Arras - Autour de la Grand-Place
Dimanche 3 février 2019. Arras ! Une grande première pour moi qui n'aie quasiment jamais mis les pieds dans le nord de la France, mis à part Calais où je suis allé pour me rendre en Angleterre. Arras et ses merveilles architecturales, toutes classées au patrimoine mondial de l'humanité. Et dire que la ville faillit disparaître sous une pluie de bombes et d'obus allemands au printemps 1917.

Cent ans plus tard, la ville entièrement reconstruite à l'identique arbore fièrement ses deux grandes places aux accents flamands et son beffroi magnifique également classé à l'Unesco, tout comme tous les autres beffrois du nord de la France et de la Belgique.

Ravagée par le pilonage allemand de 1917 et 1918, Arras a puisé dans cette épreuve la force de faire front et toujours présenter à la face du monde l'image d'une ville douce et accueillante, tranquille, fière de ses monuments, de cette extraordinaire Grand-Place autour de laquelle s'organise toute la vie de cette ville moitié française, moitié flamande.

Quatre siècles durant, du XIVe au XVIIIe siècle, Arras tira si bien son épingle du jeu, devint si riche sous l'essor de ses drapiers, qu'elle devint même la banque des grandes villes d'Europe du nord, de Bruxelles à Bruges, en passant par Gand et Anvers. De 1350 à 1460, la tapisserie d'Arras est si réputée que le terme arrazi désgne encore en Italie les tapisseries anciennes.

La Guerre de Cent ans viendra pourtant mettre un bémol au lustre de la ville, avec la déportation en 1477 des grandes familles de la ville vers Paris et Rouen, sur ordre de Louis XI, fâché que celles-ci ne s'acquittent pas de la rançon qu'il a imposée après avoir repris la ville aux Bourguignons. Arras commence alors à décliner, mais sa bourgeoisie reprend peu à peu de la vigueur.

En 1492, alors que Christophe Colomb s'en va découvrir l'Amérique, la ville passe sous la domination espagnole... et y trouve son avantage. Arras s'impose de nouveau comme place économique régionale, notamment grâce à son marché aux grains. Les céréaliers prospèrent. L'époque de la belle architecture flamande s'impose dans la ville. Les maisons à pignons fleurissent. Des gerbes de blé s'affichent sur les façades. On peut encore les voir aujourd'hui autour de la Grand-Place et de la Place des Héros.

150 ans passent. Louis XIV reprend la ville aux Espagnols. Le traité des Pyrénées (1659) établit la victoire française avec l'annexion de l'Artois au Royaume de France. En 1749, les remparts datant du haut Moyen Âge, du temps du déferlement des barbares, des Vandales et des Francs, qui avaient succédé aux Romains, sont abattus. La ville poursuit alors son développement. La Révolution française amorcera son déclin définitif. Ironie du sort, Robespierre est natif d'Arras ! Quant à Napoléon, il fera tout simplement raser la cathédrale de la ville, au prétexte qu'elle avait subi les affres de la Révolution.

Il faudra donc attendre le coeur de la Grande Guerre pour qu'Arras sorte de nouveau de l'anonymat. L'avancée allemande, en 1914, est contenue à 3 km de la ville. La population quitte la ville, laissant la place en 1916 aux garnisons anglaises qui en prend possession pour défendre le front des Flandres et de l'Artois. Le 9 avril 1917, une vaste offensive alliée est déclenchée. Elle fera reculer l'armée allemande... de 12 km. Au prix de 150.000 morts. Mais Arras est sauvée. Sa Grand-Place sera reconstruite à l'identique. Idem pour la Place des Héros et pour son beffroi, ses églises. L'Allemagne paiera.

La Grand-Place a été dessinée quelque 200 ans après la place des Héros. Elle sort de terre au milieu du XIe siècle. Les bâtisses devaient alors occuper le même périmètre et les mêmes surfaces au sol, mais les étages étaient en bois. Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'apparaît le style baroque flamand.

Toutes les maisons de la place servaient au commerce de leurs popriétaires et l'on retrouve sur certaines façades des enseignes sculptées : gerbes de blé bien sûr, oiseaux (articles de chasse), chaudron, etc. Au sol, sous les arcades, de nombreuses trappes donnent accès aux caves, où étaient entreposées les marchandises.

Arcades sur colonnes au res-de-chaussée, élévation sur deux étages, façades baroques flamandes, pignons à volutes qu'on retrouve partout dans tous les Pays-Bas... La Grand-Place d'Arras, comme sa Place des Héros, constitue un ensemble unique au monde.

L'hmogénéité de cette place (dommage qu'elle abrite ce parking...) résulte d'une volonté tôt affirmée des échevins qui avaient défini pour ces places des règles d'urbanisme dès la fin du XVIe siècle, et surtout (c'est ce qui en fait toute loriginalité du lieu), les ont maintenues deux siècles durant.

|
Ainsi, en dépit de toutes les modes architecturales que connut l'Europe pendant deux siècles, du XVIe au XVIIIe siècle, le style baroque flamand a été conservé et imposé à toute nouvelle construction dans la ville, et ce, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. |

Si l'ensemble de la Grand-Place, comme la place des Héros, a été détruite par les obus allemands, quelques maisons ont toutefois été épargnées miraculeusement. C'est le cas notamment de l'Hôtel des Trois Luppars, au n° 49 de la Grand-Place, qui est donc la maison la plus ancienne de l'ensemble architectural. Son pignon est d'ailleurs différent. Il n'est pas en volute comme les autres, mais en escalier (dit à pas de moineau), et sa façade tout en brique.

Dès le XIIe siècle et durant la période des ducs de Bourgogne, la place servait de zone de rencontre pour les joutes équestres et les tournois. La première maison en pierre élevée fut celle au n° 48. Elle est bâtie au XIIe siècle et habitée par Dodon de la Lance (Dodo de Hastis), une personne de haut rang faisant partie du plus vieil échevinage connu. En 1266, Audefroi Louchard fonde un hospice au n° 5.

La place est entourée de 155 maisons marquées par l'influence du style baroque flamanddans une architecture classique à la française du XVIIe siècle. Ces façades forment un ensemble très régulier et homogène, bien que chaque maison soit différente, grâce à l'alignement assez strict des étages et des corniches, et le respect d'un code d'urbanisme lors de leur construction. La plupart des maisons de la place sont élevées sur un rez-de-chaussée avec trois niveaux d'étage, le premier étage bénéficiant généralement d'une plus grande hauteur sous plafonds que les étages supérieurs, le troisième étage étant sous combles.

D'autres maisons se distinguent également de parce qu'elles étaient debout à la fin des bombardements de la Première Guerre mondiale, constituant de ce point de vue un échantillon intéressant et significatif de l'habitat ancien arrageois. Il en est ainsi par exemple des façades n°51 et n°53.

La place a été admirablement restaurée à l'identique par Pierre Paquet, les travaux de reconstruction s'étant échelonnés de 1919 à 1934. Pierre Paquet a été confronté à l'absence de relevé précis des façades et des bâtiments. Il lui faudra donc partir des documents anciens, des photographies et trancher de problèmes complexes. L'aspect extérieur des bâtiments est systématiquement conservé, l'intérieur étant traité avec plus de liberté.


Arras - Autour de la Place des Héros
|