Etape 12 - Saint-Sauveur
in Chora - Des fresques byzantines parmi les plus belles du monde
Samedi 22 mars 2025.
La mosaïque de la Déisis, placée
stratégiquement au-dessus de la porte menant au naos, montre
un Christ psychopompe d'une expressivité troublante.

Son visage, composé de tesselles
de marbre blanc veiné de gris pour les ombres, utilise
des cubes de seulement 2-3 mm pour les détails des yeux et
des sourcils, permettant un rendu quasi pictural.

La main droite bénissante présente
une anatomie si précise qu'on distingue jusqu'aux minuscules
rides des phalanges, obtenues par l'insertion de tesselles
noires oblongues entre les lignes dorées.

Le sol du narthex mérite une
attention particulière. Son pavement en opus sectile
combine sept variétés de marbres anatoliens selon
un motif de cercles sécants qui reproduit symboliquement
la structure de l'univers byzantin.

Les analyses pétrographiques
ont identifié des fragments de marbre rouge antique
de Téos, de porphyre vert de Laconie et même de brèche
violette d'Égypte, matériaux probablement
récupérés d'édifices constantiniens.

Les joints, remplis d'un mortier teinté
de bleu égyptien, créaient à l'origine
un effet de "ciel étoilé" aujourd'hui à
peine perceptible.

Dans l'angle sud-ouest, une composition
moins connue représente le songe de Jacob. La
mosaïque utilise une technique exceptionnelle : les anges montant
et descendant l'échelle céleste sont figurés
par des tesselles d'argent recouvertes d'une mince couche de verre
bleuté, produisant un effet miroitant qui devait évoquer
le mouvement lorsqu'éclairé par les lampes à
huile.

Le fond rocheux, réalisé
en tesselles de verre marbré, imite avec une fidélité
surprenante les formations géologiques réelles des
environs de Jérusalem.

La frise chronologique des patriarches,
courant sous la voûte, présente une innovation iconographique
: chaque figure est accompagnée d'une inscription
en onciale donnant non seulement son nom mais aussi sa durée
de vie selon la Septante, avec des chiffres représentés
selon un système cryptographique propre à l'école
paléologue.

Les bordures décoratives qui
encadrent l'ensemble des mosaïques méritent une étude
à part : leurs motifs géométriques
complexes, combinant svastikas, meanders et pentacles, suivent des
progressions mathématiques basées sur la suite de
Fibonacci, démontrant une connaissance approfondie
des mathématiques arabes chez les artisans byzantins.

Le parecclésion,
conçu comme martyrium et espace funéraire, déploie
un programme eschatologique d'une cohérence rare.

La fresque de l'Anastasis (Résurrection)
domine l'abside orientale : le Christ, vêtu d'un himation
d'un blanc éclatant obtenu par un mélange de chaux
et de poudre de marbre, foule les portes de l'Hadès
représentées sous forme de panneaux épars,
leurs gonds tordus avec un réalisme presque métallurgique.

Les figures d'Adam et Ève émergent
de leurs sarcophages avec des gestes d'une fluidité inhabituelle
dans l'art byzantin, leurs mains modelées par des
glacis successifs de terre verte sur ocre rouge.

La coupole de la chapelle
abrite une composition du Jugement dernier où
les élus et les damnés sont séparés
par un fleuve de feu figuré par des strates de cinabre et
de réalgar aux pigments volontairement mal mélangés
pour créer un effet de mouvement.

Les corps des ressuscités
présentent une anatomie précise - côtes
saillantes, muscles atrophiés - suggérant l'influence
discrète de modèles médicaux paléologues.

Les murs latéraux développent
des scènes de l'Ancien Testament en relation
typologique avec le salut chrétien.

Le sacrifice d'Isaac est rendu
avec une tension dramatique accentuée par la perspective
tronquée du couteau, disproportionné pour attirer
le regard vers le point critique de l'action. Les rochers du Morija
sont peints en camaïeu de gris avec des inclusions de mica
broyé pour évoquer le scintillement granitique.

La coupole centrale du naos,
plus sobre, présente un Christ Pantocrator dont la main bénissante
révèle une particularité anatomique :
le pouce et l'annulaire se rejoignent exactement selon le canon
byzantin des proportions (rapport 3:5 par rapport à l'index).
Son nimbe crucifère utilise une feuille d'or gravée
de motifs cruciformes microscopiques, visibles seulement sous un
éclairage rasant.

L'abside principale conserve des fragments
de la Déesis originelle : la Vierge, à gauche,
incline la tête selon un angle de 17° exactement calculé
pour croiser le regard des fidèles debout dans la nef.

Son maphorion bleu profond est obtenu
par un mélange de lapis-lazuli afghan et de smaltino
vénitien, matériaux dont l'importation concurrente
à l'époque témoigne des réseaux commerciaux
complexes de Byzance.

Les pendentifs montrent les
quatre évangélistes assis dans des scriptoria architecturés.
Leur posture - jambe droite croisée sous la gauche
- suit exactement le protocole de scribe décrit dans les
manuscrits de l'époque.

Les pupitres sont ornés de motifs
en trompe-l'œil imitant des incrustations d'ivoire,
réalisés au pinceau fin avec des filets de blanc de
plomb sur fond ocre.

La mosaïque de la Vierge
dans le naos de Saint-Sauveur-in-Chora se distingue par
une facture d'une finesse presque miniaturiste, bien que son échelle
monumentale impose une lecture à plusieurs niveaux.

La Théotokos y est représentée
en orante, les mains levées dans un geste de supplication
dont les paumes présentent une particularité anatomique
rare : les lignes de la main (chiromancie byzantine) sont
incisées dans le verre des tesselles à l'aide d'une
pointe de diamant, suivant les canons des traités d'astrologie
paléologues.



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