Etape 9 - Canal
de Panama - Un musée gardien de l'histoire
Mercredi 10 juillet 2019.
Souvent négligé par les visiteurs, le musée
attenant aux écluses de Miraflores est pourtant une étape
essentielle pour celui qui veut comprendre dans quelles conditions
dantesques fut percé le canal de Panama. Car, nul
ne peut aujourd'hui ignorer les 22.000 personnes qui décédèrent
tout au long de sa construction et lors des diverses tentatives,
qu'elles furent françaises ou américaines.

Vers la fin du XIXe siècle,
les avancées technologiques et les pressions commerciales
étaient telles que la construction d'un canal devient une
proposition viable. Une première tentative de la
France échoue mais permet de faire une première percée.
Celle-ci est utilisée par la suite par les États-Unis,
donnant l'actuel canal de Panama en 1914.

L’idée de la construction
du canal de Panama remonte au XVe siècle, après des
reconnaissances effectuées par Christophe Colomb et Hernán
Cortés. José de Acosta rédige en
1590 un rapport contestant l’idée de relier les deux
océans comme le veulent certains navigateurs et explorateurs
espagnols. L’idée du canal restera en suspens
durant un moment pour ne réapparaître qu’au
début du XIXe siècle après le voyage du naturaliste
prussien, le baron von Humboldt, qui établit un projet coupant
l’isthme entre Chagres et Panama. L'ingénieur
Ferdinand de Lesseps présente alors son projet du percement
du canal de Panama dix ans plus tard.

Ferdinand de Lesseps tente
une première levée de fonds en 1879 qui se solde par
un échec. Cette même année, il part
pour Panama avec sa famille. Sa fille Ferdinande porte le
premier coup de pioche du canal le premier janvier 1880.
Ferdinand de Lesseps rentre par New York où il est accueilli
avec courtoisie mais les dirigeants américains ne
lui cachent pas qu’ils s’opposeraient à lui de
toutes les façons dans son entreprise. De retour
en France, Ferdinand de Lesseps a ramené le budget à
600 millions de francs par peur d'un autre échec de sa levée
de fonds. Grâce à l'appui des banques de guichet,
qui sont associées à l'affaire, l'émission
des actions de la Compagnie universelle en 1880 est un remarquable
succès financier.

Les travaux débutent
en 1881 et rencontrent plusieurs difficultés : accidents
de terrain, épidémies de malaria et de fièvre
jaune, forte mortalité parmi le personnel, etc.
Un autre problème survint en septembre 1882, lorsqu’un
tremblement de terre secoua l’isthme et fit interrompre les
travaux et le trafic du chemin de fer pendant un certain temps.
Cet événement amena une baisse des actions à
Paris.

Ferdinand de Lesseps avait
pour choix initial de construire un canal à niveau comme
il l’avait fait pour le canal de Suez. Or le massif de la
Culebra, situé sur le tracé du canal, était
l'obstacle principal pour la réalisation de ce projet,
impliquant l'obligation de devoir creuser une énorme tranchée
sur un terrain constitué de différentes couches géologiques.
Pressé par ses ingénieurs, Lesseps adopte
finalement en 1887 un projet comportant dix écluses permettant
ainsi à l'ouvrage de s'adapter au relief de la région,
et qui seront conçues par Gustave Eiffel.

Mais le chantier a pris du retard.
Pour la période 1881-1889, les autorités françaises
de la Compagnie reconnaissent 5.618 décès chez les
travailleurs (par paludisme, dysenterie, et fièvre jaune),
des sources américaines font état pour la même
période de 22.189 décès. Des ouvriers
apportent avec eux leur propre cercueil en arrivant à Panama.

Lesseps, ayant sous-estimé
le budget en 1880, voit les titres de la Compagnie universelle chuter
en Bourse. Il fait alors appel à des hommes d'affaires
tels que le baron de Reinach et Cornelius Herz, qui n'hésitent
pas à soudoyer la presse et à corrompre des
ministres et des parlementaires pour obtenir des pouvoirs publics
le droit d'émettre des obligations à lots. Deux
millions de ces titres, à la fois obligations cotées
en Bourse et billets de loterie, sont émis en 1888. L'émission
est un échec, avec moins de la moitié des bons vendus.
Les banques, au premier rang desquelles le Crédit
lyonnais et la Société générale, décident
de jeter l'éponge et cessent de soutenir le projet, entrainant
la faillite de la Compagnie universelle en 1889. La banqueroute
de la compagnie intervient au moment même où, au
Panama, les travaux avançaient enfin à un rythme soutenu.

