pas de suite.

Apparu tardivement, l'amphithéâtre
ne s'impose pas comme le seul cadre des chasses et des combats de
gladiateurs. Le premier amphithéâtre à Rome,
construit en 29 av. J.-C., est longtemps concurrencé par
le forum romain puis par le Champ de Mars.


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