Etape 15 - Cordoue, la mezquita-catedral
Mardi 25 novembre 2014. Réveil de très bonne heure ce matin. Je pars rejoindre la gare de Séville pour filer prendre le train de Cordoue. Une formalité... quand on connaît la ville sur le bout des doigts ! Dans le cas contraire, galère assurée. Heureusement mon Ipad m'indique le chemin. Suffit juste de trouver la bonne rue et je suis le chemin indiqué. Pas très pratique comme joujou, mais drôlement efficace. Un petit quart d'heure plus tard, me voici à la gare de Séville. Train express pour Cordoue.

40 petites minutes plus tard, me voici à Cordoue***. Rebelote, cette fois-ci, il s'agit de regagner le centre de la ville à pinces. "Ipad mon bel Ipad, dis-moi où je suis ?" Bingo, il suffit juste de descendre le Paseo de la Vitoria et de filer plein sud à travers le quartier juif. La mosquée-cathédrale*** se trouve au bout de la rue. Pas le temps idéal pour admirer les murs d'enceinte avec ce ciel gris perché au-dessus de ma tête, mais la fin d'après-midi rattrapera l'affaire pour faire quelques clichés de ses façades blondies par le soleil rasant. Une pure merveille : portes et fenêtres aveugles sont ornées d'arches ciselées avec une incroyable finesse. Ecriture coufique sur les linteaux. En y regardant de plus près, aucune fenêtre n'est identique à une autre !

On accède à la mosquée par la cour des orangers***, lieu des ablutions rituelles. A l'origine, la cour n'était pas séparée de la salle de prières. 19 arcades permettaient la circulation des fidèles entre le patio central et la mosquée. Quant aux orangers, ils furent plantés par Isabelle la Catholique... en remplacement de la forêt de palmiers originale. L'eau des ablutions était extraite d'un puits aujourd'hui disparu, tout comme les bassins d'Al-Hakam II vers lesquels étaient canalisés les sources de la Sierra. Les cinq fontaines sont quant à elles apparues bien plus tard, aux XVe et XVIIIe s.

Avant de relever la tête vers le minaret***, un bref petit rappel historique s'impose. C'est en 756 qu'Abd Al-Rahman 1er décide d'élever Cordoue au rang d'émirat du califat de Damas, et ce, après que tout son clan fut décimé six ans plus tôt. Là, il décide d'élever une grande mosquée, symbole de l'indépendance de l'Islam occidental, à l'endroit même où se dressait la basilique wisigothe Saint-Vincent... laquelle aurait été construire sur les ruines d'un grand temple romain. Toujours est-il que la mezquita de Cordoue est aujourd'hui la seule grande mosquée conservée en Europe occidentale, la plus grande et la plus représentative de la domination musulmane en Andalousie. Le minaret, à l'origine, mesurait donc 23 m de haut. Sous Abd Al-Rahman III, il grimpa jusqu'à 47 m... Puis avec la Reconquête, le minaret fut transformé en clocher... et supporta la statue de San Rafael, patron de Cordoue.
Passées les portes de la mosquée, pas besoin d'attendre longtemps pour prendre une grande claque visuelle. Une forêt de colonnes comme je n'en ai jamais vu ! Merde alors ! Cette mosquée de Cordoue*** est un des plus beaux monuments qui m'a été donné de voir. Dans le top 10 assurément. Avant le Reconquête espagnole, la mezquita comptait plus de 1000 colonnes ! Aujourd'hui, il en subsiste encore 854. Dès le premier coup d'oeil, on comprend immédiatement l'influence romaine dans cette construction entamée par Abd Al-Rahman 1er en 785, puis agrandie par Abd Al-Rahman II au IXe s, puis par Al-Hakam II au Xe s, et enfin par Al-Mansour en 987. Mais la plus extraordinaire des parties reste la première, celle d'Abd Al-Rahman 1er qui donne directement sur la cour des Orangers. Ici, on est loins des grandes mosquées d'Istanbul, de Sainte-Sophie ou de la grande mosquée de Kairouan. L'influence antique est telle qu'on se croirait plongé dans un grand aqueduc antique. Les colonnes sont partout, dressées comme des arbres, supportant une double volée d'arcades qui soutient la voûte. Elegance et finesse. Les colonnes de marbre montrent d'incroyables couleurs et sont toutes différentes, de même que les chapiteaux. Certaines provenant de la basilique Saint-Vincent ont été recyclées, d'autres sont plus hautes que les autres, ancrées plus profondément dans le sol. L'une d'elle provient même d'Egypte !

