Un château
délaissé, mais siège de l'histoire
Samedi 10 août 2019.
Le donjon fut aménagé en prison d'État
de prisonniers de haute naissance dès le XVIIe siècle.
Sa capacité ne lui permettait pas d'héberger plus
de quatorze détenus.

Le duc de Beaufort, principal
chef de la « cabale des Importants », emprisonné
sur ordre d'Anne d'Autriche, s'en évade en 1648. Le cardinal
de Retz alla y méditer sur la Fronde dans l'ancienne chambre
de Charles V.
Nicolas Fouquet,
qui avait lancé l'architecte Le Vau, eut également
droit aux honneurs de la prison de Vincennes, à la
suite de son procès de trois ans (1664) et avant son transfert
dans la place forte royale de Pignerol.

Au XVIIIe siècle, il hébergea
la manufacture de Vincennes, dédiée à
la production de porcelaine, qui devint plus tard celle de Sèvres.

Le donjon resta prison d'État.
Y furent entre autres internés Voltaire, le marquis
de Sade (de septembre 1778 à février 1784) et Mirabeau.
Diderot quant à lui ne fut pas emprisonné dans le
donjon mais dans un bâtiment attenant à la Sainte-Chapelle
désormais détruit

Par un édit de février
1788, Louis XVI décide d'aliéner — par
la vente ou la démolition — le château parmi
plusieurs résidences royales ou bâtiments indépendants
de la Couronne qui ne sont plus utilisés et dont l'entretien
constitue un gouffre financier, dont ceux de Choisy-le-Roi,
Madrid, la Muette et Blois.

Le 28 février 1791,
les ouvriers du faubourg Saint-Antoine ne voulant pas d'une nouvelle
Bastille, tentent de prendre d'assaut le donjon afin de le démolir.
Mais l'arrivée des troupes de Lafayette venant épauler
la garde nationale parisienne permet de sauver le donjon.

Malgré le changement de régime,
le donjon retrouvera sa destination au XIXe siècle. Seules
les conditions pénitentiaires vont radicalement se durcir.

Ainsi, à la suite des journées
des 23 au 25 février 1848, y séjourneront de
nombreux républicains de gauche comme Barbès, Blanqui
et Raspail (qui y sortira à la faveur de son élection
au parlement et dont les écrits témoignent de son
séjour dans l'ancienne chapelle de Charles V).

En 1796, le château fut converti
en arsenal, abritant depuis lors la section historique de l'armée.
Il fut profondément remanié à cette époque.
Les restes du pavillon de chasse initial datant de l'époque
de Saint Louis furent détruits.

On construisit de nouveaux bâtiments
militaires qui existent encore aujourd'hui. En 1804, le
duc d'Enghien fut fusillé dans les douves du château
sur l'ordre de Napoléon.

Nommé gouverneur du château
par Napoléon en février 1812, le général
Pierre Daumesnil le défendit une première fois en
mars 1814, lors de la bataille de Paris, puis une seconde fois en
1815, lors de l'occupation de Paris par les troupes russes et prussiennes.

Avec moins de 200 hommes, le
général refusa de se rendre, insensible aux pressions
et aux tentatives de corruption, bravant le siège du fort
durant plus de cinq mois. Il finit par capituler sur ordre de Louis
XVIII, mais sortit de la forteresse en brandissant le drapeau tricolore.

La porte massive de sortie du donjon
provient de la prison du Temple, détruite par Napoléon.
L'empereur fut également à l'origine de l'étêtage
des différentes tours d'enceinte du château.

Le parc fut remanié au xixe
siècle dans le goût des jardins anglais. Napoléon
III confia à Viollet-le-Duc le soin de restaurer la chapelle
et le donjon et légua administrativement les 9,95 km2 du
bois de Vincennes à la ville de Paris.

Le 15 octobre 1917, ce fut au tour
de Mata Hari d'être fusillée pour espionnage
près de la forteresse de Vincennes, au pied de la butte du
polygone de tir, lieu habituel des exécutions militaires.

Lors de la Seconde Guerre mondiale,
le château servit brièvement de quartier général
à l'état major du général Maurice Gamelin,
chargé de la défense de la France contre l'invasion
allemande de 1940.

Le 2 août 1944, trois
divisions de la Waffen SS en retraite du front de Normandie s'installèrent
dans les lieux. Le 20 août 1944, 30 otages y furent à
leur tour exécutés par les forces nazies
; lesquelles détruisirent trois dépôts de munitions
installés dans des casemates, au moment de la libération
de Paris, dans la nuit du 24 au 25 août.

L'incendie provoqué dura alors
près de huit jours et provoqua des dégâts
irréversibles : une partie des collections fut détruite,
le pavillon du Roi en ruines, celui de la reine partiellement détruit.

En 1958, Charles de Gaulle
— alors président de la République — forma
le projet de quitter le palais de l'Élysée qu'il jugeait
trop enclavé dans Paris, sans perspective sur la capitale
et pas assez prestigieux pour accueillir le chef de l'État.
Il choisit le château de Vincennes comme nouveau logis présidentiel,
mais l'opération fut abandonnée pour d'autres priorités.

Cette forteresse a plus l'apparence
d'une vaste cité fortifiée ou d'une « résidence
royale fortifiée » que d'un château fort.

Le château n'était à
l'origine qu'un simple manoir, mais il eut très tôt
vocation à abriter, pour de longues périodes, la famille
royale avec toute sa domesticité, une partie de l'administration
du royaume et l'armée nécessaire pour sa défense.

Il est composé d'un
long mur d'enceinte de plan quadrangulaire, flanqué de trois
portes et de six tours de 42 mètres de hauteur, qui se développe
sur plus d'un kilomètre et protège un espace
de plusieurs hectares (330 × 175 m).

La place ainsi protégée
est occupée par le donjon haut de 52 mètres
au-dessus du sol de la cour (le plus haut d'Europe et comparableà
celui du château de Coucy détruit en 1917),
des bâtiments administratifs, civils et militaires, et une
chapelle.

Au Moyen Âge, l'ensemble
permettait à plusieurs dizaines de milliers de personnes
de vivre sur place.

Quand Jacques Androuet du Cerceau
dessine le château dans l'album Le premier volume des Plus
excellents bastiments de France, en 1576, l'enceinte est encombrée
; « elle renferme une véritable ville ».

Le donjon a été
conçu pour abriter le roi de France en cas de danger.
Il est à lui seul une place forte.

De larges douves, un châtelet
et deux ponts-levis assurent sa défense. Le niveau le plus
bas sert de réserve d'eau et de vivres.

Le premier et le deuxième étage
sont les appartements royaux. Les trois autres niveaux supérieurs
accueillent les domestiques et les militaires.

La forteresse
médiévale de Vincennes
La sainte-chapelle
du château de Vincennes
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