Etape 8 - Canal
de Panama - Une histoire hors du commun
Mercredi 10 juillet 2019.
Tout en regardant cet immense cargo passer lentement les écluses
de Miraflores, je continue de feuilleter l'histoire de la
construction du canal qui est tout aussi extraordinaire que sa réalisation
elle-même.

Le concept d’un canal à
Panama remonte au début du xvie siècle. La première
mention d’un canal à travers l’isthme remonte
à 1534 : Charles Quint suggéra alors qu'un
canal à Panama faciliterait le voyage des navires allant
au Pérou et en Équateur. Une des premières
représentations iconographiques du canal est indiquée
sur la carte des Conseils du missionnaire breton Michel
Le Nobletz vers 1630.

Étant donné l’importance
stratégique de l’Amérique centrale en tant que
fine portion de terre séparant deux grands océans,
d’autres formes de liens commerciaux ont été
tentés. En 1698, le royaume d'Écosse
se lança dans le projet Darién destiné à
créer une voie commerciale terrestre, mais il fut
abandonné en 1700 en raison des conditions inhospitalières

Une route maritime entre les océans
était toujours vue comme la solution idéale, et
l’idée d’un canal fut ravivée à
plusieurs occasions, et par plusieurs routes : un canal au Nicaragua
fut envisagé plusieurs fois. Finalement, à
la suite du succès du canal de Suez, les Français,
sous la direction de Ferdinand de Lesseps qui avait réalisé
ce dernier, commencèrent la construction d’un canal
au niveau de la mer (sans écluse) au Panama le 1er janvier
1882.

En septembre 1882, un tremblement
de terre secoua l'isthme panaméen, faisant baisser
à la Bourse de Paris, le cours des actions de la Compagnie
universelle du canal interocéanique de Panama créée
trois ans plus tôt. La fièvre jaune, ainsi
que la difficulté de domestiquer le rio Chagres qui connaissait
régulièrement des crues dévastatrices et tout
aussi meurtrières durant la saison des pluies, mirent à
mal le projet que Gustave Eiffel sauva en concevant un
système de dix écluses. Toutefois, ces graves difficultés
amplifiées par l'affairisme débouchèrent
sur la faillite de la compagnie en 1889, déclenchant ainsi
le fameux scandale de Panama.

Le site de Panama, en difficulté,
éclaboussé par la faillite et par le scandale encore
récents, se trouve alors en compétition avec celui
du Nicaragua. Sur la base de recherches en cours depuis
1886, le Nicaragua aurait dû être le terrain
pour un futur canal par Washington, mais Bunau-Varilla et Cromwell
s’attachent à convaincre le Congrès américain
que le projet panaméen est plus avantageux.

Toutefois, la Colombie refuse
de concéder aux États-Unis une souveraineté
quasi totale sur le futur canal et la région environnante.
L’ambassadeur américain à Bogotá avertit
alors que si le traité n’était pas ratifié,
« les relations amicales entre les deux pays s’en
verraient si gravement compromises que le Congrès des États-Unis
pourrait prendre des mesures que regretterait tout ami de la Colombie
». Le 3 novembre les séparatistes
panaméens se déclarent indépendants de la Colombie,
avec le soutien des troupes américaines. Les navires de guerre
américains ancrés à l’abord des côtes
interdisent toute intervention de l’armée colombienne...

Le 18 novembre 1903, à
New York, est signé le traité Hay-Bunau-Varilla, faisant
du Panamá un protectorat. Les États-Unis
reçoivent une frange de 10 milles de large des deux
côtés du canal, pour sa construction et son exploitation
à perpétuité. La souveraineté
dans la zone du canal leur revient, le Panamá étant
« exclu de l’exercice de tels droits souverains, pouvoir
ou autorité ». On leur concède aussi
un droit d’ingérence permanent dans les affaires intérieures
panaméennes, et la possibilité d’intervenir
militairement en cas d’atteinte à l’ordre public.

Le Corps des ingénieurs de l'armée
des États-Unis sous la direction de l'ingénieur en
chef, le colonel George Washington Goethals, élabore alors
un nouveau projet impliquant la construction de trois ensembles
d’écluses et la création d’un lac artificiel,
le lac Gatún. Ce projet se fonde sur une
étude réalisée en 1879 par l’ingénieur
français Adolphe Godin de Lépinay, mais qui avait
été rejeté par le congrès dirigé
par Ferdinand de Lesseps.

La construction en tant que telle du
canal coûta la vie à plus de 5.600 travailleurs
durant la période 1881-1889, une source américaine
en 1912 estima qu'il y a eu en réalité plus
de 22.000 décès.

Après plus de dix années
supplémentaires de travaux, le canal est enfin achevé
et inauguré le 15 août 1914 à bord du navire
Ancón, en présence du président panaméen
Belisario Porras Barahona, accompagné d'officiers américains.
Dans les années 1950, alors que le canal rapporte
50 millions de dollars aux États-Unis, ces derniers n’en
reversent que deux millions au Panama. En 1963, face aux
revendications territoriales des Panaméens, les États-Unis
acceptent que le drapeau panaméen soit placé au côté
du leur sur les bâtiments civils de la zone du canal.

Le général Omar
Torrijos, au pouvoir depuis 1968, se lance dans un combat contre
les États-Unis pour obtenir la souveraineté du Panama.
En 1973, devant l'absence de progrès dans les négociations
avec Washington, il tente de faire intervenir l'ONU. Mis en minorité,
Washington appose son véto à la résolution
adoptée. Finalement, en 1977, Torrijos réussit
à renégocier l’accord sur la zone du canal (traités
Torrijos-Carter) et celle-ci elle est rétrocédée
au Panama vingt ans plus tard, en 1999. Voici pour la petite
histoire du canal.



|