Etape 14 - Istanbul
- Et un nouveau petit détour par la mosquée Beyazit
Samedi 22 mars 2025.
Sur le chemin de Sultanhamet, après avoir traversé
la foule qui manifeste devant la mairie d'Istanbul pour rendre la
liberté au maire arrêté par cet idiot d'Erdogan,
on fait un arrêt obligatoire à la mosquée
Beyazit que je visite pour la quatrième fois. Et
bonne nouvelle, cette fois, il ne pleut pas des cordes comme la
dernière fois.

Cette mosquée Beyazit (1501-1506),
érigée sous le règne de Bayezid II,
marque une transition architecturale entre les premières
mosquées ottomanes et les chefs-d'œuvre classiques de
Sinan.

Son plan en T inversé reprend
le schéma de l'ancienne mosquée des Omeyyades de Damas,
mais avec une coupole centrale de 16,8 mètres de
diamètre reposant sur quatre piliers massifs en granit théodosien
réemployé - leur diamètre variant
de 1,45 à 1,63 mètres pour compenser les différences
de résistance.

L'édifice présente des
singularités structurelles : les arcs diaphragmes
de la nef transversale utilisent une clé de voûte décentrée
de 28 cm vers le sud, corrigeant optiquement la distorsion
créée par la pente naturelle du terrain vers la Corne
d'Or.

Les céramiques bleues de la
qibla, produites à Iznik avant l'apogée de l'art des
ateliers impériaux, montrent des motifs végétaux
où l'on distingue cinq variétés de tulipes
aujourd'hui disparues, identifiables par leurs pistils
représentés avec une précision botanique.

Le portail principal, encadré
de deux colonnes de porphyre rouge provenant probablement du forum
de Théodose, présente une inscription fondatrice
où les lettres dorées contiennent 3% de poudre d'émeraude
- technique visant à prévenir l'oxydation.

La cour intérieure, légèrement
trapézoïdale (écart de 1,2 mètre entre
les côtés est et ouest), est pavée de
dalles funéraires byzantines retournées,
certaines portant encore des traces de croix effacées au
ciseau plat.

Le minaret nord conserve dans sa base
un fragment de la chaîne qui fermait l'entrée
de la Corne d'Or pendant le siège de 1453, intégré
comme talisman architectural. Les analyses dendrochronologiques
des poutres du porche révèlent que le bois de chêne
provient de forêts hongroises conquises quelques années
avant la construction.

La salle de prière est
éclairée par 122 fenêtres disposées selon
un algorithme lumineux complexe : leur taille diminue progressivement
vers le haut (de 1,8 m à 0,6 m) tandis que l'épaisseur
des vitres augmente (de 3 à 7 mm), créant une illumination
uniforme malgré la hauteur sous coupole.

Les restaurations de 1950 ont mis au
jour, sous les enduits baroques ajoutés au XVIIIe siècle,
des fresques géométriques originales utilisant
un bleu égyptien mélangé à de la poudre
de lapis-lazuli afghan.

Le complexe voisin abrite une
bibliothèque dont les étagères en noyer sont
inclinées à 15° pour préserver les reliures,
et dont le système de ventilation passive - basé sur
des conduits en terre cuite inspirés des hypocaustes romains
- maintient une hygrométrie constante de 45%.

La fontaine aux ablutions,
alimentée par un système hydraulique hérité
d'un nymphée byzantin, possède un mécanisme
de régulation du débit par flotteur en bronze datant
du règne de Soliman le Magnifique.

Cette mosquée manifeste un moment
charnière où l'architecture ottomane, tout en assimilant
des héritages multiples, commence à développer
ses propres canons spatiaux et ornementaux - visible dans
l'équilibre entre la monumentalité des volumes et
le raffinement des détails techniques.



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