Etape 16 - Istanbul
- De retour à Sultanhamet en plein ramadan
Samedi 22 mars 2025.
Après cette longue promenade à travers les rues d'Istanbul,
on regagne enfin le quartier de Sultanhamet, le
centre historique de Constantinople, là où tout a
commencé.

Et j'avoue que c'est toujours un plaisir
de retrouver cette place. A commencer par l'ancien hippodrome
byzantin, dont on peine encore à imaginer combien
il était gigantesque, sans doute la plus importante construction
sportive de tous les temps.

Là, subsistent trois monuments
érigés comme des points d’ancrage temporel –
l’obélisque de Théodose, la colonne serpentine
et le mur des Septimes.

On suit ensuite une pente imperceptible
vers la petite place où s’élève
la fontaine d’Ahmet III.

Son toit en auvent, aux proportions élégantes,
dissimule un réservoir alimenté par un ancien
aqueduc romain, dont l’eau s’écoule
avec un murmure à peine audible sous le brouhaha des premiers
marchands installant leurs éventaires.

En contournant la Mosquée Bleue
par l’est, on longe un mur de pierre percé
de fenêtres grillagées, derrière lesquelles
résonnent les psalmodies des étudiants en théologie.

L’odeur du pain frais, cuit dans
les fours à bois d’une boulangerie discrète,
se mêle aux effluves d’épices venues
du marché aux aromates, où le sumac et la poudre de
mastic sont encore vendus dans des sacs en toile brute.

Près de l’entrée
du palais de Topkapi, un escalier étroit descend
vers un jardin en contrebas, peu fréquenté malgré
sa vue dégagée sur le Bosphore.

Les bancs de pierre, usés par
les siècles, portent des inscriptions en caractères
arabes et grecs, vestiges d’une époque où
les fonctionnaires ottomans y faisaient une pause avant d’entrer
dans l’enceinte du pouvoir. Un chat endormi sur l’un
d’eux ouvre un œil à peine, indifférent
aux allées et venues.

En remontant vers le nord, on traverse
un dédale de passages voûtés, où
les échoppes de calligraphes exposent des encres fabriquées
selon des recettes médiévales – noir
de fumée lié à la gomme arabique, vermillon
broyé à la main.

Plus loin, une cour intérieure
abrite un atelier de restauration de céramiques,
où des artisans recomposent des motifs floraux à partir
de tessons retrouvés lors de fouilles.

Leurs gestes précis, hérités
d’une tradition qui remonte aux ateliers d’Iznik,
contrastent avec le rythme désordonné des touristes
passant devant sans s’arrêter.

En fin d’après-midi, quand
la lumière devient dorée, les arcades du Grand
Bazar projettent des ombres géométriques
sur les pavés.

Les vendeurs de tapis, moins insistants
qu’aux heures d’affluence, discutent entre eux
en sirotant des tasses de thé posées à même
le sol.

Une porte dérobée, presque
invisible entre deux échoppes, mène à
un ancien caravansérail converti en librairie spécialisée
dans les récits de voyage du XIXe siècle.

Les étagères en bois
sombre, chargées d’ouvrages aux reliures fatiguées,
semblent n’avoir pas bougé depuis l’époque
où des marchands vénitiens y négociaient des
cartes maritimes.

Au crépuscule, les réverbères
s’allument progressivement le long des murailles byzantines,
révélant des détails architecturaux
habituellement noyés dans la pénombre – un linteau
sculpté d’une croix à peine effacée,
une inscription en alphabet runique laissée par un Varègue
de la garde impériale.

L’air se charge alors d’une
odeur de grillades et de pain chaud, tandis que les derniers
visiteurs quittent les monuments pour laisser place aux habitants
du quartier, qui reprennent possession des ruelles comme
s’ils en avaient gardé le souvenir intact.






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