Etape
3 - Lille - Au musée des Beaux-Arts
Mercredi 11 décembre 2019.
Je continue mon exploration des collections du musée
des Beaux-Arts de Lille***. Comme à chaque fois,
je ne choisis de représenter ici que les oeuvres qui m'ont
transporté. Le coeur, toujours le meillur choix. Et je commence
par un des chefs-d'oeuvres de la collection : Le Christ
en Croix, d'Anton Van Dick (1630). Le tableau a très
probablement été peint vers 1630, après
le retour d’Italie de l’artiste. De cette période
datent ses plus beaux tableaux d’autel. Une influence
vénitienne est indéniable : observez la lumière
vibrante et dorée sur le brocart et la chevelure de Marie-Madeleine
! La composition est dynamique et originale : les
lignes obliques créent un mouvement qui procure à
la scène une tension dramatique renforcée par la croix
décentrée. Dans le ciel, un crépuscule
inquiétant s’invite et participe pleinement au drame
! En associant ainsi la nature à l’événement,
Van Dyck adopte une démarche qui s’apparente
à l’esprit romantique et offre une œuvre poignante.
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Ce calvaire
a été peint pour le maître-autel
de la chapelle du couvent des Récollets de Lille, qui
a été détruit vers 1850. Il
a probablement été offert à l’ordre
des Récollets par André de Fourmestraux des
Wazières, notable issu d’une importante famille
de marchands lillois. Le généreux donateur
aurait été inhumé avec son épouse
au pied de l’autel ! |
Portrait
d'un sénateur vénitien, du Tintoret
(vers 1570_1580). Comme quasiment tous les portraits réalisés
par le Tintoret, cette œuvre présente
un personnage de trois-quarts, montré à mi-corps.
Cependant, elle propose l’originalité
d’adopter une vue en contre-plongée, ce qui implique
que le sujet du tableau soit placé en hauteur par rapport
au spectateur, qu’il le domine. Le but est de
renforcer l’aspect majestueux et digne du personnage,
qui apparaît comme un homme de pouvoir. Le peintre ne
cache rien de l’âge du modèle.
Au contraire, la lumière accentue ses rides et permet
un rendu très précis de son visage. À
l’inverse, les mains et le vêtement sont traités
sommairement, avec des coups de pinceaux rapides et quelques
accents plus clairs pour suggérer les formes et les
volumes. |
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Paysage
Le Cannet, de Pierre Bonnard (1924).
Après de nombreux séjours au Cannet près
de Cannes, Bonnard s’y établit définitivement
en 1926 où il s’adonne aux scènes de jardin,
de déjeuners et aux marines. Ces sujets lui
permettent de simplifier sa ligne et d’exalter
la lumière méditerranéenne au moyen d’une
palette riche et joyeuse. |
Le Parlement de Londres, de
Claude Monnet (1904). Contrairement à ce qu’indique
le titre de l’œuvre, le véritable sujet
de ce tableau n’est pas le Parlement de Londres. Pourtant,
Monet s’est attaché à peindre onze fois cet
édifice au retour de son second séjour à Londres,
en 1887. Ce qui intéresse l’artiste, c’est
la lumière et le jeu de ses variations. C’est
grâce à une technique personnelle de fragmentation
et de juxtaposition des touches de couleurs que le peintre exprime
toutes les variations des jeux de lumière. La toile
vibre comme la surface de l’eau. La palette est relativement
sobre, composée de bleu, de jaune et de nuances de rose violacé.
Cette toile fait écho à une autre qui a fait date
dans l’histoire de l’art puisqu’elle a
donné son nom au mouvement impressionniste : Impression,
soleil levant, peinte par Monet, en 1873.

Route de Versailles à
Louveciennes, d'Auguste Renoir (1895). Renoir reprend ici
un thème cher à ses amis Monet et Pissarro.
Ces derniers ont représenté ce site à plusieurs
repris 25 ans plus tôt. L'oeuvre exposée se
révèle typique de la manière de Renoir où
la touche hachurée et colorée transcrit avec minutie
les variations formelles et lumineuses.

