Etape 11 - Saint-Sauveur
in Chora - Des fresques et des mosaïques de toute beauté
Samedi 22 mars 2025.
L'église Saint-Sauveur-in-Chora déploie une
structure complexe où se superposent plusieurs périodes
de construction.

L'édifice principal, de dimensions
relativement modestes (25 mètres sur 15), repose
sur des fondations en gros blocs de calcaire procopiens
probablement récupérés d'édifices plus
anciens.

La nef centrale, couverte
d'une coupole sur pendentifs d'un diamètre inhabituellement
réduit (7,3 mètres), s'élève sur deux
niveaux distincts : un volume inférieur aux murs épais
(1,2 mètre) percés de niches profondes, et un étage
supérieur éclairé par des fenêtres jumelées
dont l'encadrement en marbre théodosien contraste avec la
maçonnerie de brique environnante.

Son noyau central, de plan carré,
est surmonté d'une coupole haute et étroite
reposant sur un tambour percé de seize fenêtres étroites
- une proportion qui accentue l'impression de verticalité.

Quatre arcs diaphragmes en brique,
légèrement brisés, transfèrent
les poussées vers des piliers massifs intégrés
dans les murs épais, solution typique de l'architecture byzantine
tardive.

L'adjonction du parecclésion
au XIVe siècle a introduit une rupture délibérée
dans la symétrie originelle.

Cet espace funéraire, long de
18 mètres pour une largeur variable (de 3,2 à 4,8
mètres), épouse une courbe légèrement
convexe vers l'extérieur, suivant probablement le
tracé d'un ancien chemin disparu.

Sa voûte en berceau brisé,
renforcée par cinq arcs doubleaux en pierre de taille, présente
une particularité constructive : les claveaux sont
disposés en éventail selon une technique normalement
réservée aux coupoles, créant ainsi
un effet de perspective accélérée vers l'abside
orientale.

Les fresques qui la recouvrent ont
nécessité un enduit spécial de 3 cm
d'épaisseur, composé de sable de Marmara
et de chaux hydraulique importée de Nicée.

Le narthex externe, reconstruit
par Métochite, déploie une succession de
trois espaces voûtés communiquant par des arcades surbaissées.

Son pavement en opus sectile combine
des marbres précieux - porphyre vert de Laconie, pavonazzetto
de Phrygie - selon des motifs géométriques
qui reproduisent en deux dimensions le schéma des voûtes
supérieures.

Les colonnes de séparation,
en marbre blanc de Proconnèse, montrent des fûts
légèrement coniques (différence de 8 cm entre
base et chapiteau) qui créent une illusion d'élancement
renforcée par l'étroitesse des entrecolonnements (1,5
mètre seulement).

L'abside principale, profonde de 4,6
mètres, conserve les traces d'un synthronon à
sept gradins dont seul le niveau inférieur subsiste, transformé
en base pour le mihrab ottoman.

Son hémicycle est percé
de cinq fenêtres à double ébrasement dont l'orientation
précise (107° sud-est) permet un éclairage optimal
lors des offices matinaux d'hiver.

Les analyses archéologiques
ont révélé dans cette zone les vestiges
d'un système de chauffage par hypocauste, dispositif
rare dans les églises byzantines, probablement installé
pour les cérémonies hivernales.

Les annexes nord et sud présentent
des différences structurelles significatives. L'aile
nord, ajoutée au XIIe siècle, utilise un
système de contreforts extérieurs dissimulés
sous un revêtement de plaques de marbre, tandis que l'aile
sud, contemporaine du parecclésion, s'appuie sur des murs-boutants
intérieurs formant alcôves.

Cette disparité constructive
suggère des campagnes de travaux distinctes
répondant à des besoins liturgiques changeants.

Parlons maintenant des fresques
et des mosaïques de l'église. A commencer par
celles du narthex.

Dans le narthex extérieur, la
voûte centrale déploie une cosmologie byzantine complexe
: le Christ Pantocrator trônant dans la calotte est
entouré de vingt-quatre médaillons prophétiques
disposés selon un ordre astronomique précis, correspondant
aux vingt-quatre heures du jour liturgique.

Les fonds or des mosaïques utilisent
deux types de tesselles - un verre soufflé à la feuille
d'or épaisse pour les surfaces planes, et un verre coulé
à la feuille d'or mince pour les contours - créant
ainsi des variations subtiles de luminosité selon l'angle
d'observation.

Les parois latérales développent
un cycle marial approfondi, depuis la Vie de la
Vierge jusqu'à sa Dormition.

La scène de l'Annonciation présente
une particularité technique remarquable : l'archange
Gabriel est constitué de tesselles aux formats inhabituellement
variés (de 5 à 15 mm), disposées en strates
obliques qui suivent le mouvement des plis de son himation,
tandis que la Vierge est réalisée en tesselles régulières
posées en damier, créant un contraste visuel entre
mouvement et stabilité.

Les fonds architecturaux de ces compositions
révèlent une connaissance approfondie de la
perspective antique, avec des rendus de colonnades en raccourci
qui défient les conventions byzantines habituelles.




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