De la basilique Saint-Vincent wisigothe subsistent encore quelques vestiges d'une mosaïque...

Cette mosquée est tellement grande qu'on ne sait pas par quel bout continuer la visite. Pour moi, ce sera le long chapelet de chapelles aménagées dans les murs. Fresques, tableaux, trésors, sépultures, il y en a pour tous les goûts ! A ne pas manquer la chapelle baroque du cardinal Salazar en marbre noir et blanc, à gauche du mihrab.
Sur la droite du mihrab, dans la partie ouest de la mezquita, on trouve également quelques vitrines renfermant les vestiges attestant la présence d'un lieu de culte wisigogh précédant l'édification de la mosquée.
Je tourne toujours autour de la cathédrale. Toujours l'histoire du dessert qu'on laisse pour la fin... Voici enfin le massura et le mihrab***, sommet de l'art baroque arabe., oeuvre d'Al Hakam II : moulures, mosaïques bysantines, arabesques et inscriptions coufiques mêlées dans une incroyable harmonie. Coeur de la mosquée, la macsura est située devant le mihrab qui indique la direction de la Mecque. Seul le calife et sa cour y avaient accès. L'imam y donnait le signe de la fin de la prière. Mais impossible d'aller plus loin. Une barrière empêche de vien voir la coupole extraordinaire qui le surplombe, de style bysantin et offerte à l'émir au Xe s. Des milliers de petits carreaux d'or, de cristal et de céramiques sont incrustés dans le marbre. Tout autour du mihrab court une magnifique frise or et bleu qui donne les 99 noms d'Allah. De chaque côté du mihrab se dresse un arbre de vie en albâtre, symbole de l'éternité...
En revenant sur ses pas, on pénètre enfin dans la cathédrale. "Une hérésie", de l'aveu même de Charles Quint lorsqu'il constata les dégâts fait sur ce joyau de l'architecture arabe... Mais qu'importe, on peut quand même saluer l'intelligence du travail de l'architecte qui parvint à conserver la nef axiale de la mosquée sans que la chapelle, pourtant au centre et en forme de croix latine, ne cache jamais le mihrab. Mieux en s'approchant de la cathédrale, les arcs sont surmontés d'une frise assurant le passage en douceur d'une architecture à l'autre. Le Christ prend même toute sa place... sous une magnifique arabesque ! Un chevet surmonté d'un pape bienfateur assure encore la transition d'un monument à l'autre. Les voûtes se chargent de nervures sublimes et plongent sur les arches de pierre arabes qui les soutiennent. Tout simplement inouï. En avançant vers la nef, des colonnes grecques accompagnent le pénitent que je suis. Magique.
Direction la cathédrale***. Elle s'élève dans l'extention d'Abd Al-Rahman II. Entamée en 1523... Il a quand même fallu 243 ans pour la mener à bien ! Du coup, tous les styles se mélangent : gothique tardif, Renaissance et baroque. Plafonds éblouissants. Coupole Renaissance d'une élégance inouïe. Coup de chance, un organiste donne une leçon de musique à un groupe d'enfants. Toccata. Bach. Le son des deux orgues est d'une grande pureté. Bois d'acajou venu tout droit de Cuba.


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