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Jeune
femme à la chandelle, anonyme - Hollande (XVIIe siècle).
Le modèle semble participer à un divertissement
nocturne. Son expression, le luth et le livret de
chant peuvent faire penser à un duo amoureux. Ce
bien a été spolié durant la Seconde Guerre
Mondiale, puis confié aux musées nationaux. |
La partie de tric-trac, de Dirk Hals (vers
1615 - 1625). Dans un intérieur, des gentilshommes
jouent, boivent et fument. Frère cadet de Frans Hals, Dirk
Hals se spécialisa dans les tableaux de conversations et
de sociétés élégantes de petit format,
telles qu'elles se pratiquaient à Harleem, vers 1630-1650.
Le tric-trac est un jeu de cartes très en
vogue dans la haute société au XVIIe et XVIIIe siècles.

Le Ménétrier,
de Jan Steen (1670). Installé sur le muret d’une
pergola, un joueur de violon, ou ménétrier,
anime de sa musique entraînante la cour d’un village.
Sur ces quelques notes, un couple improvise une danse, tandis que
le reste du groupe les observe… à moins qu’il
ne s’en moque ?

Les scènes de genre à
thèmes musicaux sont nombreuses dans l’abondante production
de l’artiste. Elles appartiennent à la catégorie
des fêtes villageoises : mariages, kermesses, danses de paysans
et autres joyeuses compagnies qui sont des sujets caractéristiques
de la peinture flamande et hollandaise depuis les fameuses représentations
du grand peintre flamand Pieter Brueghel l’Ancien.

À première vue, le ménétrier
semble être l’une de ces nombreuses évocations
de réjouissances villageoises. Mais la position du musicien
attire notre œil. Statique et isolé, presque misérable,
il ne semble pas participer à l’entrain procuré
par son divertissement. Quant au danseur, désarticulé
et grimaçant, il ressemble à un pantin… ce
qui n’a pas échappé au regard des enfants à
l’attitude moqueuse. Derrière l’évocation
de ce moment festif, à l’aspect parfois caricatural,
pourrait bien se cacher une satire. Les œuvres de Jan
Steen sont bien connues pour leur verve humoristique et leur contenu
moralisateur. L’artiste voudrait-il nous mettre en garde des
limites du divertissement ? Dénoncerait-il l’absence
de partage des émotions que devrait procurer un tel moment
?

