Etape
9 - Musée de Lille - Chefs-d'oeuvres oubliés de la
Renaissance
Mercredi 11 décembre 2019.
Nous poursuivons notre visite du musée lillois
par la fabuleuse collection de chefs-d'oeuvres oubliés
de la Renaissance comme cet incroyable Adoration
des Bergers, par le maître de l'Adoration de Lille (autour
de 1510-1530). Les quatre Évangiles forment un corpus
de textes relatant la vie de Jésus-Christ. Ils ont été
écrits par quatre personnages différents : Matthieu,
Marc, Luc et Jean. Si parfois ils décrivent la même
scène, leur version peut différer. C’est le
cas pour les récits de la naissance de Jésus. Si chez
Matthieu des mages viennent lui rendre hommage, chez Luc ce sont
des bergers !
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L’Évangile
de Luc rapporte qu’alors qu’ils gardaient leurs
troupeaux, la nuit, des bergers rencontrèrent des anges.
Ceux-ci leur dirent qu’un être exceptionnel venait
de naître tout près de là, à Bethléem.
Ils se rendirent devant l’enfant et se prosternèrent
devant lui. |
L’artiste représente le nourrisson,
minuscule, sur une pierre posée au sol. Mais il construit
son tableau d’une telle manière que tout amène
le regard dans sa direction, comme par exemple le bâton du
berger agenouillé au sol, tourné dans la direction
de Jésus. Le spectateur est aussi conduit à
regarder vers le fond du tableau, grâce à un effet
de perspective et de profondeur parfaitement maîtrisé.
Plus on va vers le fond du tableau, plus l’espace est resserré,
jusqu’à une toute petite arcade laissant apparaître
un bout de paysage.

Cette science de la perspective, l’artiste
l’a sans doute apprise au contact d’influences italiennes.
En effet, au début du XVIe siècle, la Flandre
entretient de bonnes relations avec l’Italie, au point même
que des artistes partent y étudier l’art antique et
en rapportent des dessins. Et si on observe le pied du
pilastre à droite, on peut apercevoir la signature
du grand artiste allemand Albrecht Dürer, qui a plusieurs fois
voyagé en Italie. Mais il ne faut pas se réjouir trop
vite, car cette signature est un faux, ajouté pour donner
plus de valeur à l’œuvre…

Encore un autre petit bijou du musée des
Beaux-Arts de Lille : les Belles du Nord, quatre statues
datées des XVIe et XVIIe siècles. Nous sommes
en mars 2013, à Orchies, à 30 km de Lille. Les archéologues
de l’Inrap y réalisent un diagnostic archéologique,
c’est-à-dire des sondages pour savoir si le terrain
exploré, situé en centre-ville, recèle d’intéressants
vestiges du Moyen Âge. Ils vont en fait découvrir
un véritable trésor… Les archéologues,
qui s’attendaient à trouver des traces d’occupation
humaines ont mis à jour quatre statues, soigneusement enterrées
dans une fosse! Des indices laissent penser qu’elles ont été
enfouies pendant la Révolution française, probablement
pour les protéger du vandalisme qui sévissait dans
la région. Nous ignorons d’où viennent
ces œuvres ; il est probable qu’elles ornaient un établissement
religieux d’Orchies.
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Les
deux premières statues retrouvées sont des figures
de moine ; les parties manquantes n’ont pas été
retrouvées par les archéologues : ce qui veut
dire qu’elles étaient déjà endommagées
avant d’être cachées. Les deux
sculptures féminines se distinguent par leurs dimensions
(123 et 145 cm), et leur très grande qualité.
Elles représentent deux saintes populaires
au Moyen Âge, sainte Agnès et Marie-Madeleine,
parées de leurs plus beaux atours, suivant la mode
du début du XVIe siècle. Ce sont elles qui ont
été surnommées les « Belles du
Nord »! |
L’État,
propriétaire des statues, a déposé l’ensemble
au Palais des Beaux-Arts, où elles ont fait l’objet
d’une spectaculaire restauration. Les œuvres,
nettoyées de la terre qui les recouvraient, sont aujourd’hui
présentées aux côtés des tableaux
et sculptures de la fin du Moyen Âge du musée. |
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A ne pas manquer non plus, le Bourreau du
Portement de Croix de Heinsberg, par le Maître d'Elsloo (vers
1520). La sculpture frappe d’abord par l’impression
de mouvement qui s’en dégage. Le sculpteur
est parvenu à créer un effet de torsion du corps,
accentué par le traitement très expressif du personnage.
Les traits du visage, volontairement exagérés, mais
aussi la forme du chapeau et la barbe bifide (fendue en deux) rapprochent
cette œuvre des réalisations du Maître d’Elsloo.
Cet artiste anonyme a sans doute été à la tête
d’un atelier important. Il aurait été actif
dans le Limbourg, à l’est de la Belgique actuelle.
L’activité de l’atelier fut considérable,
puisqu’on recense plus de deux cent œuvres qui lui sont
attribuées !
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L’une
des œuvres majeure du Maître d’Elsloo est
un groupe monumental dans l’église Saint-Gandulphe
d’Heinsberg. Il représente le
Portement de Croix, c’est-à-dire le moment où
Jésus, après avoir été condamné
à mort, doit porter la croix sur laquelle il sera supplicié.
Notre personnage fait très certainement partie
de cet ensemble : mais quel est son rôle ? Son visage
sévère n’en fait pas un personnage sympathique.
Regardez aussi son attitude, il est en train de tirer
sur une corde. Il s’agit en fait d’un des bourreaux
du Christ. Il est en train de l’entraîner
vers le lieu de la Crucifixion… |
La torsion donnée au personnage lui
confère un aspect vivant. Les accessoires du bourreau (les
clous dans sa main gauche et le marteau accroché à
sa taille) évoquent le rôle qu’il doit jouer
dans le récit : c’est lui qui est chargé de
clouer le Christ sur la croix.

On peut également
admirer d'incroyables statues en bois qui ornaient
la plupart des édifices religieux avant la Révolution
Française. |
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L'Adoration
des Mages. Ce panneau est le pendant d'un autre tableau L'Adoration
des Bergers. Tous deux proviennent des Anciens Pays-Bas (autour
de 1520-1530). |
Les deux panneaux appartenaient au même
polyptyqueque L'Annonciation présentée en vis-à-vis.

Et enfin, voici L'Annonciation
dont je viens de parler. Ces deux panneaux correspondent aux
volets extéreurs du plyptique monumental auxquels appartenaient
les deux versions de L'Adoration des Mages et des Bergers.
Il proviendrait soit d'Allemagne, soit des anciens Pays-Bas,
autour de 1520-1530.



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