Malgré ces contretemps,
en 1886, lors de sa tournée d’inspection, Ferdinand
de Lesseps était très satisfait par l’avancée
des travaux. Le fait de passer à un canal à
écluses permettait à la compagnie d’économiser
énormément d’argent et donc la réussite
était presque certaine. Mais cette même année,
les adversaires de Lesseps ne le laissaient pas en paix et, à
Paris, les intrigues se faisaient de plus en plus ouvertes contre
la compagnie et influaient sur l’opinion publique,
ce qui était très néfaste puisque l’argent
finissait par ne plus entrer. En 1888, les caisses étaient
vides. Lesseps fut obligé de cesser tous les travaux et d'abandonner
le projet : c’est la fin du « canal français
».

Philippe Bunau-Varilla, qui a été
directeur général du Canal en 1885-86 et a ensuite
supervisé les travaux de Culebra, se refuse à abandonner
le projet du canal de Panama. Il tente de convaincre le
tsar de Russie, élabore un projet anglo-français,
puis se tourne vers le gouvernement des États-Unis qui pense
alors creuser son propre canal au Nicaragua. Avec l'aide
de financiers américains de Wall Street, Bunau-Varilla réussit
en 1901 à faire adopter par le Congrès des États-Unis
la poursuite des travaux au Panama.

S'ensuit alors, en pleine guerre
civile colombienne, une saga politico-financière entre les
États-Unis, la Colombie et le Panama. Après
plus de 3 ans de guerre, un groupe d’indépendantistes
discrètement soutenus par les États-Unis qui amadouent
les 500 soldats colombiens en garnison dans la province de Panama
en leur payant six mois de solde11, déclare son indépendance
le 3 novembre 1903. Le 18 novembre 1903, à New York,
est signé le Traité Hay-Bunau-Varilla, faisant du
Panamá un protectorat. Les États-Unis reçoivent
une frange de 10 miles de large des deux côtés du canal,
pour sa construction et son exploitation à perpétuité.
La souveraineté dans la zone du canal leur revient

Ayant pris le relais, les États-Unis
sont bien décidés à mener à son terme
un projet vital pour leur économie. Les travaux
ont été conservés depuis 1895 dans un état
convenable d'entretien. En 1902, une résolution du
Congrès relance la machine en préparant une reprise
de l'affaire par l'achat de ses droits à la Compagnie française,
dont les obligataires et actionnaires seraient partiellement indemnisés
de leurs pertes. Déjà l'année précédente,
une Compagnie américaine s'était constituée
et, après entente avec l'Angleterre (convention du 18 novembre
1901), les États-Unis s'engageaient à internationaliser
le canal.

Les travaux de percement reprennent
dès le 4 mai 1904, supervisés par la Commission
du Canal Isthmique et encadrés par le Corps des ingénieurs
de l'armée des États-Unis dirigés par l'ingénieur
en chef, d'abord John Findley Wallace de 1904 à juillet 1905
(il dispose d'une main d'œuvre insuffisante de 3.500
ouvriers dont 1.500 recrues américaines qui abandonnent progressivement
le chantier touché par la fièvre jaune et la malaria),
puis John Frank Stevens de 1905 à 1907 (il dispose fin 1906
de 26.000 hommes) et finalement le colonel George Washington Goethals
de 1907 à 1916. Celui-ci élabore un projet
comprenant entre autres la construction de trois ensembles d’écluses
et la création d’un lac artificiel, le lac Gatún.

Ce projet repose sur une étude
menée par Adolphe Godin de Lépinay, en 1879, celui
qu’il avait présenté au congrès. Son
idée, que l’on peut caractériser de brillante,
était de créer un canal à écluse,
mais surtout la création d’un lac artificiel.
Celui-ci permettrait de contenir les crues de la rivière
Chagres lors des saisons de pluies. Le niveau de l’eau augmentant
de 1 à 8 mètres. Il était donc nécessaire
de régler ce problème pour pouvoir construire le canal.
De plus la partie à creuser serait diminuée de 60%.
En installant des écluses à chaque bout du lac artificiel,
les bateaux pourront traverser le canal.

Les principales difficultés
rencontrées par les Français trouvent une solution
: éradication des fléaux et maladies avec
la découverte de la cause de la malaria (par l'emploi
de moustiquaires et en pratiquant la fumigation de toutes les maisons
du canal avec des produits insecticides, dont la poudre de pyrèthre
ou le sulfure), équipements plus modernes (pelleteuses
à vapeur montées sur rails, déchargeurs)...
Un autre facteur de réussite dans la réalisation du
projet est l’importance accordée au chemin
de fer par les ingénieurs.

L’année 1914 voit
les travaux s’achever et, le 15 août de la
même année, le président panaméen Belisario
Porras, accompagné des officiels américains, inaugure
le canal à bord du navire Ancón. Malgré
la « coupure » artificielle du pays en deux avec l’ouverture
de la voie maritime, il faut attendre 1931 pour voir apparaître
la mise en service de deux traversiers reliant l’Est et l’Ouest
du pays. Dès l’ouverture, le trafic du canal
connaît une croissance exceptionnelle, et le développement
de la région ira grandissant.



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