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La
femme de Jéroboam, de Frans Van Mieris le Vieux (1671).
Un récit biblique rarement représenté
au cœur duquel se joue une tragédie personnelle…
Jéroboam, roi d'Israël, avait renié Dieu
pour adorer les idoles. Alors que son fils tombe malade, il
envoie sa femme voir le prophète Ahija. Ce dernier
lui annonce que le garçon mourra en punition de la
conduite de son père ! Au geste de compassion
du vieil homme répond la réserve distinguée
de la reine. Ces effets picturaux et expressifs semblent souligner
l’opposition de deux attitudes : la simplicité
contre l’emphase. Plus encore, ne doit-on pas aussi
y voir l’évocation du conflit entre valeurs spirituelles
et apparence matérielle ? |
La
leçon de lecture, de Jacobus Vrel (1675).
Dans une vaste salle au plafond haut, une mère
lit un livre tandis que son enfant, un petit garçon
blond, l’écoute. Il a abandonné
son cerceau par terre pour s’appuyer contre ses genoux.
Le père est assis devant la cheminée
et le chat ronronne sur une chaise. Jacobus Vrel
donne à cette scène en apparence simple une
atmosphère quasiment sacrée. Ce qui intéresse
le peintre, ce n’est pas l’action qui se déroule
dans cet espace, mais plutôt l’ambiance paisible
qui s’en dégage. Il nous présente
un univers familier et clos, dans lequel règne une
impression de calme et de silence. La lumière
froide provenant des deux grandes fenêtres vient illuminer
la scène tendre entre la mère et son fils, qui
deviennent les personnages principaux. Le modeste
quotidien devient source de poésie. |
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Femme
assise, de Frans Hals (milieu du XVIIe siècle).
Le tableau a longtemps été l'un des plus célèbres
du musée. Il est désormais attribué
à un suiveur de Hals. Le portrait est inspiré
de la célèbre Malle Babe qui connait de nombreuses
copies et variantes dès le XVIIe siècle.
Exposée à Berlin. |
Le
Prince impérial et son chien Néro, de Jean-Baptiste
Carpeaux (1827-1875). Au détour de l’allée
d’un parc, un enfant se promène avec
son chien, un instant immortalisé dans le marbre par
un sculpteur. L’ensemble est si charmant et
l’enfant si célèbre qu’il en existe
de nombreuses répliques et réductions, dont
celle-ci, en plâtre, conservée au Palais des
beaux-arts de Lille. À la fin de l’année
1864, Napoléon III, alors empereur des Français,
commande à Jean-Baptiste Carpeaux une statue représentant
son fils Louis Napoléon, à l’image de
celle réalisée par François-Joseph Bosio
montrant Henri IV enfant et conservée au musée
du Louvre. |
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La
becquée, de Millet (1860). On y voit en effet
une mère nourrissant ses trois enfants, assis
sur le pas de porte d’une ferme, tandis que le père
de famille s’active à bêcher le jardin
à l’arrière. La silhouette monumentale
de la mère accroupie a quelque chose de profondément
rassurant. L’harmonie des tons bleus et verts
apporte de la fraîcheur et de la gaieté. La lumière
qui inonde le jardin et fait vibrer les feuillages a quelque
chose de quasi-impressionniste. À partir d’une
scène familiale, Millet renvoie à une symbolique
de portée universelle : celle d’une communion
entre l’homme et la Nature. |
Incendie à Constantinople,
de Wiliam Turner (1834). Tuner n’a pas pu assister
à l’incendie qu’il peint, celui-ci ayant eu
lieu en 475 ! Cette année-là, suite à un coup
d’Etat, une partie de la bibliothèque de Constantinople
est réduite en cendres et quelques 120 000 volumes sont détruits.
Mais comme beaucoup d’artistes de son temps, il connait
bien l’Antiquité et y puise son inspiration. En revanche,
le peintre est bien le témoin d’un autre incendie,
tout aussi spectaculaire, le 16 octobre 1834. Dans la nuit, le Palais
de Westminster, qui abrite la Chambre des Lords et des Communes
à Londres , s’embrase. Turner assiste à la scène
depuis un bateau, sur la Tamise. Il en fera quatre tableaux,
dont ceux conservés à Cleveland et à Philadelphie,
aux Etats-Unis. Turner cherche la beauté jusque dans
l’horreur. Ce qui l’intéresse, c’est le
spectacle inouï du feu qui dévore le paysage. Peu importe
la bibliothèque et les milliers d’ouvrages qui disparaissent,
le ciel et la terre sont en flammes et embrasent dans le même
temps la palette de l’artiste. Il y a du romantisme
dans le drame. Turner le sent. Le sujet qu’il choisit terrifie
autant qu’il fascine.

La défaite de Porus
par Alexandre, de Watteau (1802). La légendaire
figure historique d'Alexandre le Grand a particulièrement
inspiré les peintres français des XVIIe et XVIIIe
siècles.

Ici, le roi indien Porus est vaincu
par les armées d'Alexandre en 327-326 avant J.-C.

Une fête au Colisée,
de Watteau (1789). Luxe, plaisir et oisiveté ! C’est
jour de fête dans ce parc lillois situé aux abords
de la ville. On s’y amuse, on y danse, on y courtise…
loin des rumeurs de la Révolution française qui gronde.
On y voit les uns et les autres en train de bavarder, de
manger, de boire ou de jouer aux cartes. Le peintre n’oublie
personne, ni les enfants ni même les chiens de compagnie !
Tout ce petit monde évolue dans un décor
aujourd’hui disparu. Le Colisée était
une sorte de guinguette, réservée à la haute
société. Salles de bals, pavillons et des tentes aménagés,
pelouses garnies de fontaines et de bosquets fleuris… Son
succès fut immense, mais de courte durée.
Inauguré en 1787, il sera détruit en 1792 pour renforcer
à cet endroit les lignes de défense de la ville, alors
menacée par l’armée autrichienne.

Hêtraie dans la forêt
de Fontainebleau, de Dutilleux (1851). Sur les conseils
de son ami Corot, Dutilleux découvre en 1851 la forêt
de Fontainebleau qui influence par la suite sa carrière de
paysagiste. A cette époque, il fréquente
les grands peintres de Barbizon : Millet, Huet, Descamps, Troyon…



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