Etape 49 - Everest Base Camp - La montée éprouvante vers Gorak Shep (5.170)
Vendredi 17 novembre 2017. Nuit éprouvante. Mais ça va. J'ai encore réussi à dormir. Aujourd'hui est un grand jour. Le jour tant attendu. La montée finale vers le camp de base de l'Everest. Le but ultime de notre expédition. Franchement, jamais je n'aurais cru que cela soit possible. Pas avant le voyage, mais surtout pendant, encore plus les trois premières nuits où je n'ai pas fermé l'oeil, la terrible montée vers Namche Bazar, le mal des montagnes au réveil, et hier encore, l'ascension de la moraine laissée par le glacier Khumbu. Mais je suis là. Pas de maux de tête. Fatigué, épuisé par des jours de marche et par le manque d'oxygène, mais toujours là. Pas malade. Juste la crève qui commence à faire son effet...

C'est donc au petit matin que nous faisons l'ascension. Départ à 6 heures du matin. Le jour se lève à peine quand nous quittons Lobuche. Nous allons grimper doucement vers Gorak Shep***, l'avant-dernier poste de civilisation avant le camp de base de l'Everest. Sans doute le village le plus haut du globe : 5.170 mètres d'altitude. Du coup, on longe la montagne et on s'engage dans un large défilé encadré par la moraine latérale du Khumbu. Devant nous se dresse le pic enneigé du Lhotse, et en arrière-plan, l'Everest.

L'idée est d'atteindre Gorak Shep le plus tôt possible dans la matinée, de déposer nos affaires dans un des cinq lodges du village, de manger pour reprendre des forces, et de reprendre l'ascension pour monter jusqu'au camp de base de l'Everest. Aujourd'hui, trois mois après ce jour merveilleux, j'ai encore peine à croire ce que j'écris. Mais c'est bien ce que j'ai fait... Jamais je n'aurais pensé y arrivé. Vraiment. Je pense après coup que mes mois de préparation physique à courir trois fois par semaine, à enchaîner les matches de tennis, m'ont sans doute permis d'arriver jusque là-haut. Je ne suis pas un athlète. Loin de là. Et sans préparation à la douleur, à l'enchaînement de l'effort pour se forcer à continuer malgré la difficulté, impossible d'arriver tout là-haut. L'Everest, c'est pour moitié une question de physique, et pour l'autre une question de volonté. Dépasser ses limites. C'est ce que j'ai fait, je crois.

Le chemin qui mène jusqu'à Gorak Shep n'est pas vraiment difficile. Seulement 200 mètres de dénivelé par rapport à Lobuche. Et la montée se fait très naturellement, sur ce large défilé emprunté par des troupeaux de yakhs.

Dans le ciel, le soleil commence à donner sa pleine mesure. Un véritable réconfort car ce matin le thermomètre devait avoisiner les - 10°C. La glace formée dans la nuit commence à fondre par endroit. C'est fou comme les écarts de température sont importants sur les pentes de l'Himalaya. En novembre, il peut faire 15 ou 18 °C, et la nuit descendre facilement jusqu'à - 15 ou - 20 °C.

Pas le temps réellement d'en profiter. J'essaie tant bien que mal de suivre le rythme imposé par Sashee. On croise encore des troupeaux de yakhs. Certaines bêtes tirent la langue. Ici, on doit être à seulement 52 % d'oxygène... C'est dur. Mais tout va bien. La perspective d'arriver à Gorak Shep et de s"élancer vers l'Everest l'emporte sur toute autre considération. C'est le bonheur. Une sensation de satisfaction absolue. D'aboutissement.

Sous mes pieds, la rocaille se fait plus grossière. On imagine sans mal la puissance du glacier qui a concassé tous ces blocs de pierre. On se fraie un passage tant bien que mal.

Plus loin, sur la gauche, un sentier plus praticable apparaît. Encore un petit quart d'heure de marche et nous serons arrivés à Gorak Shep.

Autour de nous, les géants de l'Himalaya forment comme une vaste colonne qui nous accompagnent du regard. La beauté des lieux, minérale, désertique et glaciale est fascinante.


Allez, encore un tout petit effort, le sentier fait le tour d'un tertre et tout au bout nous apercevons les lodges de Gorak Shep. Je n'arrive toujours pas à y croire. Mais je serre les dents. Pour l'instant, rien n'est fait. Et maintenant que je suis ici, pour rien au monde, je ne voudrai échouer. Cet après-midi, je serai sur l'Everest.



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